Un Clermontois a été condamné pour avoir tenté d’obtenir des faux papiers alors qu’il était en cavale. Il s'était fait arrêter à Puy-Guillaume en février 2024. Deux complices ont également été jugés.
Il y a des prévenus pas comme les autres. Pour transférer Mohamed Brahim de centre pénitentiaire de Riom jusqu’au tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, il aura nécessité pas moins de cinq fourgons d’escortes pénitentiaires et des ÉRIS (Equipes régionales d’intervention et de sécurité). Il faut dire que le jeune clermontois de 25 ans n’a pas le profil habituel des prévenus qui fréquentent le tribunal correctionnel puydômois. Il purge actuellement une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle prononcée par la cour d’assises du Rhône, en novembre dernier, pour avoir participé au meurtre d’Abdéraouf Baiche, dit "Raouf" (*). Un caïd, notoirement connu de la police, qui avait été exécuté d’une dizaine de balles dans la tête à bout portant, le 4 septembre 2019, dans le quartier de La Gauthière, à Clermont. Un règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants. Le procès s’était déroulé à Lyon, car l’affaire avait été instruite par la Jirs (Juridiction interrégionale spécialisée), compétente en matière de grand banditisme. Mais avant le prononcé du verdict, Mohamed Brahim, qui comparaissait libre sous contrôle judiciaire, avait pris la poudre d’escampette. C’est justement le départ du présent dossier.
"De toute façon, je voulais me rendre…"Le 4 février 2024, le centre d’expertise des titres d’identité signale une tentative abusive d’obtention de passeport à la mairie de Puy-Guillaume. Quelques jours plus tôt, après avoir effectué les démarches en ligne sur le site de l’ANTS, Mohamed Brahim se présente dans cette mairie avec une fausse carte d’identité. La photo est soumise à la police. Le prévenu est reconnu d’emblée, il fait l’objet d’un mandat d’arrêt après sa condamnation aux assises du Rhône. Le 20 février, à 17?h?15, Mohamed Brahim arrive dans une voiture conduite par l’un des deux autres prévenus, âgé de 21 ans, à son rendez-vous à la mairie de Puy-Guillaume pour retirer le passeport. Sauf que les enquêteurs de la PJ l’attendent de pied ferme. Le duo est interpellé.
"C’était juste un service de bon cœur""À aucun moment je savais que Mohamed était en cavale. Il avait pas le comportement de quelqu’un qui était recherché. On jouait au foot, on s’est connu à la coupe du monde (de football des quartiers, NDLR) de Clermont-Ferrand", assure le jeune homme. Et d’ajouter : "C’était juste un service de bon cœur." "J’ai prêté mon téléphone, je savais pas ce qui se passait", affirme le troisième prévenu, 25 ans, également poursuivi pour complicité. "Il savait que Mohamed Brahim avait été condamné à une peine lourde, mais jamais il n’aurait pris le risque de l’aider à faire des pièces falsifiées", plaide son conseil, Me Sertillange. Dans le box, Mohamed Brahim est entouré d’agents de la pénitentiaire, mais également des ÉRIS, encagoulés, dont certains sont postés dans la salle d’audience et dans les couloirs du tribunal. Durant sa cavale, il dit avoir vécu "à droite à gauche". Les démarches pour faire des faux papiers, il les a trouvées sur un réseau social. "Sur Snapchat, on trouve de tout, y a des personnes qui proposent des choses légales et illégales." S’il reconnaît les faits, il réfute avoir projeté de fuir l’Europe. "De toute façon, je voulais me rendre. Le passeport, c’était pour circuler en attendant de me rendre, mais c’était pas pour partir…"
Défendu par Me Amar, Mohamed Brahim est condamné à trois ans de prison ferme et maintien en détention. Le chauffeur, défendu par Me Boudad Lacroix, écope de douze mois de prison avec sursis probatoire pour complicité. L’autre complice, Allan Gutierrez, récidiviste, également condamné pour détention d’arme et non-justification de ressources, écope de trois ans ferme, plus la révocation d’un précédent sursis à hauteur d’un an, soit quatre ans ferme en tout. Il est maintenu en détention. (*) Parmi les sept accusés condamnés en novembre 2023, trois ont fait appel, dont Mohamed Brahim. L’affaire devrait de nouveau être jugée devant la cour d’appel de Lyon, courant 2025.
Blanchiment d’argent en famille ? Mohamed Brahim était également convoqué pour un autre dossier de blanchiment d’argent, en compagnie de son frère Abdelkader (condamné, dans le même procès, à vingt-cinq ans de prison) et leur mère. Lors de l’interpellation des deux frères, le 17 février 2020, dans le cadre du meurtre de "Raouf", les policiers avaient découvert près de 65.000 €, dissimulés sous l’évier de la cuisine du domicile familial, « conditionnés de manière caractéristique du trafic de stupéfiants ». Ceci a fait l’objet d’une procédure incidente. Incarcéré à Lyon-Corbas, Abdelkader Brahim n’a pu être extrait. L’affaire est donc renvoyée au 8 septembre 2025.
Julien Moreau
