"Tu vas la fermer, mec ?", s’était emporté l’actuel président américain Joe Biden en plein débat en septembre 2020, agacé par les interruptions incessantes de son rival d’alors, Donald Trump. Quatre ans plus tard, les deux mêmes hommes, 81 et 78 ans, s’affrontent à nouveau jeudi 27 juin lors du premier débat télévisé en vue de l’élection présidentielle américaine de novembre.
La chaîne d’information CNN, qui accueille le duel, a prévu des modalités particulières qui devraient éviter la cacophonie d’il y a quatre ans. Les deux candidats les plus âgés de l’histoire américaine, eux, se préparent en coulisses.
Dans les locaux de CNN à Atlanta, le débat, qui commence à 21 heures, va se dérouler sans public, alors que les débats de 2020 avaient eu lieu devant un public prêt à réagir aux attaques ou rire de l’un ou l’autre des candidats. Les deux hommes se tiendront debout derrière un pupitre pendant quatre-vingt-dix minutes, dont l’emplacement - à droite ou à gauche - a été déterminé par un pile ou face remporté par Joe Biden. Ce dernier a donc choisi de se tenir à droite sur l’écran, et a laissé à Donald Trump la clôture du débat.
Jake Tapper et Dana Bash, les deux modérateurs de CNN, "utiliseront tous les outils à leur disposition pour faire respecter les temps de parole et assurer un débat civilisé", a affirmé le la chaîne auprès de la presse américaine. Deux coupures publicitaires auront lieu, selon les règles du débat consultées par le New York Times, mais Trump et Biden n’auront pas le droit de discuter avec leurs conseillers pendant ce temps.
Autre mesure qui devrait être radicale : le micro du candidat démocrate, Joe Biden, sera coupé quand le candidat républicain, Donald Trump, s’exprimera - et inversement. S’ils se coupent la parole ou s’injurient, personne ne devrait les entendre. Biden et Trump auront chacun deux minutes pour répondre aux questions, suivies de réfutations d’une minute et de réponses aux réfutations. Des lumières rouges clignotantes indiqueront aux candidats qu’il leur reste cinq secondes, et deviendront fixes lorsque le temps sera écoulé.
Les deux prétendants à la Maison-Blanche auront droit à un stylo, du papier et de l’eau, mais n’auront pas droit à des prompteurs, ni d’amener de petites fiches préparées. Si la chaîne CNN ne prévoit pas de fact-check en temps réel, selon l’AFP, le New York Times a par exemple prévu de mobiliser 60 journalistes pour couvrir le débat, parmi lesquels 29 fact-checkeurs concentrés pour vérifier les dires de Biden et Trump.
A candidat différent, style de préparation différent. Entre meetings, répétitions, et petites phrases assassines envers la concurrence, les deux équipes de campagne préparent Joe Biden et Donald Trump pour ce rendez-vous incontournable de l’élection présidentielle américaine. Ce premier débat se tient plus tôt que d’habitude (normalement en septembre) en raison d’un challenge lancé par le candidat démocrate, accepté par le républicain.
Le président Biden est enfermé depuis une semaine à Camp David, une résidence de campagne des dirigeants américains proche de Washington, pour préparer sa confrontation, là où il s’était déjà entraîné pour son salué "discours sur l’état de l’Union" de mars. Son ancien directeur de cabinet à la Maison-Blanche, Ron Klain, participe aux sessions, selon la presse américaine. Joe Biden a dévoilé une partie de sa stratégie de débat lors d’une interview début juin sur la chaîne ABC.
"Je veux aller dans une direction où il [NDLR : Donald Trump] parle, vous savez, de suspendre la Constitution. Tout ce que j’ai à faire, c’est d’écouter ce qu’il dit, de rappeler aux gens ce qu’il dit et ce que je crois, ce qu’il croit. Il se préoccupe de lui. Je me préoccupe du pays." La présidente de son équipe de campagne, Jen O’Malley Dillon, a aussi indiqué dans une interview rapportée par le Washington Post que la campagne visait à "rappeler" aux électeurs "des choses qu’ils espéraient oublier - le chaos et la douleur qui ont suivi le leadership de Trump".
Dans le camp Trump, pas de répétition. L’ancien président s’est entouré de sénateurs et candidats à la vice-présidence pour échanger sur des dossiers susceptibles d’être abordés lors du débat, politique étrangère ou immigration, selon des médias, et probablement aussi se préparer à subir des attaques concernant sa récente condamnation au pénal dans l’affaire Stormy Daniels, une première pour un ancien président américain. "Contrairement à Joe Biden, [Donald Trump] n’a pas besoin d’être préparé par ses collaborateurs, ni d’être dopé par des produits chimiques", a tancé son conseiller Jason Miller. Selon lui Donald Trump, pourtant seulement de trois ans le cadet de Joe Biden, fait preuve "d’une endurance hors du commun".
Justement, c’est aussi sur la forme que Joe Biden doit convaincre, alors que les deux candidats sont au coude-à-coude dans les sondages : Donald Trump et ses partisans accusent régulièrement le président d’être dopé ou sénile, au choix.
Récemment encore, Donald Trump en meeting à Philadelphie a accusé le président d’être "en train de dormir, parce qu’ils veulent qu’il soit en forme. Et un peu avant le débat, il recevra une piqûre dans le cul". De son côté, l’équipe de campagne de Biden affiche Donald Trump comme "un repris de justice" qui "mène une campagne détraquée" nourrie par l’obsession de la "vengeance". "C’est un test incroyable de leurs compétences cognitives", a déclaré à l’agence Reuters Patrick Stewart, professeur de sciences politiques à l’université de l’Arkansas. "C’est l’occasion de voir à quel point celles-ci ont décliné ou si elles ont décliné."
Plusieurs autres grandes chaînes nationales retransmettront le débat, avec un logo CNN et sans commentaires extérieurs. 84 millions de téléspectateurs - sur plus de 330 millions d'habitants aux Etats-Unis - avaient suivi pour le premier duel entre Hillary Clinton et Donald Trump, 73 millions pour le premier débat Biden-Trump en 2020, toutes chaînes confondues. Un second débat présidentiel est prévu sur la chaîne ABC le 10 septembre.
