La présentation devant les médias était bien pensée et parfaitement calibrée. À qui pensait la gauche désunie, irréconciliable après les haines, invectives, menaces, insultes, mésententes, imbroglios de toutes sortes, il n’y avait qu’à bien se tenir : la gauche était là, réconciliée, plus unie que jamais, solide comme le roc. Qui avait pu croire que ce ne serait pas le cas ? Elle a même eu cette idée de génie de trouver le meilleur nom imaginable, celui qui fait appel à la fois à l’histoire et à la mythologie de gauche, qui fait rêver, qui sonne l’heure de gloire et la grandeur retrouvée : le Nouveau Front Populaire.
Bien sûr, le naturel revient vite au galop, et il y a bien eu quelques couacs, quelques escarmouches, quelques ratés dans la communication, mais bien vite rattrapés. L’heure n’était pas à scier bêtement la branche sur laquelle on était assis…
Mais dans toute cette politique spectacle, il est vraie réussie, et cette mise en scène de départ remarquablement orchestrée, un élément aurait mérité de retenir un peu plus l’attention. Reniement ou pas, maladresse passagère ou pas, égarement soudain ou pas, ne figurait plus ce qui pourtant semblait jusque-là faire partie des sujets centraux ou marqueurs de la gauche : l’écologie.
Un Parti aurait dû symboliser à lui tout seul cette préoccupation censée être fondamentale aux yeux des électeurs de gauche en particulier : Europe Écologie. Et là, surprise : au moment de sa prise de parole… rien.
Car là encore, la mise en scène était parfaite. Comment mieux donner l’image de l’unité qu’en se présentant tous ensemble face aux médias, rassemblés, souriants, déterminés à convaincre de la solidité des engagements ?
On pouvait se demander comment ils allaient faire, qui allait prendre la parole au nom de tous, qui risquait de tirer un peu trop la couverture à soi. Eh bien, idée de génie, un représentant de chacun des grands partis alliés a pris la parole d’un air humble et décidé à la fois, pour annoncer tour à tour deux mesures prioritaires qu’il veillerait à mettre en place rapidement au nom de son parti et de la gauche de nouveau unie. Un véritable catalogue de promesses qui promettent de coûter bien cher à notre pays, mais ce n’est pas là le sujet… En tous les cas, très malins dans la perspective de toucher un peu tout le monde et de flatter les rêves les plus fous d’un tas d’électeurs (nous sommes bien dans la politique telle que nous ne la connaissons que trop ; Les lendemains qui chantent… ou peut-être qui déchantent).
Mais voilà. Arrive le tour d’Europe Écologie, qui a bien donné les deux mesures prioritaires de son choix, mais aucunement en rapport avec l’écologie (il y avait sans doute plus urgent, ou davantage susceptible de rapporter des voix ?).
Sans doute s’agissait-il de laisser l’honneur à LFI, à l’heure où on se faisait des politesses, d’annoncer une mesure forte sur le sujet. C’est ce que je me suis dit, étant donné que le sujet semblait particulièrement tenir à cœur au parti de Jean-Luc Mélenchon depuis quelques temps… Mais non. L’écologie était donc la grande oubliée.
La campagne ne fait bien sûr que commencer, et gageons qu’il sera bien entendu question sans tarder d’écologie à travers les discours de la nouvelle gauche « unie » (tout au moins jusqu’à nouvel ordre).
Mais on ne peut s’empêcher malgré tout de se poser la question : la politique a-t-elle tellement pris le pas sur l’engagement qu’un parti – Europe Écologie, en l’occurrence – puisse en venir à oublier ce qui forge pourtant son nom et son emblème ?
À moins que – politique et marketing étant souvent cousins – l’écologie n’ait jamais été qu’un prétexte pour certains, ne servant qu’à occuper un créneau libre en matière de positionnement, pourvoyeur de voix, sans que les convictions soient si évidentes ou, plus certainement, qu’elles se soient diluées au fil du temps, les fondateurs d’antan n’étant plus là ?
À vrai dire, j’ai plutôt supposé que le score de ce parti était apparu si décevant que l’on en est venu à se demander si, dans le contexte du moment, il était bien raisonnable d’évoquer un sujet qui était momentanément passé un peu de mode, au profit d’autres plus urgents aux yeux d’électeurs davantage préoccupés par l’immédiateté de leur quotidien. Le choix des deux mesures devait donc être centré sur des promesses qui tapaient fort et dont l’électeur pourrait avoir l’espoir d’en voir les effets plus immédiatement.
Mais je suis sans doute mauvaise langue. Ou peut-être que l’esprit politique m’est tellement étranger que je n’ai rien compris. Je manque peut-être de subtilité. C’est pourquoi – il n’est pas interdit de rêver – j’ai l’espoir qu’un militant écologiste, ou quelqu’un d’éclairé, saura me répondre en m’expliquant ce qui m’a probablement échappé. Je serai alors sans doute pleinement rassuré, voire on me fera retrouver foi (ou plutôt trouver foi tout court) en la politique et en ses vertus profondes.