Faute de météo favorable, la saison des barbecues n’est encore pas lancée, pas plus que celle du rosé (à consommer évidemment avec modération). À la cave Desprat Saint-Verny d’Aubière, le constat est simple pour le caviste Nicolas Chambon : « La période ne s’y prête pas trop en ce moment, car le rosé est un produit très saisonnier ». L’établissement propose sept vins locaux, et la clientèle est particulièrement en quête d’un certain type de rosé ces dernières années : « clair, facile, à la buvabilité importante, c’est-à-dire des choses pas très complexes, pas trop fortes en goût ».
Des rosés clairsLe rosé reste une production minoritaire en Auvergne, 70 % du vignoble étant consacré au rouge. Il a son fief à Corent, et on trouve « soit des rosés avec peu de concentration pour répondre à la demande de la clientèle en quête de rosé clair, soit des rosés, a contrario, plutôt concentrés, avec des arômes de fruits, de petits fruits rouges très importants », poursuit le caviste.
Goûter reste le meilleur moyen de se rendre compte de ce qu’on recherche et de ce qu’on attend selon lui. Mais de là à tomber dans le rosé piscine ? Pas l’idéal, cette pratique venue du sud étant nuisible au vin. « Ça n’apporte rien du tout en termes gustatifs, à part du rafraîchissement. Le froid est un anesthésiant et vous perdez tous les arômes. »
Lors d’une bonne saison, l’établissement écoule environ 1.200 bouteilles de rosé.
« Là, les ventes se reportent plutôt sur les rouges et blancs. Le rosé, c’est vraiment l’association barbecue, rosé, vin d’extérieur, pique-nique… C’est vraiment lié à la météo. »
Débuts tardifsÀ la tête du domaine La tour de Pierre, Pierre Deshors dresse le même constat : « Les gens ne se projettent pas à boire du rosé quand il fait douze degrés. Cette année, ça a démarré très très tard ». Ces derniers jours, les restaurants ont eu de la demande et le vigneron a reçu des commandes de sa commerciale, de grossistes et de cavistes. 1.200 de ses bouteilles sont sorties.
« Il y a quinze jours encore, j’étais persuadé d’en avoir trop fabriqué, il n’y avait rien qui se passait, les ponts de Mai n’ont pas été beaux. C’est toujours compliqué de faire du rosé, parce que c’est rare qu’il puisse se commercialiser sur deux millésimes. Généralement, les gens veulent boire le rosé de l’année. »
« Il faut faire les quantités suffisantes pour ne pas être en rupture, et ne pas en avoir trop car on ne sait pas quoi en faire l’année d’après », partage-t-il.
15.000 à 20.000 bouteilles par anLui produit quatre cuvées, soit 15.000 à 20.000 bouteilles sur une année, pour des destinations complètement différentes. « On peut faire des rosés “piscine”, très faciles, qui désaltèrent, et il y a des rosés plus gastronomiques, avec un peu plus de recherche, de texture, d’arômes. Ou encore des rosés plus terroir comme Corent, un peu plus marqués », poursuit le vigneron. Il fait aussi des cubis, qui fonctionnent bien auprès des associations, des particuliers ou pour les réunions de famille ou lendemains de mariage. « Il y a un vrai marché de cubis de rosé », dit-il.
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Pierre Deshors a également vu la couleur du breuvage évoluer : « Les rosés de Tavel, très foncés, qui avaient le vent en poupe il y a vingt ou vingt-cinq ans, maintenant, plus personne n’en achèterait. Il y a un peu l’Anjou qui a encore ses couleurs un peu soutenues, mais qui essaye de faire des choses de plus en plus claires. C’est un peu psychologique, les consommateurs ont l’impression que les rosés clairs sont plus délicats. »
ArômesTechniquement, la profession sait les faire. Le problème à ses yeux, « c’est que quand on enlève de la couleur, on enlève aussi parfois des arômes », même si gamay et pinot se prêtent aux rosés clairs. L’avenir de ce vin alors ? Impossible de le dire. « Les deux dernières années, il s’en est vendu beaucoup plus que cette année. Peut-être que l’arrière-saison sera très bonne… »
Texte : Gaëlle Chazal
Photos : Franck Boileau et Hervé Chellé