Il faut s’imaginer un « puits de carbone forestier, une pompe à carbone qui fonctionne en permanence à partir de la photosynthèse », formule Nicolas Sarrauste de Menthière, le président du syndicat des propriétaires forestiers du Cantal, où pas moins de 83 % de la forêt (contre 75 % au niveau national) appartient aux particuliers.
Mais ce puits semble bouché. Le 20 juin, le Haut conseil pour le climat a publié un rapport alarmant. Entre 2019 et 2022, la forêt française a absorbé 20 millions de tonnes de CO2 chaque année en moyenne. C’est deux fois moins que sur la période 2013-2021, avec 40 millions de tonnes captées… et trois fois moins qu’en 2005-2013, avec 63 millions de tonnes absorbées par an en moyenne.
« Le fameux scolyte sur l'épicéa »Inquiétant. Très inquiétant, confirme Nicolas Sarrauste de Menthière. « Essentiellement parce que les conditions climatiques des dernières années (notamment les canicules et sécheresses successives, avec un pic en 2022), ont affaibli les arbres, décrypte-t-il. Qui sont plus susceptibles d’êtres attaqués par un certain nombre de parasites, comme le fameux scolyte sur l’épicéa. »
Ce petit insecte ravageur avait mis à mal la forêt cantalienne à l’automne 2022. On peut aussi citer le pissode, un autre insecte qui vient se positionner sous l’écorce du sapin… et qui s’est, par exemple, attaqué à la forêt de l’Artense.
L'adaptation« Ces agressions qui, en temps normal, auraient été jugulées par le système de défense des arbres, sont ici mortelles, poursuit Nicolas Sarrauste de Menthière. Et donc on voit des peuplements d’épicéas qui dépérissent », illustre-t-il.
Lorsque les bois sont touchés par le scolyte, ils sèchent. « Il faut intervenir. Si on laisse des peuplements, cela constitue des foyers de dissémination des insectes dans les peuplements alentour. Le problème, c’est qu’une fois que les bois sont secs, il n’y a guère d’autre solution que d’intervenir par coupe rase. Et on sait bien que les gens ne sont pas fanas de ces coupes en général, ce que l’on peut comprendre, car cela marque le paysage… Mais il n’y a pas d’autre solution », répète-t-il.
Ensuite ? « Si on veut que le puits de carbone fonctionne en forêt, il faut renouveler les forêts pour les adapter au changement climatique, insiste Nicolas Sarrauste de Menthière. Une fois que l’on a coupé les bois scolytés, il faut essayer de replanter avec des essences qui ont une chance de supporter le climat que l’on nous annonce à la fin du siècle… »
Un répit offert par les pluiesOn estime que le département compte 23.000 propriétaires forestiers. C’est beaucoup… et c’est à eux que revient la tâche de « ne pas se louper ». « Même les chênes sont concernés. Le chêne pédonculé est plus sensible : si on doit renouveler, il faut essayer d’introduire du chêne sessile. Et en matière de résineux, nous essayons d’introduire des sapins de Turquie, détaille Nicolas Sarrauste de Menthière. Des plantations de cèdres de l’Atlas commencent aussi à se faire. »
Depuis octobre 2023, les pluies s’abattant sur le Cantal offrent « un répit. Les arbres qui ont été affectés restent affectés, mais la progression est moins rapide qu’elle ne l’aurait été si on avait eu des conditions météorologiques prolongées en sécheresse ou canicule », explicite-t-il.
« À chaque nouveau rapport du Giec, on constate qu’on est sur la tendance du pire scénario du rapport précédent, déplore Nicolas Sarrauste de Menthière. Mais pour boucler l’objectif d’une neutralité carbone en 2050 au niveau national, le puits de carbone forestier reste important. »
Romain Blanc
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