Il y a quelques semaines, l’immense champion de tennis Roger Federer était invité à la cérémonie de remise des diplômes de l’université américaine de Dartmouth. Son discours sur les notions de travail, d’échec et de gestion de la défaite fait désormais le tour du monde.
Je retiens pour ma part cette statistique incroyable : « même les joueurs les mieux classés gagnent à peine plus de la moitié des points qu’ils jouent » !
Plus que jamais, nous sommes friands de ces métaphores managériales inspirantes. C’est devenu un marché ! Il existe d’ailleurs des marketplaces pour trouver les conférenciers correspondants à vos attentes du moment !
En fonction des époques, la cote des métaphores varie ! Le sport tient actuellement le haut du pavé. Sans doute à cause des valeurs qu’il véhicule : performance individuelle et collective, dépassement de soi, recherche de la perfection…
Et puis, parce que si la société ne tolère pas toujours les notions de libre concurrence et d’inégalité dans la performance, elle l’accepte pour le sport !
D’autres sports ont plus que jamais la cote !
Le rugby, naturellement. Encore amateur il n’y a pas si longtemps, ce sport collectif inspire au-delà du cercle des passionnés du ballon ovale. Par exemple, j’avais pu voir à l’œuvre le sélectionneur de l’équipe de France Fabien Galthié en conférence il y a une quinzaine d’années. Il était convainquant dans ses propos sur la fierté du port du maillot (même si on est mercenaire et que l’on change souvent de club comme on change d’entreprise), sa démonstration du caractère collectif d’un essai (ne pas voir seulement celui qui marque mais aussi toutes les passes qui ont précédé son exploit) ou sa conviction qu’il faut avant tout travailler ses points forts plutôt que de s’acharner sur ses points faibles.
Le football, bien sûr ! Je me rappelle notamment du reportage Les yeux dans les bleus sur l’équipe victorieuse de la Coupe du monde 1998 de Football. Un modèle du genre. Il permettait de découvrir l’envers du décor. Le debrief à la mi-temps d’Aimé Jacquet est remarquable. C’est l’exemple même de l’introspection sur le fonctionnement collectif du groupe.
Sans oublier le ski ! L’ancien médaillé d’or des jeux olympiques en ski acrobatique, Edgar Grospiron est l’un des anciens sportifs « bankable » auprès des entreprises.
J’aime bien citer sa formule : « La pression ? Je ne connais pas. Pour moi une pression, c’est une bonne bière » ! Donald Rumsfeld, l’ancien secrétaire d’État américain à la Défense, aimait répéter de son côté : « Quand vous faites du ski, si vous ne tombez pas, c’est que vous n’essayez pas ».
La formule « Si vous pensez avoir les choses sous contrôle, vous n’allez pas assez vite » est attribuée à Mario Andretti. Ce n’est pas un philosophe italien, mais un célèbre pilote automobile américain (vainqueur d’Indianapolis et champion du monde 1978 de Formule 1).
Les navigateurs des grandes courses au large, le handball, avec les interventions du sélectionneur le plus titré de l’histoire du sport français, Claude Onesta… On peut continuer la liste des sports inspirants en management et leadership.
Je vous saoule avec le sport ? Évoquons la musique qui a ses adeptes ! Au début des années 1990, le cabinet de conseil Boston Consulting Group (BCG) avait développé l’analogie du free jazz avec le management ! C’était une bonne métaphore pour illustrer les nouvelles façons de collaborer, de co-construire et travailler en équipe (Article de John Clarkeson du BCG).
Très prisées également, les métaphores militaires. Lors de conventions d’entreprise, les valeurs de courage et de solidarité, le rapport à la prise de risque rendent inoubliables les interventions de hauts gradés sollicités pour l’occasion. Servir (Éd. Fayard 2017), le premier essai du général Pierre de Villiers, regorge d’exemples utiles. Son échange en 2016 avec Henri de Castries, le CEO d’AXA à l’époque, au cours d’une conférence à l’IHEDN sur leurs regards croisés sur le leadership est très intéressant.
Et puis il y a des métiers moins fréquemment cités qui mériteraient d’être sous les feux des projecteurs !
Dans le troisième tome de ses mémoires (Histoire intime de la Ve République, Gallimard 2023), le journaliste Franz-Olivier Giesbert détaille les leçons qu’il a retenues de ses mentors : les patrons de presse Claude Perdriel et Robert Hersant. J’y ai consacré une chronique sur LinkedIn.
Enfin, il y a des métaphores encore plus surprenantes. La professeure d’HEC Paris Valerie Gauthier, qui s’est beaucoup intéressée à la traduction de poésie, ose une analogie entre la poésie, qui relie structure et sensibilité, et le leadership… J’ai eu récemment l’occasion d’interviewer Valérie pour le compte de l’Institut Sapiens à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage Réinventer le dialogue (Eyrolles 2024).
Bref, s’il n’y a pas de sots métiers, il n’y a pas non plus de sots exemples de pratiques managériales inspirantes ! Tous les secteurs constituent des sources d’inspiration… À quand un conférencier issu du monde agricole (le bon sens paysan, la prise de risque mais aussi les politiques financières pour se couvrir, la gestion des contraintes réglementaires…) ? À quand un conférencier maire d’une ville ? À quand un conférencier évêque ? L’organisation de l’Église est en place depuis si longtemps… À quand un conférencier producteur ou réalisateur de films ? J’ai vu une fois Claude Lelouch s’exprimer. C’était un concentré d’expérience, de vision et d’intelligence émotionnelle. À quand un chirurgien décrivant les modes de travail dans un bloc opératoire ? Une situation où il faut exceller en prise de décision (cf l’excellent ouvrage Les décisions absurdes tome 2 comment les éviter de Christian Morel Folio 2014).
Et vous, quels sont les secteurs et métaphores managériales qui vous inspirent ?