Le 14 juin, les lycéens commentaient pour le bac un extrait d’Édouard, roman de la célébrissime Claire de Duras, dont le principal talent ne fut certes pas le style, mais l’idéologie, et surtout le sexe — mais la gauche nous a depuis longtemps habitués à ne pas juger les femmes sur leur talent (pour information, l’année même de la parution d’Édouard étaient publiées des œuvres de Balzac, de Lamennais, de Saint-Simon, de Scott, de Lamartine et de Mérimée !).
Je ne m’attarderai pas à la rédaction d’un énième corrigé du bac ; si j’évoquais la date du 14 juin, c’est parce que le même jour des « cadres, inspecteurs et chefs d’établissement des écoles, collèges et lycées de France » affirmaient benoîtement, dans une pétition, qu’ils n’obéiraient pas aux mesures du Rassemblement National, en cas de victoire du parti de Marine Le Pen. Que l’on se rassure : cette pétition, cas d’école de mauvaise copie, qui multiplie les hors-sujets, les imprécisions et les barbarismes, n’a recueilli pour l’heure que 776 signatures…
Il faut dire aussi qu’elle vaut son pesant d’observations ! La troisième phrase, déjà, appelle une grosse rature au stylo rouge : « Nous sommes des cadres de l’Éducation nationale, chargé.es de faire appliquer les orientations gouvernementales ». L’écriture inclusive, je le signale, n’est reconnue par aucune des instances officielles chargées de fixer les règles de la langue ; il s’agit d’une écriture militante ; le seul fait de l’utiliser indique par conséquent un positionnement idéologique, ce qui contrevient exactement à ce qui est écrit deux phrases plus loin : « Nous [appliquons les orientations gouvernementales] avec loyauté, sérieux, impartialité et rigueur ». Puis, l’écriture inclusive n’est pas optionnelle à merci ; il faut avoir le courage d’en user jusqu’au bout, ou de la bannir ! On accuse les entreprises de greenwashing, ou éco-blanchiment, lorsqu’elles se servent opportunément des principes écologiques pour faire leur publicité ; moi, j’accuse cette pétition, qui appelle du pied l’électorat de gauche au nom d’une prétendue « inclusion », de gaucho-blanchiment ; et je pose une première question ouverte à ses différents auteurs et signataires : pensez-vous, avec sérieux et impartialité, que le fait que « cadre » soit un substantif masculin à valeur générique traduise une misogynie systémique de l’État français ?…
A lire aussi : Les Français face à l’absence de vergogne à gauche et de courage à droite
Mais je poursuis. Les « cadres », immédiatement après s’être présentés, nous assurent qu’ils servent l’État depuis des dizaines d’années sous « des gouvernements de droite, de gauche, du centre ». On s’étonnera que des intellectuels, œuvrant avec « rigueur » et « sérieux », se servent de mots aussi confus que « droite » et « gauche » ; à ce propos, j’aimerais leur demander — deuxième question ouverte — si Macron est à leurs yeux plutôt de droite ou plutôt de gauche ? Et au passage, si le Chirac du bruit et de l’odeur, le Sarkozy en campagne, sont plutôt de droite ou d’extrême-droite ? Et si le Front Populaire est plutôt de gauche ou d’extrême-gauche ?…
« Demain peut-être, continuent les pétitionnaires avec gravité, notre prochain ministre issu des rangs de l’extrême-droite exigera des cadres que nous sommes d’appliquer des directives, de mettre en œuvre des politiques ou d’organiser un enseignement en opposition avec les valeurs républicaines qui fondent nos métiers et justifient nos engagements ». Et d’ajouter, avec force componction, qu’ils n’obéiront pas. C’est là où le bât blesse ! À France Info, quelques-uns des signataires, en guise de précision, ont invoqué le statut de la fonction publique : « L’obligation d’obéissance hiérarchique peut cesser si l’ordre donné risque de compromettre gravement l’intérêt public » ; et comme on leur demandait ce qu’ils entendaient exactement par la formule « valeurs républicaines », ils ont cité « la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité ». De quoi rester songeur… Mais tandis que la République précisément, et la nation, et l’économie tremblent à l’idée d’une potentielle accession au pouvoir du Front Populaire (on cherche en vain les similitudes avec le Front de 1936 !), je voudrais poser une troisième série de questions aux auteurs de la pétition, pour conclure : 1) L’affectation des élèves perturbateurs dans des centres spécialisés après deux exclusions, ou l’examen d’entrée en sixième, constituent-ils selon vous des ordres qui risquent de compromettre gravement l’intérêt public ? 2) L’interdiction du port du voile pour les accompagnatrices des sorties scolaires est-elle une mesure plutôt laïque ou plutôt contraire à l’ordre public ? 3) Le retour des uniformes et des groupes de niveaux, est-ce une mesure plutôt conforme au principe d’égalité ou plutôt contraire à l’ordre public ?…
Je gage qu’en répondant aux différentes questions posées, les braves inspecteurs et chefs d’établissement, très certainement rigoureux, loyaux et sérieux, ouvriront les yeux sur la fausse objectivité des principes qu’ils invoquent, et comprendront qu’un principe ne vaut rien sans son interprétation particulière. J’espère alors qu’ils n’auront plus la perfidie de désobéir à des ordres avec lesquels ils peuvent être en désaccord, mais qui ne justifient en rien une désobéissance hiérarchique… et qu’ils trouveront plutôt le courage de démissionner, comme tant d’autres l’ont fait avant eux, victimes des indignités de la Gauche au pouvoir.
Pour lire la pétition :
https://www.change.org/p/cadres-de-l-education-nationale-pour-la-r%C3%A9publique
L’article Le gaucho-blanchiment est apparu en premier sur Causeur.