21 h 02, dimanche 9 juin. La France bascule dans un inconnu vertigineux, après l’annonce présidentielle de la dissolution de l’Assemblée nationale. Depuis, la campagne bat son plein afin d’élire les 577 députés qui composeront l’Assemblée nationale et qui dessineront la future majorité qui gouvernera le pays.
Ce mercredi 3 juillet, Jordan Bardella tente de se justifier tant bien que mal au sujet des investitures ratées du Rassemblement national, que la rédaction de 20 Minutes qualifie de parti aux "idées fascistes, xénophobes, racistes, sexistes, Igbtiphobes et antiprogressistes". Fraîchement réélue députée du Pas-de-Calais dès le premier tour, Marine Le Pen est accusée de "manipuler l’information". L’Express fait le point.
Ils sont un caillou dans les sabots qui doivent le conduire à Matignon. Ainsi Jordan Bardella a-t-il qualifié de "brebis galeuses" ces candidats épinglés pour leurs propos ou attitudes controversées. En début de semaine, la candidate RN dans le Calvados Ludivine Daoud a été vue sur une photographie arborant une casquette nazie, s’inscrivant ainsi dans une longue liste de lieutenants frontistes pris en flagrant délit d’antisémitisme.
"Hitler n’en a peut-être pas tué assez" aurait lâché le maire de Cholet, candidat de l’alliance RN-Ciotti à propos des Tziganes. "Le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah", écrivait en 2018 Joseph Martin, candidat frontiste dans le Morbihan sur son compte X. Lorsqu’il n’est pas clairement assumé, l’antisémitisme au RN se mêle à du complotisme. En Côte d'Or, la frontiste Sophie Dumont a par exemple insinué que le parti d’Eric Zemmour, Reconquête, était financé par des juifs…
Ainsi pour justifier l’investiture de "brebis galeuses", Jordan Bardella a trouvé la parade : le candidat au poste de Premier ministre fustige des journalistes "dont le travail c’est d’enquêter toute la journée, sur les candidats, les suppléants, la grand-mère des suppléants, la boulangère de la grande tante des candidats". Et rappelle la précipitation dans laquelle se sont déroulées les commissions d’investiture à la suite de la dissolution de l’Assemblée. Lui qui disait pourtant son camp "prêt à gouverner" en cas d’élections anticipées…
Face au péril de l’extrême droite, à bas la "neutralité". Tel est le message qu’ont décidé d’envoyer une soixantaine de journalistes travaillant à la rédaction de 20 Minutes, soutenus par les syndicats SNME-CFDT et SNJ-CGT. Ainsi, dans une lettre ouverte publiée lundi 1er juillet sur le réseau social X, 64 journalistes étrillent un parti qui ne serait "pas comme les autres".
Et pour cause, le Rassemblement national "promeut des idées fascistes, xénophobes, racistes, sexistes, Igbtiphobes et antiprogressistes", égrainent ceux qui jugent que la "neutralité" ne doit en aucun cas "servir à banaliser ou à minimiser le danger que représente l’extrême droite".
Ce mardi, une centaine de salariés du Figaro ont aussi pris la plume dans une lettre envoyée à la direction du quotidien, inquiet du discours tenu par le directeur de publication, Alexis Brézet, dans son éditorial publié lundi 1er juillet. "Le programme du RN est certes à bien des égards inquiétant, mais en face : antisémitisme, islamo-gauchisme, haine de classe, hystérie fiscale…". Laissant une partie de la rédaction suspendue à l’interrogation suivante : "Le Figaro se définit-il encore comme un journal libéral, conservateur, pro-européen et opposé à l’extrême droite ?"
Depuis le début de la campagne, à chaque jour sa tribune. Ce mercredi 3 juillet, ce sont trois grands noms de l’économie qui ont pris position dans les colonnes du quotidien Les Echos. Le professeur au Collège de France Philippe Agio, l’ancien compagnon de route d’Emmanuel Macron, Jean Pisani-Ferry et Alexandra Roulet, lauréate du Prix du meilleur jeune économiste 2024.
Ceux qui avaient "vertement critiqué le programme économique du NFP" avant le premier tour s’alarment d’une arrivée massive de députés frontistes à l’Assemblée nationale, et même d’un Jordan Bardella à Matignon. Raison pour laquelle, à moins de cinq jours du second tour, "des choix tranchés" s’imposent. Ainsi, refusent-ils de tirer un trait d’égalité "d’un point de vue étroitement économique" entre les programmes du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national.
"Avec le NFP, nous risquons de nous faire rappeler à l’ordre par l’UE et par les marchés. Ce serait humiliant et coûteux, pas tragique. Mais ses différentes composantes ne s’accorderont pas pour s’affranchir de l’Europe. Au contraire, avec le RN, nous risquons de nous engager dans un long parcours solitaire, et de détruire méthodiquement les solidarités internationales que nous avons patiemment construites au fil des ans", détaillent les trois économistes, rappelant "une fois encore que le RN est un parti structuré et qu’il est armé d’une idéologie très forte faite de nationalisme, de rejet de l’étranger, d’aversion à l’action pour le climat et d’hostilité à l’Europe".
Depuis le début de la campagne des législatives, les invectives fusent entre médias interposés. Elles ont lieu aussi bien entre les membres d’une même famille politique qu’entre camps adverses. Ce mercredi, après le dernier conseil des ministres avant le second tour, la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot a infligé à Marine Le Pen un sermon : "On sait que Marine Le Pen mentait, on sait maintenant qu’elle manipule l’information". Réponse abrasive aux accusations formulées par la députée du Pas-de-Calais réélue ce dimanche à l’encontre du président de la République.
Mardi, Marine Le Pen a reproché à Emmanuel Macron de se livrer à un "coup d’Etat administratif". La nomination de plusieurs hauts fonctionnaires à moins d’une semaine du scrutin législatif n’a pas manqué d’irriter l’ancienne cheffe de file des députés frontistes, qui voit dans ces affectations de dernières minutes un moyen de cadenasser l’administration en cas d’arrivée au pouvoir du Rassemblement national. Preuve selon Prisca Thévenot de la méconnaissance de la Constitution et du fonctionnement des institutions.
Alors que la cheffe de file du RN avait fait de la rhétorique populiste "peuple contre élite" sa marque de fabrique et la recette du succès de son parti, ces législatives sonnent au contraire le retour au vieux clivage gauche-droite.
Dans une tribune publiée sur le site de L’Express, Thibault Muzergues, conseiller politique à l’International Republican Institute, juge que le retour de cette division "pourra peut-être mettre fin à la crise populiste que nous vivons depuis 2010".