Comment la Creuse a succombé au RN

Jusqu’où peut aller le RN en Creuse ? Retour sur vingt ans de croissance vertigineuse relevée dans les archives du journal.

Qu’il est loin le 21 avril 2002. Alors que la France est sous le choc du candidat FN au second tour de la présidentielle et découvre le front républicain, la Creuse, elle, est de ces terres qui résistent encore : au premier tour, elle n’a pas cédé aux sirènes de l’extrême droite, accordant un classique 11 % à Jean-Marie Le Pen (à près de 17 % au national).Au fil des scrutins suivant, les Creusois adhèrent même de moins en moins aux idées lepénistes. Jusqu’à la présidentielle de 2012, les scores locaux du FN ne font que chuter : 9,2 % aux régionales 2004, 7,3 % aux européennes de la même année, et même 3,3 % au premier tour des législatives 2007. Ici aussi, les années Sarkozy ont siphonné une partie de cet électorat extrémiste.

Et puis la résistance des Creusois montre alors ses limites. Comme tous leurs concitoyens, ils se laissent attraper par l’ère de la com’ et le virage opéré par le FN sur son image. Rajeuni, féminisé, le parti qui entame sa dédiabolisation accroche dans l’électorat local. Ainsi, dès le premier tour de la présidentielle 2012, Marine Le Pen tape dans l’œil de 16,27 % des Creusois ; elle en séduit 19,88 % au premier tour de 2017, 34,24 % au deuxième tour qui suit. Et en emballe même près de la moitié (47,96 %) au deuxième tour de la dernière présidentielle en 2022 !

Trois chiffres... qui en disent long

Premier tour de la présidentielle 2002 : 7.831 électeurs pour le FN.Européennes 2009 : 1.654 électeurs pour le FN.Premier tour des législatives 2024 : 20.403 électeurs pour le RN.

Alors certes, il y en a de plus fidèles que d’autres… Qui, au lendemain du coup de foudre, se raisonnent et rentrent au foyer républicain. Systématiquement, après chaque présidentielle, les scores du FN/RN aux législatives sont moindres. La débandade. Débandade en 2012 (7,7 %). Débandade en 2017 (10,51 %). Débandade en 2022 (17,1 %).

Seulement voilà. L’entreprise de dédiabolisation au national continue. Et fait des ravages jusque dans nos campagnes. Quand le RN propulse un tout jeune président aux portes de Matignon, il pioche aussi du côté des jeunes LR propres sur eux pour venir charmer les Creusois. Et ça marche. Au premier tour, la semaine dernière, 20.403 Creusoises et Creusois (33,35 %) se laissent prendre. Au jeu ? Au piège ? Dimanche, on saura si la lune de miel se poursuit.

Floris Bressy et Séverine Perrier