C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures montures, paraît-il. Karim Laghouag, 48 ans, membre le plus expérimenté de toute la délégation française, formera sur ces Jeux Olympiques un duo pour le moins rodé avec Triton Fontaine, l’un des compagnons les plus fidèles de sa longue carrière. Voilà déjà six ans que le cavalier de Nogent-le-Rotrou murmure à l’oreille de son crack, âgé de 17 ans, et les deux composent désormais ce qu’on pourrait appeler un vieux couple.
Triton aura 18 ans l’an prochain, alors forcément, on le met dans le coton, on prend soin de lui. Mais c’est extraordinaire de voir comment on arrive encore à l’améliorer…
Aux yeux du cavalier nogentais, l’âge de Triton n’est absolument pas un handicap, bien au contraire. « C’est sympa quand on monte un vieux, comme on dit dans notre jargon, parce qu’il sait tout faire, confie l’Eurélien, avec son éternel sourire. Tu n’as pratiquement pas besoin de bouger, tu fais moins d’efforts et tu peux aller plus loin. Triton aura 18 ans l’an prochain, alors forcément, on le met dans le coton, on prend soin de lui. Mais c’est extraordinaire de voir comment on arrive encore à l’améliorer… »
Né dans le Calvados, à Gonneville-sur-Mer, Triton Fontaine est arrivé dans le Perche en 2018. Karim Laghouag est vite tombé sous le charme de ce selle français (87 % de pur-sang) qu’il décrit comme malin, instinctif, polyvalent et surtout redoutable en cross.
« Ce qu’il a entre les deux oreilles, c’est fou, s’emballe le champion olympique de Rio, intarissable quand il s’agit de parler de ses montures. Triton, c’est le cheval savant, il comprend tout très vite. Tous les matins, il se lève et il va au carton ! Il faut le freiner tellement il en veut et il est volontaire. Il n’a pourtant pas la moitié du physique des deux autres (ndlr : Dream de Vieve et Embrun de Reno), mais il fait trois fois mieux parce qu’il s’entraîne tous les jours plus dur. Il va au-delà de ses souffrances. C’est un dur au mal. Il lui manquerait un membre qu’il essaierait quand même d’aller sauter les obstacles. Alors, il faut faire très attention de ne pas le casser… »
Par les chemins de traverseLe début de l’histoire n’a pourtant pas ressemblé à la ligne droite de Longchamp. Si Triton a immédiatement brillé à son arrivée à La Ribaudière, chez Karim Laghouag, avec un succès dans le “4 étoiles” le plus primé d’Europe, à Jardy, son ascension a ensuite pris des chemins de traverse. Lui qui a aussi été enquiquiné par la maladie de lime, qui nécessite régulièrement des soins. « On est redescendu sur du petit niveau pour reprendre confiance, raconte le cavalier de l’équipe de France. Il fallait développer de la complicité, retrouver de l’amusement et nouer un lien de confiance. C’est ce lien que tu tisses avec ton cheval, ce côté fusionnel, qui te permet ensuite de gagner. »
"Les événements lui glissent dessus. Il arrive quelque part, il est comme chez lui. Il fait le tour de son box, tout est plié, relax !"
Tactique payante et rebond magistral. En 2021, Triton Fontaine, initialement remplaçant, profite d’un incroyable concours de circonstances pour s’inviter aux Jeux Olympiques, à Tokyo et monter sur la troisième marche du podium. La plus belle ligne de son palmarès.
Trois ans plus tard, peut-il aller chercher un métal encore plus précieux ? Karim Laghouag y croit fort, tandis que Triton reste d’un calme olympien : « À mesure qu’il prend de l’âge, il est de mieux en mieux, détendu. Les événements lui glissent dessus. Il arrive quelque part, il est comme chez lui. Il fait le tour de son box, tout est plié, relax ! »
Alors Triton, prince de Versailles ?
Romain Léger