Le baptême du feu :
À 20 ans, pour la réception de Bayonne en Top 14 ce 4 septembre 2013, Paul Jedrasiak apparaît pour la première fois sur la feuille de match de l’ASM.
« C’était un match en milieu de semaine. J’étais en Espoirs, je m’entraînais de temps en temps avec les pros et là, Vern (Cotter) m’annonce le lundi que je serai dans le groupe. Je ne m’y attendais pas du tout. On connaît tous Vern, c’est un homme qui en impose, par sa prestance, son charisme et j’avoue que j’ai été impressionné et très touché.
À cette époque, on se changeait encore sous la tribune d’honneur du stade Michelin, à côté de la salle de muscu et je garde des souvenirs très forts de cette première apparition en pro. Quand tu es jeune et que tu te lances dans le grand bain, il y a beaucoup d’excitation. Il y a aussi de la fierté et tu as envie de graver les premières sensations. Jouer ce premier match au Michelin a marqué ma vie.
Onze ans plus tard, je me dis que Benjamin Kayser avait sacrément raison ; il m’avait prévenu en me disant de bien profiter de ces instants, car tout passe très vite. Les saisons, une carrière… Et puis, il ne faut jamais oublier que tout peut s’arrêter rapidement. »
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Comme un Bleu :Le 6 février 2016, Paul Jedrasiak fête ses 23 ans sur la pelouse du Stade de France, son premier maillot bleu sur le dos, face à l’Italie.
« Porter ce maillot fait partie d’une fierté qui ne peut pas s’effacer. Franck (Azéma) m’en avait un peu parlé avant, que je pouvais être appelé. Le jour de l’annonce de Guy Novès (ndlr : sélectionneur), j’étais à la maison avec mes parents. J’avais 23 ans et je m’apprêtais à jouer face à l’Italie, la patrie de ma grand-mère maternelle.
L’émotion était plus forte encore et j’y ai vu un signe. Ce match au Stade de France est là, dans un coin de ma tête. Concernant mon parcours en équipe de France, je n’ai pas de regret. Je ne garde que des bons souvenirs, même s’il y a eu des moments un petit peu difficiles, à une période compliquée également pour la sélection.
Après, est-ce qu’il y a des matchs où j’ai un peu merdé ? Faut être honnête, quand tu as 10 sélections, tu ne t’es pas imposé comme un cadre incontournable. Mais je n’ai aucun regret. J’ai eu ce rêve-là, gamin, même après et je l’ai réalisé. Avoir joué face aux Blacks, aux Springboks, avoir fait deux tournées en Argentine et en Afrique du Sud sont des moments rares dans une carrière. On ne me les enlèvera jamais. »
Haut et bas :En 203 matchs joués pour 127 titularisations, la carrière à l’ASM de Paul Jedrasiak n’a pas été un long fleuve tranquille.
« Est-ce qu’il y a un match où j’ai eu l’impression d’être au top?? Pour moi, le plus important quand tu es joueur, ce n’est pas d’être intouchable sur un match, mais c’est d’enchaîner les très bonnes performances. Lors de la saison 2015-2016, alors que les internationaux préparent la Coupe du monde (été 2015), je pense avoir réussi la pré-saison et après j’ai enchaîné les rencontres.
Je me souviens d’une large victoire à La Rochelle, aux côtés de Loïc Jacquet et avec Arthur Iturria sur le banc qui faisait ses grands débuts. Pour moi, tout s’enclenchait bien et je bénéficiais des bonnes conditions de l’équipe. Je pense avoir décollé à ce moment-là et je savais qu’il ne fallait pas louper le wagon. Cette saison est peut-être la plus aboutie de ma carrière.
La pire?? Je parlerais plutôt d’une saison compliquée, celle du retour de Jono Gibbes en 2021-2022. Par moments, je n’arrivais pas à mettre un pied devant l’autre. J’étais un peu dans le dur.
J’ai aussi peut-être eu un peu de mal à assimiler le changement entre Franck (Azéma) et Jono (Gibbes), mais ce n’est pas une excuse non plus. Plusieurs fois, le coach m’a pris entre quatre yeux pour me dire que je n’évoluais pas à mon niveau, qu’il me fallait faire quelque chose. »
Profil particulier :Tout au long de sa carrière, une fois passées ses toutes premières saisons d’éclosion, Paul Jedrasiak n’a pas échappé à la critique, à l’instar de la grande majorité de ses collègues rugbymen professionnels.
« Je n’aime pas que l’on mette les joueurs dans des cases. J’ai un style de jeu particulier, ce que j’aime par-dessus tout c’est de jouer. Il y a des deuxième-lignes qui sont des très gros défenseurs et bien moi, ce n’est pas forcément mon cas. Mais attention, je fais le taf quand même (sourires). À un même poste, il y a naturellement des profils différents.
J’étais attendu dans un registre sur lequel je n’ai peut-être pas totalement répondu aux attentes. C’est clair que je ne suis ni Bakkies Botha ni Ali Williams. Voilà, je suis Paul Jedrasiak, j’aime le dire et je suis fier d’afficher 203 matchs avec l’ASM. Je n’ai jamais cherché à ressembler à un joueur en particulier, même si je considérais Seb Vahaamahina comme le deuxième ligne complet par excellence.
Ce qui m’a manqué ? De plus marquer physiquement l’adversaire dans les duels, d’avoir ce registre que l’on aime coller aux deuxième-lignes. Après, quand je recevais des coups de pied au c…, j’ai essayé d’être différent, de me remettre en question. Et puis, de tout temps, on m’a parlé de ma façon de courir, sans lever les genoux (sourires). J’en ai passé des heures avec les profs de gym à travailler ma course, mais je n’y arrivais pas. En fait, j’avais peur de me faire rattraper (rires). »
Christophe Buron