Il est étonnant de constater que l’entreprise, pilier essentiel de notre économie, a été largement négligée dans les "débats" politiques des récentes élections. Il fut beaucoup question de relance keynésienne, d’alourdissement de la fiscalité et d’augmentation du smic… alors que les entreprises elles-mêmes étaient totalement absentes des sujets de discussion. Elles sont pourtant le véritable moteur de la richesse et de la prospérité des nations et de leurs peuples. Il me semble aujourd’hui essentiel de rappeler quelques fondamentaux.
L’entreprise est avant tout une communauté humaine, un lieu de fierté et d’épanouissement pour les hommes et les femmes qui y œuvrent, par le mérite et le travail. Elle est un espace unique d’intégration et de respect des minorités, quelles que soient leur origine, leur race ou leur confession. L’entreprise est également un creuset d’innovation et de création de solutions pour répondre aux besoins de nos concitoyens, mais aussi pour résoudre une grande partie des problèmes présents et futurs liés au dérèglement climatique et aux transitions écologique, numérique et démographique.
Sans entreprises françaises, les produits et services consommés par nos concitoyens seraient tous importés, creusant les déficits et la dette, appauvrissant le pays. Enfin, l’entreprise est probablement l’un des derniers remparts démocratiques en France, avec peut-être nos 36 000 communes, alors que les partis politiques, l’école, la plupart des administrations et les religions sont des institutions vacillantes et ne jouent plus leur rôle d’amortisseurs, d’intégrateurs et d’ascenseurs sociaux. Cette vision positive fait cruellement défaut aujourd’hui.
Alors, que faire pour protéger et promouvoir cette institution, souvent oubliée, parfois méprisée et très mal enseignée en France ? Rappelons les conditions nécessaires au développement de l’entreprise.
Tout d’abord, il faut un environnement de confiance, propice à son fonctionnement, c’est-à-dire un environnement fiscalement stable, socialement serein, réglementairement simple. Si la fiscalité évolue constamment, les calculs de retour sur investissement deviendront complexes et aléatoires, et les investissements ne se feront plus. Si le droit du travail change ou se durcit, l’emploi sera menacé et se fera hors de France. Si la réglementation se complexifie, les entreprises cesseront de se développer dans notre pays et iront chercher ailleurs des conditions plus favorables.
Ensuite, il faut un environnement compétitif. Or, notre pays ne l’est plus. Avec 58 % du PIB en dépenses publiques, contre 49 % en moyenne dans la zone euro en 2022, nous occupons la première place, avec le Danemark, des pays les plus dispendieux en argent public, et par conséquent, les plus fiscalisés. Pour rendre du pouvoir d’achat aux Français, il ne faut pas augmenter la fiscalité, déjà l’une des plus élevées au monde, mais il faut réduire ces dépenses publiques, comme l’ont fait avec succès les Canadiens en 1995 sous la gouvernance du Premier ministre de l’époque, Jean Chrétien, avec courage et pragmatisme, et sans révolution sociale.
Enfin, il faut des patrons motivés. Un patron démotivé ou désabusé ne fait pas grève, ne manifeste pas place de la République. Dans un premier temps, il cesse d’embaucher et d’investir, dans un deuxième temps, il délocalise, et dans un troisième temps il vend son entreprise, souvent à des étrangers, et décide parfois de s’expatrier. C’est ce qui s’est passé pendant vingt ans en France, entre la mise en place de l’IGF devenu ISF en 1981 et l’application de la loi Dutreil en 2003, période pendant laquelle des milliers d’entrepreneurs ont quitté le pays, entraînant la désindustrialisation de la France et son déclassement économique. Respectons nos entreprises, elles sont la cellule de base et la clef du succès de tous les pays qui réussissent, qu’ils soient politiquement de gauche ou de droite.
Enseignons la microéconomie dans toutes nos écoles, petites et grandes, et à tous les Français, plutôt que ces grandes théories économiques qui ne servent que peu au quotidien, sinon à flatter des ego lors de dîners mondains. Un patron, petit, moyen ou grand, ne gère pas son entreprise avec Keynes, Adam Smith, Milton Friedman ou Karl Marx, même si leurs théories sont passionnantes intellectuellement. Il la gère avec des équipes talentueuses et motivées, une stratégie gagnante, de la génération de cash, une différenciation de ses produits et services par la créativité et l’innovation, et de l’excellence opérationnelle à tous les niveaux. Tous les autres pays l’ont compris : des communistes chinois aux extrémistes de droite italiens et hongrois, en passant par les socialistes scandinaves.
Pourquoi pas nos politiques français ? Pourquoi pas nous ?
* Pierre Gattaz est PDG de Radiall, ancien président du Medef et créateur du think tank L’Institut des solutions.