Avec ce nouveau feat super-héroïque, Deadpool & Wolverine marque la troisième collaboration entre Ryan Reynolds et Shawn Levy, après Free Guy et Adam à travers le temps. Par ailleurs, la première incursion pour le cinéaste dans la franchise Marvel ne le tient pas tant éloigné de sa Nuit au musée, où un vortex, gigantesque désert de poussière, fait office de chambre à jouets cassés. Le théâtre sablonneux accueille ses héros méprisés comme autant de fossiles qui ne demandent qu’à reprendre vie, l’occasion parfaite pour actionner l’usine à caméos où des figures d’antan viennent faire coucou.
Ce nouvel opus se déploie ainsi devant la statue géante et à moitié ensevelie du logo de la 20th Century Fox, relique se référant explicitement au rachat du studio par Marvel il y a quelques années. L’arrivée de Wolverine dans le MCU ne pouvait pas être plus goguenarde, Deadpool s’en donnant à cœur joie dès l’introduction dans une profanation de sépulture musclée où les os du X-men lui servent d’armes tranchantes.
L’absence de chair, le film en fait son affaire, réunissant deux héros qui partagent une même capacité inouïe de régénération et peuvent se découper à l’infini. Deadpool récupère ainsi un Logan dépressif biberonné au Red Label et amorce une bromance gore pas toujours désagréable. Leur promiscuité en est renforcée par des scènes d’action qui trouvent leur meilleur écrin dans des espaces ultra-réduits et lorgnent vers la comédie musicale, à l’intérieur d’une voiture sur la B.O. de Grease ou le long d’un interminable travelling dans une simple ruelle de studio, sur Like a Prayer de Madonna.
Leur ennemi commun est moins un antagoniste personnifié (la sœur jumelle du professeur Xavier qui passe son temps à doigter des crânes sert de prétexte mollasson) que la timeline elle-même. Derrière l’intégrité du flux temporel à préserver, difficile de ne pas y voir celle de la franchise tout entière qui tente de vivoter avec une irrévérence vague et dont Deadpool se faisait jadis le porte-étendard prometteur. Il est hélas désormais cantonné à un humour bien terne, s’attaquant explicitement et sans inspiration à tout ce qu’il est possible d’écorcher : le wokisme, le féminisme, l’écriture inclusive, le véganisme, l’identité de genre. C’est peut-être là la destinée de ce héros, métamorphosé en tonton boomer accoudé au coin de la table, avec un toutou sur les genoux, un peu gênant et un peu tendre.
En mettant ainsi en scène ses propres studios et ses rachats, Marvel semble inventer un nouveau genre : la réalisation de son autobiographie financière. L’inoffensive aventure ne permet jamais de s’extirper de la torpeur dans laquelle la machine s’est enlisée, et où le désir de subversion maquille bien mal l’inconsistance de son opportunisme.
Deadpool & Wolverine de Shawn Levy avec Ryan Reynolds, Hugh Jackman – En salle le 24 juillet