Il ne doit plus jamais rien m’arriver est le titre du roman de Mathieu Persan paru chez L’Iconoclaste et c’est aussi la phrase que prononce son héroïne, après la naissance de son premier enfant.
Portrait d’une femme, portrait d’une famille et portrait d’un fils en deuil, Il ne doit plus jamais rien m’arriver est coloré par des tons acides, contrasté par des phrases piquantes.
Quand on est confronté pour la première fois au décès d’un proche, on a l’impression de scènes surréalistes. Les ouvriers qui ont le mauvais tournevis pour le cercueil. Le décalage entre la douleur ressentie et le monde qui continue comme si de rien n’était… J’ai commencé à noter les scènes absurdes et je me suis fait avoir, happé par l’écriture
Connu pour ses illustrations dans la presse et l’édition, Mathieu Persan a écrit un roman, presque malgré lui : « De fil en aiguille, j’ai dû raconter qui était ma mère, d’où elle venait. En écrivant ce livre, je passais du temps avec elle. Elle a été une grande mathématicienne. Pourquoi a-t-elle refusé toute ambition pour devenir prof, former des élèves et élever trois enfants ? »
Être derrière son mari, œuvrer pour le bien commun, c’était le lot des femmes de sa génération : « Elle aurait pu donner tellement plus, mais elle s’est trouvée bridée par des choses que je subodore, qui reste un mystère dans le roman. »
Mathieu Persan avait à cœur de montrer une famille heureuse, « ce que l’on voit peu, alors que nous sommes nombreux, heureusement. Mes parents aimaient profondément les autres. Ils étaient des profs 24h/24. Il y avait toujours du monde à la maison. Ils vivaient la solidarité, donnaient des coups de main et des cours de soutien gratuitement. » Son père était également prof de maths.
Fait rare pour un premier roman, chaque phrase et chaque virgule sont pesées. « L’écriture, ce n’est pas des coups de génie, c’est du travail, de l’artisanat sur les mots, un exercice d’humilité. J’avais aussi besoin de ce temps long. Car, dans l’illustration pour la presse ou l’édition, je travaille dans l’urgence », raconte le lauréat du Prix René Fallet 2024.
Mathieu Persan a perdu son père entre la parution du livre et les Journées littéraires à Jaligny-sur-Besbre (Allier) où il a décroché le prix René Fallet.« J’ai glissé le roman dans le cercueil de mon père. Et j’ai vraiment eu une conversation avec lui, que je vous révèle :- “Écoute papa, tu ressembles au père Noël, mais c’est moi qui fais un cadeau.” Ça faisait un mois qu’il était à l’hôpital, il avait une grande barbe blanche. Je glisse le roman dans la boîte et là, je l’entends me dire :- “Mais je l’ai déjà lu.”- “C’est pas pour toi, c’est pour elle, j’aimerais bien savoir ce qu’elle en pense.”- “Je lui donnerai quand j’arriverai dans le trou avec elle.”
Cet auteur-là ne doit plus jamais ne pas écrire.
Stéphanie Ména
