À quelques jours du passage du Tour de France à Évaux-les-Bains. Marc Durant nous a livré son point de vue sur le cyclisme actuel et sur cette étape creusoise.
En tant qu’ancien professionnel, est-ce que tu t’intéresses encore au cyclisme actuel ?
De moins en moins, je connais beaucoup moins de coureurs, mais ça m’intéresse quand même. Il y a eu une période où je m’intéressais beaucoup moins parce que les tactiques de course étaient toujours les mêmes notamment à l’époque Sky. En ce moment, on voit des échappées qui arrivent au bout, ça m’intéresse, mais quand je sais par avance que les coureurs vont être rejoints à 10 bornes de l’arrivée ça ne m’intéresse pas. En ce moment, même les leaders attaquent, ils vont devant, ils prennent des risques, moi ça me plaît. Ça me paraît plus intéressant en ce moment.
Quelles différences observes-tu entre le cyclisme des années 1980 et le cyclisme actuel ?
Ce n’est plus la même façon de courir. Déjà avec les oreillettes, tout a changé. C’est même un peu dommage parce qu’il n’y a plus de prise d’initiative. Tu entends le truc à l’oreillette, tu le fais. À part quelques-uns, qui n’ont pas besoin d’avoir besoin de l’oreillette, je pense à (Thomas) Voeckler qui n’en avait pas besoin, je pense à Julian Alaphilippe, qui n’en a pas besoin. Ce sont des mecs qui sentent la course. Je pense qu’il faudrait qu’il n’y ait qu’un seul coureur qui ait l’oreillette dans l’équipe si c’est pour la sécurité. Parce que la sécurité, on ne l’a pas plus avec les oreillettes, on voit bien les chutes qu’il y a. Je ne sais pas si c’est le bon motif, la sécurité.Marc Durant, cycliste de la Creuse au Tour de France dans les années 1980.
En évoquant la sécurité, on a vu de nombreuses chutes récemment comme celle du 4 avril dernier sur le Tour du Pays basque qui a mis au sol plusieurs favoris du Tour de France (Vingegaard, Roglic et Evenepoel). Selon toi à quoi sont dues ces chutes et comment pourrait-on les éviter ?
Le premier problème, je pense que ce sont les oreillettes parce que les consignes sont toutes les mêmes. Tous les coureurs reçoivent le même mot d’ordre, donc tout le monde va au charbon au même moment. Par exemple, avant, on ne nous disait pas “attention, la route va tourner à droite”, “on va prendre le vent de face”, “on va prendre le vent de côté”, “il va y avoir des bordures”. C’était à nous de nous débrouiller. On regardait le parcours sur une carte le matin et on essayait de retenir les moments importants, mais maintenant, tout le monde a la même consigne : “Allez devant”. À un moment donné, ça coince.@photo Bruno Barlier
Ensuite, je pense aussi que la géométrie des vélos a beaucoup changé. Quand je vois une chute aujourd’hui, le coureur part de l’avant, on voit que c’est la roue avant qui glisse. Avant, avec les vélos qu’on avait, on était plus positionné à l’arrière. Aujourd’hui les fourches sont beaucoup plus droites et les coureurs sont beaucoup plus à l’avant sur le vélo. Il y a moins de stabilité du vélo. Souvent, dans un virage, on pouvait avoir la roue arrière qui glissait. Ça pouvait arriver, mais une roue arrière qui part, on peut se rattraper, une roue avant qui part, on ne peut pas.
Jeunesse Marc Durant participe à sa première course en 1969 à Saint-Sulpice-le-Guérétois. Années amateur En 1977, il est le vainqueur du Circuit des Monts du Livradois et remporte le Circuit de la Vallée de la Creuse. Un an plus tard, il devient champion de France militaire sur route et s’impose lors de la 12e étape du Tour de l’Avenir. De 1979 à 1987 : passé professionnel En 1979, Marc Durant remporte le Critérium d’Annéville-la-Prairie. En 1980, il s’impose lors de la 2e étape du Tour de l’Aude. En 1984, il est le vainqueur de la première étape du GP du Midi libre et du Criterium des Herbiers. Participations Le cycliste a participé à cinq Tours de France, deux Tour d’Espagne (9e en 1982), six Bordeaux-Paris, trois Paris-Roubaix et un Milan-San-Remo.
Toujours pas de vainqueur français du Tour depuis 1985. B. Hinault répète souvent qu’il manque un coureur hors-norme en France qu’en penses-tu ?
Mais je pense que c’est toujours comme ça. En ce moment, la France n’a pas de grands noms comme Vingegaard, comme Pogacar ou comme Wout Van Aert. En ce moment, des pays comme le Danemark sont beaucoup plus forts que nous. À une période, c’était les Colombiens, avant, c’était les Espagnols, à un moment donné, c’était les Italiens… Ça tourne. Il y a toujours des moments de top et des moments très bas, je pense que ça va revenir. À un moment donné, on ne savait pas que Jalabert et les autres allaient faire la carrière qu’ils ont faite. Je ne sais pas, peut-être que dans 5 ans, 10 ans, on aura un Français qui gagnera le Tour.Marc Durant, cycliste de la Creuse au Tour de France dans les années 1980.
Le Tour de France fait étape en Creuse, la première fois depuis 2004 qu’est-ce que ça t’inspire ?
Ça fait 20 ans qu’on n’a pas eu le Tour. C’est un événement, c’est bien et c’est une très bonne chose. Un départ, c’est pas mal, comme ça, on peut voir les coureurs, un peu moins qu’à notre époque dans les années 1980, mais ça reste une très belle ambiance. J’espère que ça donnera envie à des jeunes Creusois de participer à des courses cyclistes.
Tu as déjà monté le Pas-de-Peyrol (Puy Mary) sur le tour de France en 1983. C’est un des cols qui sera emprunté sur la 11e étape qui démarre d’Évaux-les-Bains. Que penses-tu de cette étape ?
C’est une étape très difficile parce que ce n’est pas une étape de grands cols. Ça roule avant les difficultés parce que tous les mecs veulent être placés dans les bosses, c’est très difficile. Ce sont des étapes un peu intermédiaires, mais qui font très mal. La montée du Pas-de-Peyrol, je l’ai monté deux fois, je crois. Une fois sur le Tour en 1983 et je suis sûr que je l’ai passé deuxième fois… (tour de France 1985) Alors c’est vraiment très impressionnant, je pense que la descente m’avait plus impressionné que la montée. Parce qu’on est vraiment au bord du ravin. Tu le frôles à chaque virage. Ça va être spectaculaire.
Est-ce-que tu penses qu’on peut avoir une explication entre Vingegaard et Pogacar sur cette étape ?
Je pense que la bagarre va exister tout le Tour, on le voit déjà sur les étapes où il y a un peu de relief. C’est à celui qui réussira à faire craquer l’autre. Et puis il y a d’autres coureurs quand même aussi, il ne faut pas les oublier ! Concernant le futur vainqueur, je ne fais jamais de prévision sur les grands tours. On a vu tellement de surprises dans tous les Tour de France qui ont existé. On pensait que celui-là allait gagner, il n’a jamais gagné, qu’untel allait écraser le tour ça n’a jamais été le cas, etc. Et puis une chute peut vite arriver. Enfin, je veux dire, il y a tellement d’événements qui peuvent survenir que c’est vraiment difficile de dire qui va gagner le Tour.
L’année dernière, on a vu le virage Pinot dans le col du petit ballon, cette année, on aura sûrement un virage Bardet dans le Pas-de-Peyrol sur la 11e étape que penses-tu de cet hommage ?
Moi, je trouve ça pas trop mal si ça ne gêne pas la course il n’y a aucun problème. Au contraire, si ça fait plaisir à Bardet tant mieux. Avec Pinot, ils ont été deux bons coureurs qui ont gagné de belles courses mais bon, on les a peut-être montés un petit peu trop vite en disant qu’ils allaient gagner le Tour. Pour gagner un tour, il faut tout. Il faut que l’équipe soit au top. Il faut que le mec soit au top. Il faut qu’il ait les nerfs d’acier pour résister à tout. Il faut les circonstances et que tout se passe bien. S’il y a un grain de sable, c’est foutu. Alors bon, on a vu ces dernières années qu’ils ne pouvaient pas gagner. Et puis bon, les autres étaient plus forts.
Propos recueillis par Lucas Robin-Lamotte
