La joie n’a pas éclipsé la fatigue. Dimanche soir, tout juste élus ou réélus, les députés puydômois ne s’en cachaient pas : ils sortent rincés d’une campagne aussi courte qu’intense. Les yeux cernés, ils n’ont pas eu de temps mort pour reprendre leur souffle : tous ont pris le train, dès lundi, direction Paris, où chaque groupe parlementaire doit se réunir pour envisager la suite.
Mais pour l’heure, l’avenir ressemble à un grand saut dans l’inconnu. Si les regards sont tournés vers le Nouveau Front populaire (NFP), sorti en tête du scrutin, ses quatre représentants puydômois cherchent finalement eux aussi des réponses.
« Ce nouveau mandat s’annonce inédit donc il réclame aussi de l’inédit dans l’état d’esprit », commente Marianne Maximi (LFI, Nouveau Front populaire) tout en posant tout de même quelques jalons :
Je reste persuadée que c’est notre programme qui a permis cette victoire. Donc s’il faut travailler à un consensus, ce sera autour des grands axes de ce programme. Le danger serait de nous compromettre et ainsi de donner des arguments au RN. Des discussions sont en cours. Nous devrions y voir plus clair d’ici la fin de la semaine.
« Apaiser le pays »Dimanche soir, devant ses sympathisants, la socialiste Christine Pirès-Beaune tentait elle aussi d’imaginer les prochains jours, entre coalition et nomination d’un Premier ministre : « La suite, je ne sais pas encore vous dire ce qu’elle sera. Les députés du NFP devront proposer un nom au président de la République qui l’acceptera ou non. Nous devons apaiser le pays. Ce qui compte, c’est avec quelles orientations politiques nous voulons gouverner, il faudra se battre pour les porter avec ces trois blocs à l’Assemblée nationale. Les semaines qui viennent seront dures mais il y aura un avant et un après 7 juillet. Il ne faudra pas oublier de parler aux électeurs du RN. On ne peut pas laisser autant de personnes au bord de la route. »
De son côté, Nicolas Bonnet (les Écologistes) sait qu’il vient de changer d’échelle. Mais le nouveau député espère appliquer la même méthode de travail qu’à Clermont Auvergne Métropole, où il est élu depuis dix ans. Il prône le dialogue :
Nous avons une majorité qui est relative, donc, évidemment, on ne peut pas - facilement en tout cas - mettre en application un programme. Il faut que l’on arrive à dialoguer avec d’autres pour faire appliquer un maximum de nos propositions.
Il garde sa logique au moment de donner le profil du prochain Premier ministre : « Il faut que ce soit une personne qui soit animatrice, consensuelle, quelqu’un capable d’animer le collectif qu’est le conseil des ministres, de convaincre le collectif que constitue l’Assemblée. »
Mélenchon écarté« Il faudra un Premier ministre rassembleur, pas clivant et ça ne peut pas être Mélenchon », appuie le communiste André Chassaigne, qui a participé hier aux réflexions impliquant les forces composant le NFP. « C’est compliqué de savoir dans quelle direction on va… Est-ce que le front populaire se replie sur lui-même, mais quelles seraient ses chances de longue vie ? Ou est-ce qu’on déplace le curseur avec une majorité plus confortable, ce qui obligerait de faire des concessions sur le programme ? Je suis plutôt favorable à élargir, mais il faut se mettre d’accord sur un socle, avec un minimum d’actions urgentes, notamment sur les salaires. La pire des choses serait d’aggraver la cassure de la France, car la République est abîmée, les gens sont divisés. »
"Pas le droit à l'erreur" selon Delphine LingemannElle assume, comme d’autres au MoDem, « une prise de distance avec le président de la République ». Pour le reste, Delphine Lingemann, réélue députée de la 4e circonscription, concède « naviguer à vue », comme tous les députés ces jours-ci. « La situation est inédite, il va falloir composer, trouver des compromis autour de l’arc républicain », duquel elle exclut d’ores et déjà « le RN, les LR ciottistes et les Mélenchonistes car la brutalisation de la vie politique depuis deux ans, on leur doit ».Le programme à appliquer ? « Ce ne pourra pas être en totalité celui du NFP, considère-t-elle. Ce sera du cas pas cas. Par exemple, pour le retour de la police de proximité, c’est un grand oui ! » En revanche, c’est non pour le Smic à 1.600 € et l’abrogation de la réforme des retraites. « Il faut apporter de la mesure et de l’apaisement dans la vie politique, souhaite-t-elle. Ça va être compliqué mais on n’a pas le droit à l’erreur car il faut apporter des réponses transpartisanes aux colères qui s’expriment. » Quant au futur Premier ministre… « Je ne fais aucun pronostic mais il faut une personne consensuelle, en mesure de parler avec tous les groupes de l’arc républicain. Oui, sa tâche va être difficile… »
Arthur Cesbron, Fabrice Mina et Thierry Senzier