Cheveux courts. Très pâle et avec un léger sourire qui ne le quitte jamais, Boris (*) se présente dans le box des prévenus. En détention provisoire depuis début juin, il a été appréhendé par la police de Guéret qui avait mis ses activités sous surveillance, alors qu’une transaction était en cours. Le délai de comparution avait été donné pour permettre une expertise qui n’a pas eu lieu. Mais le tribunal estime qu’il est temps de juger l’affaire, d’autant que l’accusé a décidé de coopérer.
Les chiffres qu’il expose de tête sont au milligramme près. Ont été saisis : 1,351 kg de résine de cannabis, 6,93 g de cocaïne, 20 g et quelques de MDMA, 29 paquets de cigarettes contrefaites, 8 cigarettes électroniques, 850 euros. Il corrige la présidente qui pensait que c’était 1.000 euros. Il parle du “business” en des termes professionnels, révélateurs d’une méthodologie bien réglée. « Le “terrain” était ouvert de 11 heures le matin jusqu’à minuit pour drogues dures et douces… On vous a notifié qu’un seul terrain mais je faisais des rotations… Puis je recevais des livraisons après fermeture, entre 2 heures et 2 h 30… C’est une voiture qui amenait les stups et remportait l’argent… Moi j’étais payé en salaire fixe, liquide, chaque semaine. » Boris lâche le mot “engrenage”.
Il s’est mis là-dedans car son père avait des factures à payer. Sauf que Boris avait déjà pris un peu de drogue avant, et il s’est remis à en consommer en parallèle du business. « Ça me posait quand même un problème, déontologiquement, commente-t-il. Je voyais les clients avec les yeux injectés de sang, les dents claquantes… »
Le tribunal considère cette prise de conscience. Ainsi que le climat familial difficile dans lequel Boris a grandi. Déscolarisé après la 3e, son interrogatoire depuis juin lui a fait raconter la maltraitance et les attouchements qu’il aurait subis plus jeune. Du coup, le Parquet a ouvert une enquête dans laquelle c’est Boris qui est victime.
« Est-ce qu’il y a une fragilité, une pathologie ? », questionne le tribunal. Boris est allé trois semaines à l’hôpital pour ses addictions, et c’est le seul endroit où il s’est senti bien. Sinon, il a fait des tentatives de suicides. N’a jamais travaillé, ni demandé non plus d’aides sociales. « Vous dites que c’est là où vous êtes le mieux mais vous n’y êtes pas allé souvent non plus », observe le tribunal.
Il y a les problèmes personnels certes, mais de gros volumes écoulés tout de même : 7 à 8 kg de cannabis, 80 à 100 g de cocaïne à la semaine… La Procureure ne veut pas laisser passer et requiert 24 mois ferme minimum, avec obligation de soins. L’avocate de Boris demande que la peine ferme soit la plus courte possible avec un étayage suffisant pour se détacher de l’engrenage. Elle souligne la volonté de son client : « Le mois dernier il avait les cheveux très longs qui lui cachaient le visage. Il les a coupés. C’est peut-être anecdotique mais c’est un premier pas vers le nouveau Boris », plaide-t-elle. Après 20 minutes de réflexion, le tribunal tranche. Boris repart en détention.
(*) Le prénom a été changé
Floris Bressy
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