Liberty Road Trip est le journal de bord qu’a tenu notre auteur Rainer Zitelman lors de son tour du monde. En vingt mois, l’historien et sociologue allemand a visité trente pays sur quatre continents, et parcouru plus de 160 000 kilomètres. Il présente un mélange passionnant d’impressions personnelles, de recherches historiques, de résultats d’enquêtes internationales et, surtout, de centaines de conversations avec des économistes, des entrepreneurs, des journalistes, des politiciens et des gens ordinaires dans ces pays. Il a décidé de confier quelques unes de ses haltes à Contrepoints et après Zurich, Tbilissi et Asuncion, la quatrième halte est Montevideo en Uruguay.
Mai 2022 Montevideo, Uruguay
Sur le trajet entre l’aéroport et l’hôtel, je découvre un monde différent de celui que j’ai vu ces derniers jours. Partout, des pelouses bien taillées et des maisons bien entretenues qui sembleraient parfaitement à leur place dans n’importe quelle ville allemande. Le contraste avec l’Argentine et le Paraguay ne pourrait être plus grand, j’ai l’impression d’être de retour en Europe.
En Uruguay, avant même mon arrivée, le groupe de réflexion libéral CED (Centro de Estudios para el Desarrollo) a organisé une interview avec le principal quotidien du pays, El País, et une autre interview a également été organisée, cette fois à la télévision.
Mon principal message dans ces deux interviews est le suivant.
L’Uruguay est déjà le deuxième pays d’Amérique latine le plus libre sur le plan économique. Selon l’indice de liberté économique 2022, l’Uruguay n’est qu’à 4,4 points du Chili, qui est actuellement le pays le plus libre d’Amérique latine.
Lors des entretiens, je prédis que le Chili continuera à reculer dans l’indice (de fait, le Chili n’avait déjà plus que 0,9 point d’avance sur l’Uruguay dans l’indice 2023). Malheureusement, le Chili s’est écarté de la voie capitaliste avec l’élection du socialiste Gabriel Boric. L’Uruguay devrait saisir cette opportunité et se positionner comme le pays économiquement le plus libre d’Amérique latine, renforçant ainsi son attrait pour les investisseurs. Cela nécessite de nouvelles réformes en faveur de l’économie de marché, c’est-à-dire des réductions d’impôts, la privatisation et la déréglementation. Il est bon que le gouvernement actuel s’efforce de conclure un accord de libre-échange avec les États-Unis et la Chine ; c’est également un pas en avant.
L’Uruguay a déjà de très bonnes nouvelles à partager.
Selon Transparency International, l’Uruguay est perçu comme le pays le moins corrompu d’Amérique latine. Avec 71 points sur 100, il devance même les États-Unis et le Chili, qui sont tous deux à égalité avec 67 points. À titre de comparaison, le Venezuela socialiste est perçu comme le pays le plus corrompu de la région, avec seulement 15 points. L’Uruguay occupe également une très bonne 15e place dans l’indice de démocratie de l’Economist (2020), devant le Chili (17e). Cela confirme que l’Uruguay est le pays le plus démocratique d’Amérique latine. Depuis le 1er mars 2020, le pays est présidé par Luis Alberto Lacalle Pou, fils de l’ancien président Luis Alberto Lacalle Herrera.
Luis Lacalle Pou est membre du Partido Nacional et les représentants du groupe de réflexion libéral uruguayen qui m’ont invité à déjeuner le décrivent comme libéral – bien qu’il ait été contraint de faire certains compromis parce qu’il fait partie d’une coalition avec un parti de « droite » dont les politiques économiques pourraient être plus précisément qualifiées de socialistes.
Luis Lacalle Pou voulait privatiser les compagnies pétrolières et gazières, mais il a échoué en raison de la résistance de son partenaire de coalition. Au déjeuner, je rencontre plusieurs personnes, dont l’économiste Isabelle Chaquiriand, doyenne de la Facultad de Ciencias Empresariales à l’Universidad Católica del Uruguay, et Agustín Iturralde, directeur du Centro de Estudios para el Desarrollo.
Ils fondent de grands espoirs sur le président libéral et considèrent qu’il y a un énorme besoin de réformes. Ils estiment que les niveaux accrus de protectionnisme entravent le développement économique et sont particulièrement préjudiciables à l’Uruguay.
Selon mes interlocuteurs, le principal problème est que la mentalité dominante en Uruguay est de nature nettement social-démocrate. Le gaz, le pétrole, l’eau et l’électricité sont aux mains de l’État, les règles de licenciement sont trop strictes, et les syndicats ont trop d’influence. Si l’Uruguay continue à renforcer son engagement en faveur de l’économie de marché, il pourrait attirer des entrepreneurs et des personnes fortunées d’autres pays d’Amérique latine qui apprécient la sécurité supplémentaire offerte par le pays.
L’un des Argentins les plus riches, Marcos Eduardo Galperín, dont la fortune est estimée à 6,6 milliards de dollars américains, s’est récemment installé en Uruguay. Il a acquis sa fortune grâce à l’entreprise qu’il a fondée, MercadoLibre S.A. (« marché libre »), une multinationale qui s’inspire d’eBay et d’Amazon.