Grâce à Patrick Besson, j’ai pu relever dans Le Point deux définitions très intéressantes de la lecture, par Peter Handke. Le première : « lire à en devenir un sauvage pacifique » et la seconde : « lire, inactivité idéale, supérieure à beaucoup d’activités… »
Si elles m’ont frappé à ce point, cela tient d’abord à ma propre passion de la lecture. J’ai la chance, dans mon existence quotidienne, de pouvoir m’abandonner sans remords ni mauvaise conscience, grâce à une épouse formidable, non seulement à la lecture des quotidiens, des hebdomadaires et à la consultation des sites d’information mais à des lectures en quelque sorte gratuites, non utilitaires, d’ouvrages de pure littérature. Je ne concevrais pas, par exemple, de m’endormir, même très tard, sans avoir parcouru plusieurs pages de mon livre en cours qui est parfois différent, la nuit, de celui qui m’occupe le jour. C’est dire à quel point la lecture m’apparaît tel un besoin, un havre de paix et d’intelligence, un plaisir. Quelqu’un d’autre, grâce à son style, à la fiction qu’il a inventée, vous parle, vous enthousiasme, vous enseigne ou non, c’est selon.
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J’aime, dans la première définition de Peter Handke, la description du lecteur comme un « sauvage », comme un être qui se replie sur soi, seul dans son monde fait seulement de sa relation avec le livre qu’il tient, mais « pacifique », puisque sa sauvagerie est exclusivement destinée à à créer le plus de tranquillité possible, d’harmonie et de silence pour lui permettre de jouir de cette innocence absolue qu’est la lecture d’un livre vous enfermant dans son univers et vous laissant avec joie hors du monde.
Sa seconde définition, pour être également fine, en constituant pourtant la lecture comme une superbe inutilité bien supérieure aux mille travaux ordinaires qui sont notre lot, me gêne dans la mesure où elle laisse entendre que lire ne serait pas vivre, ne serait pas agir.
Lire n’est qu’apparemment une activité inutile. Profondément, la lecture est directement reliée à l’existence puisqu’elle irrigue le lecteur d’idées et de sentiments qui l’enrichiront dans la vraie vie, une fois quittée la sphère de l’imaginaire, l’aideront à mieux comprendre autrui, ses forces, ses faiblesses, ses misères ou ses élans.
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Le livre est aussi un formidable gain de temps. Il ne nous dispense évidemment pas d’appréhender le cours de notre destin et d’affronter concrètement, physiquement, les aléas, les hasards auxquels il va nous confronter. La lecture ne nous détourne pas de vivre mais, par exemple quand on plonge dans la géniale Recherche du Temps perdu, elle nous offre un extraordinaire tableau de « la vie réellement vécue » avant que nous appréhendions, ainsi lestés, de manière tangible sa réalité.
La lecture nous prépare à partager l’humanité des autres ou nous fait mieux comprendre la nôtre. Lire, c’est vivre, lire, c’est agir. Quitter un grand livre, c’est comme mourir un peu. En ouvrir un autre, c’est revivre.
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