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Jaloux de son aîné, qu’il détestait, « le roi sans royaume ne faisait rien sans raison, ni sans calcul ». C’est sous ces traits cruels que l’historien Matthieu Mensch décrit le comte de Provence, futur monarque de la Restauration, au seuil de l’ouvrage qu’il consacre aux Femmes de Louis XVIII – c’en est le titre. A Louis XVI, le cadet de la dynastie Bourbon enviait aussi son Autrichienne, dont il pensait que lui-même l’aurait mérité davantage : « la haine de Monsieur envers son infortunée belle-sœur avait fini par devenir de notoriété publique », au point que sur le tard, il cherchera à se dédouaner. Instrumentant la mémoire de la reine martyre, il fera même construire, en 1826, une chapelle expiatoire : « Marie-Antoinette semble correspondre parfaitement à la vision cynique de Louis XVIII, pour qui les femmes n’étaient que des outils politiques ou de simples faire-valoir ». Quel garçon sympathique…
Longtemps souverain sans trône, le frère du roi martyr n’offrait pas dans son exil anglais, c’est le moins qu’on puisse dire, une physionomie majestueuse : goutteux au point de ne pouvoir s’asseoir à table et de ne se déplacer qu’en chaise, gras comme un dindon, c’est un homme sur le déclin que retrouve sa nièce Marie-Thérèse Charlotte de France, la seule rescapée du Temple après l’assassinat de ses royaux parents.
Elle ne l’a pas revu depuis 1791. Le futur Louis XVIII avait surveillé de près les grossesses de sa belle-sœur. La naissance, en 1778, de celle qu’on appelle aussitôt « Madame Royale » « n’ôte pas au comte de Provence son statut d’héritier du trône, mais la fécondité du couple royal vient sérieusement amenuiser ses espoirs de régner ». La Révolution bouleverse la vie de cette princesse « pleine de morgue », prise en otage dans la double propagande royaliste et révolutionnaire, bientôt incarcérée au Temple avec ses parents, son frère et sa tante, et devenue « citoyenne Capet » : son journal rendra compte des derniers instants de sa famille, de sa longue captivité, puis de la mort prématurée de son phtisique petit frère (le dauphin Louis XVII), en 1795. Louis XVIII va utiliser les malheurs de sa nièce pour légitimer la dynastie Bourbon : enjeu politique, la survivante libérée par la Convention entame une longue errance de Vienne à Varsovie en passant par Mittau, en Courlande, et jusqu’en Angleterre. Devenue un atout pour Louis XVIII, qui la marie avec le duc d’Angoulême (le fils de son frère et futur Charles X), l’orpheline du Temple, à nouveau exilée sous l’Empire, sera associée par son oncle « friand de mythologue et d’allégories compliquées » à la tragédie d’Antigone : exit Napoléon, Louis XVIII fait de la duchesse d’Angoulême l’ « éternelle victime expiatoire de la Révolution (…), vestale veillant le feu de la monarchie ». Stérile, la presque reine se voit éclipsée par son mari, devenu dauphin de France en 1824 lorsque s’éteint l’oncle Louis et que Charles X accède au trône à son tour. Nouvel exil en 1830, définitif cette fois, ultime étape d’un long chemin de croix dont Chateaubriand se plaira à rappeler le pathétique.
Elle trépasse en 1851 : « dans la mort, la duchesse d’Angoulême et Madame Royale finissent par se rejoindre (…), ne formant plus qu’une seule somme de malheur ». Pareil à lui-même, Louis XVIII n’aura jamais cessé d’instrumentaliser le prestige conféré par les souffrances de sa famille.
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