En tant que vice-présidente, elle semble être l’héritière naturelle de Joe Biden. Le nom de Kamala Harris est de plus en plus évoqué alors que se multiplient les appels à ce que le président américain, candidat démocrate à l’élection présidentielle de novembre, renonce à sa candidature.
De nombreux démocrates espèrent désormais un retrait de Joe Biden, y compris plusieurs poids lourds, comme l’ancienne cheffe de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, ainsi que les leaders des démocrates à la Chambre et au Sénat, Hakeem Jeffries et Chuck Schumer. Tout comme l’ex-président Barack Obama, toujours influent, ils auraient conseillé en privé à Joe Biden de ne pas se représenter en raison des inquiétudes sur son âge et sur sa santé mentale, après sa performance désastreuse au débat télévisé de fin juin contre Donald Trump.
Si Joe Biden décidait effectivement de se retirer, les démocrates n’auraient que quelques semaines pour désigner un remplaçant, la convention nationale du parti débutant le 19 août. De leur côté, les républicains devraient réagir rapidement pour attaquer leur nouveau rival. Et selon le New York Times, l’équipe de Donald Trump a déjà commencé à travailler sur une stratégie contre Kamala Harris.
Ce plan d'action ciblerait notamment le bilan de la vice-présidente, que Joe Biden a chargé de s’occuper des "causes de l’immigration". Les républicains présenteraient ainsi Kamala Harris comme responsable de la gestion de la frontière avec le Mexique, désapprouvée par deux Américains sur trois selon un sondage d'Associated Press et du centre de recherche NORC.
L’immigration reste une des principales préoccupations des électeurs, en particulier en Arizona, un swing state important pour remporter la victoire. Toujours selon le New York Times, l’équipe de Donald Trump prévoit aussi de cibler le bilan de Kamala Harris comme procureure de Californie, que la droite conservatrice juge trop laxiste envers les délinquants et les consommateurs de drogues. Pourtant, ce même bilan est souvent jugé trop ferme par l’aile gauche du Parti démocrate.
Fait courant pour une élection présidentielle américaine, le Parti républicain se prépare aussi à lancer une grande vague de publicités télévisées contre Kamala Harris si elle était investie, explique l'enquête du New York Times. D’autant plus qu’il a suffisamment d’argent pour financer une telle opération. Au deuxième trimestre 2024, Donald Trump a levé 331 millions de dollars, soit 67 millions de plus que Joe Biden sur la même période.
Les fonds de campagne pourraient aussi être au cœur d’une bataille juridique. Selon le quotidien new-yorkais, les républicains prévoient de lancer des poursuites judiciaires contre les démocrates si Kamala Harris ou un autre candidat cherchait à utiliser l’argent levé ces derniers mois par l’équipe de Joe Biden. Rien n’indique que la vice-présidente n’aurait pas le droit de le faire, mais ces poursuites pourraient geler temporairement l’usage des fonds et amplifier le chaos au sein du Parti démocrate, à un moment où celui-ci devrait plutôt s’employer à rassurer les électeurs.
Autre signe que l’équipe de Donald Trump se prépare à l’hypothèse Harris, la vice-présidente est bien plus souvent mentionnée par les responsables républicains. Le candidat républicain vient même de lui trouver un nouveau surnom : "la rigolarde Kamala" ("Laughing Kamala"), en raison de ses fréquents et tonitruants éclats de rire. "Vous l’avez vu rire ? Elle est folle. Un rire en dit long sur quelqu’un", a-t-il lancé lors d’un meeting ce samedi 20 juillet.
Si Kamala Harris est l’alternative la plus probable, l’entourage de Donald Trump anticipe aussi d’autres éventualités, confient les deux informateurs du New York Times, notamment les gouverneurs du Michigan et de Californie, Gretchen Whitmer et Gavin Newsom, dont les noms circulent pour remplacer Joe Biden. Les républicains préparent également des angles d’attaque contre le gouverneur de Pennsylvanie, Ben Shapiro, qui pourrait être le colistier de Kamala Harris et dont l’Etat est presque indispensable pour décrocher la Maison-Blanche.
Ces scénarios alternatifs restent marginaux, car l’équipe de Trump semble convaincue que Kamala Harris sera désignée candidate en raison d’un calcul électoral très simple. En refusant d’investir une femme noire, la première dans l’histoire du pays, les démocrates risqueraient de s’aliéner le soutien de cet électorat, qui est l’un des plus fidèles au parti. Une candidature de Kamala Harris divise les électeurs démocrates, mais est aussi perçue comme la plus évidente. Appelés à classer les prétendants potentiels pour un sondage réalisé par SurveyUSA et l'organisation FairVote et publié le 15 juillet, ces électeurs ont placé largement en tête la vice-présidente, quel que soit leur âge, leur genre ou leur couleur de peau.
Surtout, Kamala Harris pourrait poser plusieurs problèmes à Donald Trump. Si ce dernier a expliqué à plusieurs reprises qu’il la battrait facilement, elle n’est que deux points derrière lui dans les derniers sondages et pourrait gagner du terrain en entrant officiellement en campagne grâce à quelques avantages.
Elle est plus jeune (59 ans), alors que les Américains ne sont pas satisfaits de ce duel d’octogénaires. Elle est plus énergique que Joe Biden et plus réactive en débat. Sa victoire en tant que femme noire serait historique, une perspective qui pourrait mobiliser l’électorat noir que Donald Trump cherche à conquérir. Ancienne procureure, Kamala Harris jouerait aussi sur la distinction entre elle et l’ex-président, condamné par la justice et poursuivi au pénal dans plusieurs affaires. Enfin, elle s’est montrée très présente ces derniers mois sur la question de l’avortement, qui a fait gagner aux démocrates plusieurs élections depuis l'annulation de l'arrêt Roe v. Wade par la Cour Suprême. De quoi inquiéter le camp républicain et mettre en lumière celle qui avait dû mettre fin à sa propre campagne pour la présidentielle de 2020.