A gauche comme ailleurs, certains commencent à s’impatienter. "Nous mettons beaucoup trop de temps pour trouver le nom du Premier ministre", considère la députée nouvellement réélue Sandrine Rousseau sur RMC ce jeudi 11 juillet. A trop musarder sur des "répartitions boutiquées" selon sa formule, l’écologiste craint que le Nouveau Front populaire (NFP) ne perde en crédibilité. "On inquiète en n’étant pas capables de sortir un gouvernement", va-t-elle jusqu’à admettre.
Les mauvaises langues moquent les difficultés du NFP à se mettre d’accord sur un nom. Il faut dire que dans les médias, chaque parti prêche pour sa paroisse. En particulier côté socialiste et insoumis, où chacun revendique la légitimité d’envoyer un des siens à Matignon. Mais dans le clan de Jean-Luc Mélenchon, on jure que "rien ne coince". "Nous travaillons sur l’architecture du gouvernement que nous souhaitons", évacue Mathilde Panot, fraîchement reconduite à la tête du groupe LFI de l’Assemblée nationale ce jeudi 11 juillet au micro de Franceinfo. Reste que lorsqu’on l’interroge sur l’éventualité d’un Premier ministre socialiste, la députée insoumise grince des dents. "Il y a une tradition républicaine qui veut que ça soit la plus grande formation politique au sein de l’Assemblée […] qui puisse proposer le nom d’un Premier ministre", répète Mathilde Panot dans les médias. Tour d’horizon des personnalités, chez LFI et ailleurs, dont le nom est régulièrement évoqué ces derniers jours pour succéder à Gabriel Attal à Matignon.
Depuis dimanche soir, les cadres insoumis ne brandissent plus haut et fort la marque Mélenchon, mais distillent plutôt l’option Guetté. La députée du Val-de-Marne et co-présidente de l’Institut La Boétie, le think tank affilié à LFI, a le vent en poupe au sein de sa famille politique.
"Et si c’était elle ?", interroge le député LFI de Toulouse François Piquemal sur X (anciennement Twitter). Mais à la question "Et si c’était vous ?", Clémence Guetté, 33 ans, botte en touche sourire en coin. "Pour les Français ce n’est pas le sujet. Je crois qu’ils veulent savoir que les décrets d’urgence vont être signés mais sans savoir spécialement par qui", déclare-t-elle sur LCI. En résumé, qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
Et si c’était elle ? pic.twitter.com/JSS3H438kn
— François Piquemal (@FraPiquemal) July 8, 2024
Gouverner par décret et ordonnance les premiers temps ? La méthode proposée par Jean-Luc Mélenchon quelques minutes après les résultats dimanche a été fustigée par plusieurs de ses alliés du NFP. Au premier rang desquels Boris Vallaud. Dans L’Express, l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée sous François Hollande, souligne l’absurdité de "reprocher une brutalisation du Parlement par Emmanuel Macron depuis sept ans et faire de même". Ce même Boris Vallaud qui, un temps, a été pressenti pour ce poste qui cristallise les tensions au sein du NFP.
Car dans les arcanes de la vieille maison rose, d’aucuns auraient bien vu le patron des députés socialistes enfiler le costume de Premier ministre. Au micro de Paul Larrouturou le 20 juin, le Landais cherche la formule. Lorsqu’ils étaient prêts à devenir Premier ministre, "les radicaux disaient ’sur l’aimable insistance de mes amis'… Maintenant la formule c’est, 'Je m’en sens capable'". Vous avez sa réponse.
Mais c’était au temps où les perspectives de qualification de la coalition de gauche pour Matignon étaient faibles, sinon existantes. Lorsque aucun sondage ne donnait le NFP en tête du second tour des législatives. Maintenant que les possibilités d’accéder au pouvoir sont réelles, on regarde du côté de l’Histoire. Et l’Histoire, c’est Jacques Chirac président du RPR nommé à Matignon par François Mitterrand en 1986. Ou encore Lionel Jospin, premier secrétaire du PS, débarqué rue de Varenne après avoir remporté les législatives de 1997.
Ainsi, tous les regards se tournent vers le successeur du chantre de la "gauche plurielle" : Olivier Faure. Boris Vallaud lui-même souligne dans les colonnes de L’Express qu’étant "premier secrétaire", le député de Seine-et-Marne "a toute la légitimité pour être le premier ministre".
La présidente de la région Occitanie, Carole Delga, confirme : Olivier Faure est bien le candidat "logique" de sa famille politique. De concert avec le secrétaire général du PS qui considère le député de Seine-et-Marne comme étant le "seul profil" à même de "rassurer", et ainsi, "être Premier ministre". Titre que l’intéressé se dit "prêt à assumer".
A condition toutefois, qu’il réponde au portrait-robot dressé au lendemain du second tour par Marine Tondelier. Exigence numéro 1 : l’alignement sur le programme du Nouveau Front populaire. Exigence numéro 2 : la capacité d’apaisement du pays. Exigence numéro 3 : le "consensus" au sein du NFP. Enfin, exigence numéro 4 : "de la compétence et de l’expérience".
Un florilège de prérequis que la patronne des Ecologistes, qui n’était pas candidate aux législatives, avait égrainé pendant la campagne, et que réunissent de nombreuses personnalités de la coalition de gauche, jure-t-elle. Dans la liesse, la conseillère municipale d’Hénin-Beaumont, fief du RN, aura-t-elle peut-être vu défiler sur les réseaux des photos de la place de la République le soir du second tour des législatives, où des pancartes affichaient "Marine Tondelier Première ministre".
Peut-elle ainsi s’imaginer arpenter les couloirs de Matignon griffé de son iconique veste verte ? Selon Clémentine Autain, oui. Marine Tondelier "fait partie des candidatures" envisagées, opine du chef Clémentine Autain sur BFM TV lundi.
La députée de Sevran qui compte parmi les cinq répudiés de La France insoumise ne verrait cela dit pas d’inconvénients non plus à succéder à Gabriel Attal. Son nom "circule", confirme-t-elle, et a l’avantage d’être désormais détaché de l’étiquette LFI, beaucoup moins bankable qu’en 2022.
Tandis que le Rassemblement national avait son candidat pour Matignon avant même que la dissolution ne soit actée, Les Républicains phosphorent sur les premiers-ministrables à droite. Dans certains courants de ce parti encore sonné par l’accord faustien signé entre Eric Ciotti et le RN, on s’imagine encore barycentre d’une alliance avec Renaissance et ses satellites, Horizons et MoDem. Seule configuration, selon eux, qui éviterait à la Macronie de devoir céder les clefs du pouvoir à la gauche.
Ainsi Olivier Marleix, l’ancien patron des députés LR qui a cédé sa place à Laurent Wauquiez, appelle-t-il Emmanuel Macron à piocher dans les rangs des Républicains. Même son de cloche du côté du président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, qui contrairement au président du Sénat Gérard Larcher, n’a pas balayé l’éventualité d’accepter le job.
Une porte que laisse également ouverte le patron du MoDem : "Je suis là pour aider de toutes les manières possibles, je n’exclus aucune manière d’aider à ce type de rassemblement", élude mine de rien François Bayrou à l’antenne de TF1 ce jeudi matin.
Le premier magistrat de Pau est de ceux qui rêvent d’une alliance sans le RN et sans LFI, composée des seules forces "démocrates et républicaines". Ces familles politiques qui devraient, égraine-t-il, "se parler, se connaître, s’accepter et un jour prochain gouverner ensemble". Mais ce jeudi matin, François Bayrou mettait en garde : "Il ne faudrait pas que ça traîne trop". Impatient, comme l’écologiste Sandrine Rousseau de donner au pays un nouveau gouvernement. De là à y voir le signe d’une éventuelle alliance…