Pour Jean-Victor Clerico, DG du Moulin Rouge, " la créativité ne doit pas être une course à la modernité "

A l'occasion de We Are French Touch (WAFT), premier rendez-vous des industries culturelles et créatives françaises, le directeur d'une des plus célèbres institutions parisiennes, le Moulin Rouge, était de passage sur la scène Plein Cadre pour une prise de parole éclairante sur le vivier de savoir-faire qu'abrite le plus célèbre des cabarets.

" Tout le monde sait ce qu'est le Moulin Rouge, mais ne sait pas forcément ce qu'on y fait. " Emblème de la nuit parisienne et vitrine iconique de la French Touch dans le monde entier, le Moulin Rouge est plus qu'un simple cabaret : c'est la marque d'un savoir-faire (et d'un savoir-vivre !) français reconnu à l'international. Jean-Victor Clerico, son directeur général, a rejoint il y a 12 ans le célèbre temple du french cancan fondé le 6 octobre 1889. " On est toujours une entreprise indépendante aujourd'hui ", confie celui dont l'arrière-grand-père a repris l'institution parisienne au mitan des années 1950. " Je viens d'un univers complètement différent, puisque j'ai d'abord fait mes classes dans le conseil financier ", confie Jean-Victor Clerico, qui incarne, au côté de sa soeur, Virginie Clerico (directrice Marketing Stratégie), la 4e génération de sa famille à prendre les rênes du lieu.

Malgré la chute (temporaire !) de ses ailes, le Moulin Rouge continue bel et bien de tourner. Avec ses 450 collaborateurs et ses 600 000 spectateurs annuels (en 2022, son chiffre d'affaires s'élevait à plus de 60 millions d'euros), le cabaret de la place Blanche témoigne " d'une richesse humaine et d'une diversité des métiers incroyables. On travaille à la fois sur de la restauration, du diner-spectacle traditionnel ainsi que sur toute la partie artistique, technique et artisanale, note le directeur général. Nous avons eu la chance de pouvoir internaliser tous les métiers et les artisans qui nous permettent de produire un spectacle clé en main. " L'entreprise a effet su ramener dans son giron des métiers d'art essentiels à l'identité du Moulin Rouge - la Maison Clairvoy pour les chaussures, l'Atelier Valentin pour la broderie ou encore l'Atelier de Mine Vergès pour les costumes. Invité à prendre la parole sur la scène Plein Cadre de We Are French Touch pour évoquer le thème de la créativité, Jean-Victor Clérico défend coûte que coûte que " la créativité ne doit pas être une course à la modernité ". Sans se refuser à innover, le dirigeant veille cependant à ce que la modernité soit " au service de l'authenticité et pas l'inverse ". Pour illustrer son propos, le directeur général évoque l'exemple de l'essor des décors en panneaux LED. Plus faciles, moins coûteux, moins encombrants, beaucoup de spectacles ont opté pour ces nouveaux types de décors. " Le risque, c'est qu'on standardise la créativité (...) alors que celle-ci doit se développer dans un cadre complètement libre ", défend-t-il corps et âme.

Pour Jean-Victor Clerico, la créativité s'exprime de deux manières au sein du Moulin Rouge. D'abord, par la création d'émotions. " On va générer des émotions en mobilisant les cinq sens ", explique-t-il, avec un diner-spectacle qui met à contribution tous les sens du spectateur. " Il y a une relation assez charnelle entre le public et les artistes. " Un spectacle vivant, c'est le cas de le dire. " Ce qu'on propose, c'est une création permanente. Même si le spectacle reste le même, on va avoir tous les soirs quelque chose de différent ", note le jeune dirigeant. Le deuxième aspect, c'est la transmission du savoir-faire porté par les artisans à l'oeuvre derrière un cabaret unique au monde - bottiers, plumassiers, brodeurs, costumiers, etc.

Un savoir-faire qui s'incarne très concrètement dans l'objet que le directeur général du Moulin Rouge, soucieux de transmettre et de préserver ces corps de métiers, a apporté avec lui sur la scène Plein Cadre : un magnifique casque à plumes rouges caractéristique de la revue de cabaret. " Je pense que c'est quelque chose que Chat-GPT ne sait pas encore faire ", ironise-t-il. Fabriqué à la main par Maison Février, dernier atelier de plumasserie au monde, ce casque est un emblème de la créativité à l'oeuvre au sein de l'entreprise familiale qu'est le Moulin Rouge. " Ici la créativité a tout son sens car il faut créer quelque chose de beau, qui n'existe pas mais qui soit ingénieux. " Le Moulin Rouge, c'est aujourd'hui 11 filiales et une diversification qui a fait ses preuves avec des lieux festifs comme La Machine du Moulin Rouge (club et salle de concerts) et le Bar à Bulles (bar et restauration avec rooftop), qui célèbrent l'art de vivre à la française. Et ce ne sont pas non plus les projets qui manquent : tournée mondiale, exposition ou encore spectacle immersif pour fêter ses 135 ans d'existence... Les ailes du Moulin Rouge n'en ont décidemment pas fini de tourner.

Cet article a été publié initialement sur Big Média Pour Jean-Victor Clerico, DG du Moulin Rouge, " la créativité ne doit pas être une course à la modernité "