Loin de moi l’idée de vouloir revenir aux modalités de la cérémonie d’ouverture, à l’admiration de beaucoup, aux controverses qu’elle a suscitées et notamment à la critique puissante mais discutée d’Alain Finkielkraut dans Le Figaro reprochant l’absence totale du génie français dans cette fête du 25 juillet1. J’ai seulement envie d’opposer à cette France globale qui s’est offerte avec une vision parfois orientée, l’image éblouissante de la France singulière d’Antoine Dupont, ce génial joueur de rugby à 15 puis à 7, cette personnalité d’exception se révélant tant lors du jeu qu’en dehors. Il est aujourd’hui, probablement, le sportif préféré des Français et pour des raisons qui ne tiennent pas qu’à son aura professionnelle. Il est de bon ton de vanter l’esprit d’équipe. Le groupe magique qui a remporté la médaille d’or, après avoir vaincu les Fidjiens jamais battus lors des Jeux Olympiques précédents, en est une exemplaire incarnation. Mais ce n’est pas battre en brèche cette exigence du collectif que de saluer dans ce triomphe le rôle capital d’Antoine Dupont. L’entraîneur a eu la sagesse de le faire entrer seulement en seconde mi-temps (à chaque fois, dans les matchs précédents, ce pari s’était avéré gagnant), quand les adversaires émoussés n’avaient plus la force de résister à cette rapide et étincelante boule d’énergie et de talent. Antoine Dupont n’a pas manqué d’être immédiatement décisif, soutenant d’excellents partenaires stimulés par lui et lui-même soutenu par eux, dans une fusion fraternelle de tous les instants.
Quelle plus belle illustration de cette symbiose que l’irrésistible chevauchée de 80 mètres d’Antoine Dupont avec le parfait dernier geste : une passe à son partenaire Aaron Grandidier marquant l’essai, Antoine Dupont par ailleurs auteur lui-même de deux essais dont le dernier de cette finale.
Cette alliance irréprochable entre le génie sportif d’Antoine Dupont avec ses qualités physiques hors du commun, et son esprit de solidarité, son altruisme – rien pour sa propre gloire ou pire, sa vanité, tout pour l’équipe – est sans doute le trait le plus remarquable de ce jeune homme. Il se met sur le terrain au service des autres en même temps qu’il se distingue par des actions d’éclat. Capitaine du XV de France, il n’enjoignait rien à ses coéquipiers mais leur montrait par son seul exemple la voie à suivre.
Cette disposition ne serait que sportive si elle n’était pas, dans ses attitudes une fois le match gagné, à chacune de ses interventions médiatiques, dans chacun de ses propos, le signe d’une extrême modestie tenant à la fois à une simplicité naturelle et à une juste perception de l’effort collectif. Ces vertus d’Antoine Dupont, sans la moindre esbroufe ni la plus petite posture ostentatoire qui soit, justifient l’admiration et l’estime qu’il inspire à beaucoup, passionnés de rugby ou non.
Peu m’importe alors qu’à une ou deux reprises il ait exprimé discrètement une opinion politique. Il en avait le droit. J’aime passionnément la France qui a le visage, la tenue, le génie et l’humanité d’Antoine Dupont.
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