Documentaire pensé par le gouvernement japonais comme grand promoteur des Jeux olympiques de Tokyo en 1964, le projet est initialement confié au héros national Akira Kurasawa à qui l’on refusera finalement le poste pour cause d’ego trip un peu trop envahissant (en plus du documentaire, le cinéaste souhaitait mettre en scène la cérémonie de clôture et de fermeture de l’événement). Avec ses 23,5 millions d’entrées, le film d’Ichikawa reste l’un des plus grands champions de l’histoire du box-office japonais. Il ne sera détrôné de sa première place que près de 40 ans plus tard par Le Voyage de Chihiro. Et si Tokyo Olympiades c’était l’équivalent de La grande vadrouille pour les Japonais·es ? Le grand réconciliateur rediffusé à la télé deux fois par an en prime time pour contrer le blues du dimanche soir.
Les Jeux olympiques au cinéma, c’est aussi des éditions inventées de toutes pièces comme dans Les Fous du Stade. Deuxième film de la bande des Charlots (pour les moins de 50 ans, ce sont les Jackass en version soft) tourné dans la foulée du carton des Bidasses en folie, le film imagine des JO à Paris en 1976 parasités par l’irruption bordélique des quatre gringalets. Particulièrement débile, on retient toutefois l’antimilitarisme et l’éloge de la flemme qui documente la veine libertaire post 68 irriguant le pays.
Inspiré de la vie de deux athlètes britanniques participant aux Jeux olympiques d’été de 1924, Les Chariots de feu reste avant tout une interminable course à pied où chaque ralenti béat convoque le poncif du sport comme moyen d’élévation de l’âme et du corps. Devenu mythique par l’immense succès des synthétiseurs épiques de sa B.O signée Vangelis, le film reste encore aujourd’hui l’un des plus sérieux concurrents à la médaille d’or dans la catégorie : “tout le monde adore la musique mais tout le monde se fout du film”.
Rasta Rockett n’était pas, à l’origine, le feel-good movie qu’il est devenu. Très librement inspiré de l’histoire vraie de l’équipe jamaïcaine de bobsleigh participant aux Jeux olympiques d’hiver de 1988 à Calgary au Canada, le drame antiraciste sous fond d’addictions aux drogues imaginé par Jon Turteltaub se voit quelque peu modifié lorsque Disney devient producteur du film. Lissage généralisé opéré par le studio, le scénario est largement réécrit. Pire la production demande aux comédiens de s’exprimer avec le même accent caricatural des Caraïbes que celui du crabe Sébastien dans La petite sirène (1989). Unique satisfaction de la version live action de 2023 du conte d’Andersen, l’accent sera enfin corrigé par Disney. Comme quoi les années 2020 ne sont pas si nazes.
Reconstituant la prise d’otages des sportifs israéliens par un commando palestinien lors des Jeux olympiques de 1972, Munich clôt de façon frontale et évidente un triptyque autour du 11 septembre par Spielberg (de l’avertissement d’une impasse d’une réponse sécuritaire dans Minority Report aux attaques surprises et ultra-violentes dans la Guerre des Mondes et Munich). C’est la seconde évocation – dans l’œuvre du cinéaste – de la violence subie par le peuple juif plus de dix ans après La Liste de Schindler. Plus anecdotique mais à noter tout de même, l’irruption d’un casting français tout droit sorti d’un film de Wes Anderson : Michael Lonsdale, Mathieu Amalric, Mathieu Kassovitz, Yvan Attal, Valeria Bruni-Tedeschi). Ne cherchez pas Léa Seydoux, sa carrière d’actrice n’avait pas encore commencé.
Remarqué pour son Empire de la perfection, réflexion passionnante sur John McEnroe et le mouvement au tennis, le cinéaste Julien Faraut poursuit son étude des images sportives dans Les Sorcières de l’Orient. Le film nous plonge dans les JO de Tokyo en 1964 en immersion avec l’équipe de volley japonaise composé de jeunes ouvrières qui vont, contre toute attente, décrocher la médaille d’or. Devenu mythique, le film alterne les images de la retransmission du match des joueuses et celle d’un animé japonais directement inspiré du destin des volleyeuses. D’après les rumeurs, le prochain film de Julien Faraut prendrait (il n’est, décidément jamais rassasié de sport) la forme d’une grande exégèse de la pétanque au cinéma, du Gendarme de Saint-Tropez au cinéma de Pagnol. On n’a pas vérifié l’info.
On l’avoue, celui-ci, on ne l’a pas vu. Choisie par le Comité international olympique pour réaliser le film officiel des Jeux olympiques de Tokyo en 2020, Naomi Kawase a dû composer avec une édition vidée de ses spectacteur·ices, crise sanitaire oblige. Présenté en 2022 au Festival de Cannes, mais étrangement toujours invisible sur nos écrans, il ne nous reste qu’à rêver de ces images. Celles, par exemple, de la grande finale de plongeon haute voltige dans lequel le champion chinois – et tenant du titre – s’élancerait au ralenti puis décollerait du plongeoir. La parfaite agilité du mouvement viendrait se superposer par une délicate surimpression à un coucher de soleil orange sanguine posé à l’horizon. Juste avant se dissoudre dans le bassin, l’acrobate confesserait en voix-off que c’est dans cet instant de suspension précédant sa fusion avec l’eau, qu’il se sent réellement habiter son corps.