A la faveur d’un reportage publié dans le quotidien Le Monde, de réjouissantes nouvelles nous parviennent enfin. Alors que le pays est un peu crispé, notamment par la situation politique, cela fait un bien fou.
Le grand quotidien du soir nous dévoile tout ce qu’il sait de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Si les organisateurs sont toujours à la recherche d’agents de sécurité pour cet évènement estival décrit depuis des mois comme hautement grandiose mais aussi hautement risqué, les préparatifs artistiques vont bon train de leur côté. « Je voulais construire une tour Eiffel inversée, ça, ce n’était pas possible », confie d’emblée le metteur en scène Thomas Jolly aux journalistes chargés de nous raconter ces bonnes nouvelles. Il n’est malheureusement plus question non plus de voir les têtes de nos rois sortir de la Seine depuis un moment.
Dans un hangar de Saint-Denis (93), où les répétitions se tiennent actuellement dans le plus grand secret, cet artiste woke en vogue regrette également d’avoir dû revoir à la baisse une autre de ses ambitions : « Sur l’un des ponts [il n’a pas le droit de dire lequel], on voulait faire un grand ballet de deux cents danseurs. Les experts ont calculé qu’avec la résonance et les vibrations du poids des danseurs, le pont ne résisterait pas. On a dû transformer le tableau », déplore le créateur. Mais, soyons rassurés : car ailleurs, 3000 danseurs « d’ici et de partout », 400 « performeurs » et une centaine de bateaux seront bien dispatchés pour le plus grand plaisir des yeux. Autour de la Seine, quatre scènes et pas moins de dix ou douze tableaux sur les berges sont prévus pour accueillir le monde entier, croit savoir le journal.
Le protocole habituel est complètement bousculé ; les délégations des différentes nations défileront en même temps que sera donné le somptueux show artistique et musical. Un spectacle qui doit durer près de quatre heures.
L’idée initiale de cette cérémonie en dehors d’un stade revient à Thierry Reboul, spécialiste de l’événementiel de 56 ans, originaire de Marseille, qui occupe le poste prestigieux de directeur exécutif des cérémonies et de la « marque » Paris 2024. Le Parisien brosse le portrait suivant de cet homme au grand cœur et au goût du risque prononcé, dont le talent n’a pas échappé à Thierry Estanguet : « Mégalo pour les uns, génie pour les autres, Thierry Reboul bouscule les codes ».
Thomas Jolly, dont bousculer les codes fait aussi probablement partie de l’ADN, s’enthousiasme : « Le show, la parade, les éléments du protocole, j’ai décidé de tout entremêler. Faire que toute la cité danse, se synchronise. Jamais il n’y a eu de cérémonie qui ne soit pas dans un stade. Du coup, il n’y a pas de modèle. Il faut tout remettre en question en permanence ». Du coup, à l’approche de l’évènement, le chorégraphe-star de 42 ans est aussi excité qu’angoissé ! « Je ne vous cache pas que je passe des nuits où j’angoisse un peu… Et aussi des jours ». Il peut compter sur le soutien de Maud Le Pladec dans cette épreuve, chorégraphe avec laquelle il a déjà collaboré, et dont le travail se caractériserait par une énergie et une synchronisation marquantes. « Pour les JO, la danse, c’est moi. C’est mon ADN [comprendre : cette énergie, cette foule compacte de danseurs, précise Le Monde] Pas un pont, pas une berge qui ne sera habitée par un événement artistique » nous assure-t-elle. Voilà qui promet d’être grandiose. « Maud a une culture large de la danse […] On a commencé à travailler sur les JO en décembre 2022. La structure de la cérémonie a été posée en juin 2023. Et, depuis mars, cela devient concret. Les costumes sortent des ateliers, et l’on voit ici, pour la première fois, la danse de Maud épouser la musique composée par Victor Le Masne » explique Thomas Jolly, ravi.
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Thomas Jolly est surtout connu pour avoir ressuscité la comédie musicale « Starmania ». Dans son reportage, Le Monde le décrit comme « gourmand » et soucieux d’« appâter sans rien dévoiler, de façon à maintenir le suspense et à garder la surprise ». On en saliverait presque… « Chaque spectacle que j’ai imaginé dans ma tête n’est jamais arrivé semblable à ce que j’imaginais. Non, ça ne crée pas de frustration : si une idée ne va pas jusqu’au bout, c’est qu’elle n’est pas bonne ». Si l’on comprend bien, le metteur en scène semble donc assez sûr de ne pas se tromper. Ouf ! « Je suis un coffre-fort. En ce moment, je suis mi-homme, mi-coffre fort. Entendre les fantasmes des gens, moi qui sais ce qui va se passer, ça me fait souvent sourire » explique le facétieux artiste qui n’en dira pas plus sur la mise en scène tant attendue et pour laquelle il bénéficie d’une coquette enveloppe (on parle de plus de 150 millions d’euros pour 300 000 spectateurs).
Même s’il aurait préféré les Daft Punk, la musique est donc confiée à Victor Le Masne, déjà à ses côtés sur « Starmania », déjà à l’initiative de la nouvelle version de « La Marseillaise » avec l’astronaute Thomas Pesquet au saxophone, mais également coqueluche des plus grands talents de la variété française (il a collaboré avec les chanteurs farfelus Philippe Katerine et Eddy de Pretto, ainsi qu’avec la chanteuse Juliette Armanet) ; mais on ne sait pas encore très bien qui viendra effectuer un tour de chant sur la Seine le 26 juillet. Après les rappeurs crétins Soprano et Alonzo, et le cauchemar Jul lors de l’arrivée de la flamme olympique à Marseille, que nous réserve la Ville Lumière ? Céline Dion, un peu rétablie de sa maladie ? Aya Nakamura, si et seulement si elle chante du Piaf et évite les poses lascives ? Beaucoup a déjà été dit… Marc Cerrone et son tube « Supernature » semblent à peu près sûrs, la Britannico-Albanaise Dua Lipa aurait été approchée… Le député RN Jean-Philippe Tanguy rêverait de son côté de voir Mylène Farmer. Il faudrait au moins adjoindre à cette dernière un Etienne Daho pour qu’on entende quelque chose… Quant à Michel Sardou, le nom du chanteur non-déconstruit et à la voix puissante n’est malheureusement jamais mentionné, bien sûr ! « La cérémonie promet des surprises bien plus radicales que la présence ou pas d’Aya Nakamura » assurait Thomas Jolly, au mois d’avril, dans Télérama. Au micro de France Inter, en octobre, il annonçait que tout ce qu’il faisait était « politique », et que Britney Spears valait bien Shakespeare… Alors n’en déplaise aux grincheux, cette cérémonie d’ouverture pourrait être une réussite fantastique, pense Anne Hidalgo dans son Hôtel de Ville, où se prépare pour la mi-juillet une baignade dans le fleuve coulant sous les fenêtres. « Ras-le-bol de tous ces peines-à-jouir qui n’ont pas du tout envie qu’on puisse célébrer quelque chose ensemble. De toute façon, on est là, et on le fait », s’énervait l’édile au Conseil de Paris le 22 mai.
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Décidément, comme l’observait justement Elisabeth Lévy dès l’automne dernier lorsque Thomas Jolly s’est fait connaitre au-delà du petit monde du théâtre public subventionné, alors que la guerre des civilisations redémarre, Festivus1 continue ses saccages… Et c’est tant mieux : car sans lui et sans nos médias progressistes qui se font un devoir de le célébrer bruyamment, on n’aurait pas beaucoup d’occasions de rire. Reste deux inconnues : tout d’abord, il est évidemment impossible de savoir si le soleil sera présent au-dessus de Paris pour éclairer tous nos merveilleux danseurs et funambules le 26 juillet. Ensuite, surtout, on ne sait pas encore quel Premier ministre sera aux côtés d’Emmanuel Macron lors de cette cérémonie magique.
1 Philippe Muray
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