Pour ces fans de vélo, le Tour a commencé très tôt. Huit heures, Gymnase de Besserette, six jeunes du vélo club du Pyas de Saint-Flour, le visage enfariné d’avoir regardé les bleus perdre la veille pour certains, se retrouvent. On charge les vélos dans le camion et direction Dienne.
Là, accompagné de Mickaël et Mathieu, leurs éducateurs, ils rouleront sur les 40 derniers kilomètres de l’étape. À Saint-Jacques-des-Blats, la voiture balai des parents les attend. Et voit les jeunes arriver, la banane d’une oreille à l’autre. « C’était pas si dur » assure Alexandre. « Oui, mais toi, tu marches fort » lui lance son copain cadet, Matthieu. Qui décrit « c’était énorme, dans le virage des rugbymen, là, il y avait plein de monde, et ils nous applaudissaient. Et tout le long, il y avait des cyclos, des vélos électriques... ».
Seul Lucas, victime d’une fringale dans le Pertus, ne repartira pas. Le benjamin, Cédric, 11, ans, qui devait s’arrêter là, demande : « J’ai le droit de finir ? » Puisqu’il a les cannes, il ira jusqu’au Lioran.Le départ pour les enchaînements de col le matin
Mais ne verra pas la l’arrivée. Car le groupe est stoppé à 400 m de la ligne par la gendarmerie. Peu importe, ils sont ravis de la sortie.
C’est quand même incroyable, glisse Matthieu. On a roulé sur la même route que nos idoles, avant eux. C’était dur parfois, alors de se dire qu’ils vont passer 20 km/h plus vite...
Pique-nique et caravane
Les vélos rangés, tout le groupe se retrouve à 200 m de la ligne, sous l’écran géant. Où Céline, une des mamans, a gardé un carré pour le pique-nique. Les familles les rejoignent, les sandwichs sont vite avalés. Les jeunes commencent à débattre sur le parcours. « Les descentes sont humides et techniques, c’est dangereux. » « Ca va casser dans le Perthus ». Mais trêve de discussions, une version allégée de la caravane arrive. « J’ai trop le seum » rage l’un d’eux après avoir raté le fameux bob à carreaux. Heureusement, le véhicule de la bière sans alcool assure, sous les hourras. Les jeunes pourront enchaîner les canettes.
RenfortsEn début d’après-midi, le coin sanflorain grossit. Les 14/17 du mini-camp de l’OMJS et du centre social de Saint-Flour les rejoignent. Après un autre genre d’exploit sportif : après un bivouac sous l’orage à Prat de bouc la veille, ils sont arrivés à pied par le Plomb. Crevés, certains s’en vont faire une sieste à l’ombre, d’autres guettent la caravane, la vraie, qui va passer.
ArrivéeOn en oublierait qu’une course de vélo se joue. Il faut attendre l’attaque de Pogacar pour que tous les regards se rivent sur l’écran géant. Là, rouleurs du matin peuvent y aller de leur expertise : « Ce bout de côte, c’est la plus dure », « ce virage, il est dangereux ». Roglic leur donne raison, et chute. Mais ça y est, voilà les premiers. Tous massés sur la barrière, les enfants tapent, tapent. La voix du speaker monte d’un ton, l’hélico stationne là-haut. Un vrai déluge sonore tandis que les deux « fantastiques » déboulent. Puis tout le monde se retourne vers l’écran. « Ah, c’est Vingegaard, je l’avais dit ! » lance fièrement un de ses supporters en herbe.
L'autre courseÀ peine Evenepoel passé, une autre course commence. Celle aux autographes. Tous partent au sprint au-delà de la ligne d’arrivée, où se trouvent les bus. « Regarde, c’est Van Aert ! » « Attends, laisse passer Van der Poel ! ». Les yeux s’écarquillent face aux champions qui passent, rincés. Mais qui jouent le jeu. Ici Abrahamesen, le maillot à pois, donne un autographe à Enzo. Là, Mark Cavendish, le recordman de victoires, fait une photo avec Cédric.Jonas Abrahamsen prend du temps pour Enzo
La plupart des bus ferment leurs portes, direction Aurillac. Et puis, un mouvement de masse. C’est Pogacar qui remonte ! Des enfants lui courent à côté, et le maillot jaune offre même ses lunettes et sa casquette à l’un d’eux. Après un moment de stupeur, et quelques pleurs d’émotion, il s’enfuit en courant, sûrement pour mettre à l’abri ces biens précieux. Pour les autres, il y aura d’autres chances d’obtenir de tels cadeaux au départ d’Aurillac. Mais quoi qu’il arrive, cette journée leur aura laissé des souvenirs pour la vie.
Yann Bayssat