«Nous perdons un temps précieux», a déploré Gorden Isler, le président de l’ONG de sauvetage de migrants Sea Eye, après avoir annoncé ce 9 juillet le sauvetage en mer de 231 migrants lors de cinq opérations menée par son organisation en 24 heures.
Suite aux instructions des autorités italiennes, le Sea-Eye a remis les personnes secourues lors de la dernière opération aux garde-côtes italiens. Le navire est désormais en route vers le port de Gênes, situé à environ 600 milles marins, où il devrait arriver le 11 juillet, signale l'ONG dans un communiqué.
«En envoyant des navires de sauvetage civils dans des ports éloignés, nous devons compter six jours pour le seul voyage vers et depuis Gênes», a expliqué Gorden Isler en faisant référence à la politique italienne régissant les activités des bateaux de sauvetage.
En effet, les ONG qui effectuent des sauvetages en Méditerranée doivent désormais demander un port de débarquement «immédiatement» après une opération de secours, selon les dispositions du décret Piantedosi, du nom du ministre de l’Intérieur italien, validé le 28 décembre 2022.
Devenu loi trois mois plus tard, le texte a introduit une série de nouvelles mesures qui régissent les activités des navires de sauvetage en Méditerranée. En tête de ces mesures, celle qui oblige les ONG à se rendre «sans délai» au port de débarquement assigné par les autorités italiennes juste après un premier sauvetage.
Les ONG estiment que cela viole le droit maritime, qui oblige tout navire à venir en aide à un bateau en détresse. Si la loi actuelle autorise toujours les humanitaires à conduire une seconde opération de secours sur la route du retour en direction de l’Italie, celle-ci ne peut s’effectuer que sur ordre ou accord de Rome.
Outre «l’impuissance» de ne pouvoir faire davantage, cette injonction à rejoindre le port de débarquement après chaque sauvetage coûte beaucoup de temps, font encore valoir les ONG. Ces semaines de navigation supplémentaires ont par ailleurs de lourdes conséquences financières pour celles-ci, qui disent dépenser davantage de carburant pour avaler les kilomètres.
Avant la mise en application de ce décret, les bateaux informaient Rome d’une opération effectuée, puis restaient dans la zone en attendant le port de débarquement pour venir en aide à d’autres embarcations en détresse.
«Cette politique peut avoir des conséquences fatales pour les personnes en quête de protection», a critiqué Gorden Isler, le président de Sea Eye. «Nous perdons un temps précieux dans la zone de recherche et de sauvetage, pendant lequel nous ne pouvons pas aider les personnes dans le besoin», a-t-il insisté.
«Nous avions à bord une femme enceinte qui avait besoin de soins médicaux urgents», a déclaré de son côté Ayesha Sattar, médecin à bord du Sea-Eye 4, navire envoyé par l’ONG. «Beaucoup des personnes secourues ont passé plusieurs jours en Méditerranée et sont affaiblies et gravement déshydratées», a ajouté le médecin, précisant que certains migrants secourus souffraient de brûlures de carburant.
L'ONG allemande a annoncé, dans le même communiqué, avoir secouru 231 migrants en 24 heures, ce qui selon elle témoigne de «l'état d'urgence» en mer Méditerranée.
En août 2023, les autorités italiennes ont saisi le Sea Eye et deux autres navires humanitaires, l’Open Arms, l’Aurora, qui ont reçu des amendes de plusieurs milliers d’euros et ont été bloqués 20 jours dans un port italien. Rome les accuse d’avoir violé la nouvelle législation controversée, qui leur interdit d’opérer plusieurs sauvetages à la suite, et de se rendre au port italien le plus proche.