Quelle a été votre réaction à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République ? Une surprise totale. Je ne suis pas un intime du président de la République mais si j’ai des choses à lui dire, je ne me gêne pas pour le faire. Quand il a des questions à me poser, il ne se gêne pas pour m’appeler. J’ai été le premier surpris à en lâcher le téléphone.
Aucun candidat de la majorité présidentielle en lice aux législatives dans le Cantal, est-ce une sage décision ? Avez-vous œuvré en coulisses à cette issue ? Il faut conforter les sortants, pour peu bien sûr, qu’ils fassent partie de l’arc républicain qui protégera la République contre les extrêmes. Ce n'étaient pas mes candidats aux dernières législatives mais, immédiatement, Vincent Descœur et Jean-Yves Bony se sont désolidarisés de l’initiative Ciotti. On a compris tout de suite qu’ils étaient sincères. Ils sont les remparts, dans le Cantal, contre les extrêmes.Il ne s’agit pas de gêner des candidats honnêtes avec leurs convictions, sincères dans leurs attitudes de demain. Oui, j’ai œuvré en coulisses en donnant mon avis à tous ceux qui me l’ont demandé et en téléphonant là où j’imaginais qu’il fallait téléphoner.
Du populismeComment jugez-vous les programmes du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire ? Le programme du Rassemblement est populiste qui dit aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre et qui fait fi d’un certain nombre de réalités économiques, sociales et démographiques. Rejeter la réforme des retraites alors que tout le monde sait, qu’avec le système tel qu’il était avant, on allait dans le mur, ce n’est pas autre chose que du populisme. Fustiger l’immigration, je ne parle pas de l’immigration irrégulière, en sous-entendant que l’on va renvoyer les gens d’origines étrangères chez eux pour laisser du travail aux Français, c’est fou et c’est faux ! Chez Matière, il y a 27 nationalités différentes qui parlent dix-sept langues différentes. Vous les enlevez, ça ne marche plus. C’est la réalité.
Leur programme est un condensé de mesures qui font plaisir le temps d’un vote. J’espère qu’on ne verra pas leur application. Quand on regarde l’histoire du siècle précédent, rares sont les pouvoirs d’extrême droite arrivés par les élections qui ont quitté le pouvoir par les élections. Ne jamais l’oublier ! Surtout avec notre extrême droite qui a des dépendances financières avec la Russie. Dans les pays africains où mes collaborateurs travaillent, on voit les actions des Russes qui pillent les mines et autres ressources énergétiques.
Quand je dis les Russes, c’est un système dans lequel il y a un dictateur, Poutine, et une armée de conquête économique privée qui s’appelait jusqu’à maintenant le groupe Wagner et qui a été rebaptisé Africa Corps. Afrika Korps, c’était une armée de conquête économique il y a 80 ans lancée à l’assaut du monde par Hitler […] Laurent Fabius disait à l’époque du Front national qu’il amène de mauvaises réponses à de vraies questions. On en est encore là.
Les yeux dans les yeuxQuand on voit qui prétend s’inspirer du Front populaire de Blum, ça fait peur dans certains cas. Et, en particulier, un candidat suppléant se revendiquant du Nouveau Front populaire dans la première circonscription du Cantal. J’ai de la mémoire. Je me rappelle que ce candidat en 2002 ou 2004 m’avait demandé d’intervenir auprès du président du Conseil général pour lui trouver une candidature. J’avais dû être un mauvais porte-parole car il n’y avait pas eu de suite. Plus tard, il fréquentait assidûment les dîners organisés par le Parti radical de gauche, à Aurillac. Une fois élu sous cette étiquette, il s’est inscrit prestement au Parti socialiste pour devenir l’édile d’Aurillac. Le 5 septembre 2016, il est venu saluer Emmanuel Macron à un dîner que j’avais organisé à l’hôtel des Carmes. Et aujourd’hui, je le retrouve aux côtés de La France insoumise. Que peuvent penser les électeurs de cette inconstance ? C’est certainement de l’opportunisme. Ce que je viens de vous dire, je le dirai les yeux dans les yeux à celui dont je parle.Pour l’avoir bien connu quand il intervenait comme commissaire aux comptes dans mon entreprise, je l’ai rarement entendu professer des théories économiques développées dans le programme électoral du Nouveau Front populaire. Quand on a envie de dégoûter les électeurs, on s’y prend ainsi et on est sûr d’y arriver.
Pierre Raynaud