Emerys Meublat a adopté la mèche de cheveux pour protéger les pommiers de son verger implanté dans trois hectares de parcelles.
Lissées, bouclées, fourchues, colorées, crépues, blondes, châtains, brunes, les touffes de cheveux habillent les branches des arbres et enveloppent les bourgeons qui s’apprêtent à fleurir.
Les arbres en cure de cheveux sur la ferme Pomm’ray Catinat en CreuseL’agriculteur, fabricant de jus de pomme et de cidre, a déterré l’idée il y a dix ans déjà, dans un vieux livre trouvé chez son père, à la tête de la ferme familiale Pomm’ray Catinat basée à Saint-Laurent dans la Creuse.
Un peu sceptique au début, Emerys est aujourd’hui convaincu de l’efficacité de la méthode. La cure de cheveux s’impose sur l’exploitation une fois par mois en moyenne, en période hivernale, et une fois tous les trois mois environ avant la floraison. « J’utilise une quinzaine de sacs de cheveux, de 100 litres, à l’année. Le résultat est visible. Les arbres et les fruits sont moins abîmés. »
Le cheveu dégage une forte odeur humaine et sert de répulsif naturel contre les parasites, rongeurs, chevreuils, blaireaux, lapins qui viennent grignoter les arbres.
En agriculture, le pouvoir du cheveu semble illimité : son apport d’azote et de soufre, logés dans la kératine, est également favorable à la croissance des plantes.
Un kilogramme de cheveux permet d’économiser deux cents litres d’eau, et sa présence limite le désherbage.
Emerys Meublat a été l’un des premiers à se fournir auprès de Karine Aubrun, présidente de l’Union nationale des entreprises de la coiffure du Limousin (Unec), patronne du salon de coiffure guérétois Karine Fashion.
« Aujourd’hui, les coiffeurs s’inscrivent dans une démarche écoresponsable. Le cheveu est un déchet que nous ne gaspillons plus, explique-t-elle. L’avantage de son utilisation pour l’agriculture est qu’il ne requiert aucun critère particulier, de texture ou de longueur. »
Une économie circulaire en plein essorEt ce ne sont pas les cheveux qui manquent. Ils représentent 50 % des déchets d’un salon de coiffure et génèrent 4.000 tonnes de chutes capillaires chaque année en France. Leur recyclage, à usages multiples, s’inscrit sur un marché de l’économie circulaire en plein essor.
Disponibles dans le commerce, les cheveux, transformés et compressés sont vendus sous la forme d’un produit de paillage, en disques simples ou larges bandes. En France, deux acteurs surfent sur la tendance en proposant leurs services aux professionnels pour faciliter la prise en charge et le recyclage des cheveux.
L’association Coiffeurs Justes, basée dans le Var, collecte entre 50 et 100 tonnes de cheveux par an. Créée en 2015, la structure est passée de 2.000 à plus de 6.000 adhérents en France et à l’étranger en quatre ans.
Mais sur le territoire, Capillum tire mieux son épingle du jeu. La start-up clermontoise, créée en 2019, travaille avec 4.200 salons de coiffure partenaires en France et en Limousin (ci-dessous), à l’image du salon de Karine Aubrun, adhérente Capillum depuis quatre ans.
L’entreprise réutilise les cheveux, du paillage à la dépollution des eaux (le cheveu peut absorber jusqu’à huit fois son poids en hydrocarbures) en passant par la réalisation de prothèses capillaires. Capillum collecte plus de dix tonnes de cheveux par mois, et réalise un chiffre d’affaires en constante progression (656.000 € en 2023).
Capillum, première filière de recyclage des cheveux en FranceL’association Capillum a été créée en 2019 par deux étudiants en école de commerce. Elle permet le recyclage des cheveux dans les domaines de la dépollution des eaux et de l’agriculture. La communauté compte 4.200 salons de coiffure partenaires en France.En Limousin, 71 salons sont membres Capillum. Les professionnels apprécient la proximité de la structure, dont le siège social est basé à Clermont-Ferrand, et apprécient les points relais implantés à Limoges et Brive pour venir déposer les sacs de cheveux, évitant des frais postaux. (Magasin BCB Limoges et Boy Diffusion La Beauté Pro Limoges, et Magasin BCB Brive, Boy Diffusion La Beauté Pro).En Limousin, 56 enseignes, grande chaîne de coiffure comme salons indépendants, sont devenus membres Capillum. 45 enseignes en Haute-Vienne : à Limoges (22 enseignes), Nouic, Meuzac, Ambazac, Le Vigen, Vayres, Couzeix, Flavignac, La Meyze, Panazol (2), Verneuil-sur-Vienne, Saint-Gence, Nieul, Saint-Junien (6), Rochechouart, Le Vigen et Vayres (2).En Corrèze, 8 salons de coiffure sont adhérents, à Brive (6), Saint-Aulaire, Liginiac.En Creuse, les salons adhérents sont implantés à Guéret (2) et à Azerables.
Aline Combrouze