« Je n’ai pas fait ça à la légère. Il s'agit d'une des décisions les plus difficiles que j'ai prises depuis sept ans. Ce n’est pas une décision solitaire. »
Ces mots d’Emmanuel Macron, concernant la dissolution de l'Assemblée nationale qu'il a annoncée, le soir de la défaite de son camp aux européennes, ont été prononcés ce mardi 18 juin, lors d’une entrevue entre le chef de l’État et plusieurs représentants de la presse quotidienne régionale, dont le groupe Centre France, dans un restaurant de Paris.
La défaite n'est pas une option, assure-t-on à l'ElyséeDix jours après cette annonce à haut risque, qui ouvre les portes du pouvoir aux coalitions des deux extrémités de l’échiquier politique, le président de la République lève le voile sur les moteurs d’une décision incomprise, jusque dans les rangs de sa majorité.
Comment en est-on arrivé là ? À l’activation de cet outil démocratique aux conséquences potentiellement dévastatrices auxquelles, souffle-t-on dans l’entourage du Président, l’intéressé ne veut pas penser. Et qu’il se refuse même à envisager.
Une relation qu'il voudrait recoudre dans les urnesCette proximité avec les Français, que lui contestent ses adversaires politiques, que contredisent les secousses des frondes sociales et des votes sanctions, Emmanuel Macron la revendique et en fait même l’un des enjeux d’une séquence électorale censée recoudre l’alchimie de 2017, quand la France vibrait au diapason de la promesse d'un nouveau monde en politique.
"Je veux dire aux Français que je n'ai pas tout réussi"En appuyant sur le bouton, après la déroute de son camp aux européennes, le président, décrypte-t-on dans son entourage, ne fait que précipiter un exercice de clarification politique devenu inéluctable, pour conjurer l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. « J’ai déchiré le voile de l’ignorance", lâche Emmanuel Macron, ce mardi, dans une formule très “macronienne. "En même temps qu'un système qui, tout en le critiquant, s'accomodait à l'idée de ne pas donner la parole aux Français. Ca allait arriver. »
En jouant tapis, en remettant le sort du pays entre les mains des Français, comme il l’a expliqué lors de son allocution du 9 juin, plongeant de nombreux électeurs, les marchés financiers, la classe politique, les partenaires européens, dans un compte à rebours fébrile, le chef de l'Etat attend une prise de conscience, un choc des consciences : "Je veux dire aux Français que je n'ai pas tout réussi mais j'ai toujours fait ce que j'avais dit que je ferai. C'est un moment de sursaut. C'est l'heure du choix. Je fais confiance aux Français."
« Jordan Bardella dit vouloir l'union nationale tout en exigeant la majorité absolue pour être Premier ministre. Un gouvernement d'union nationale où il n'y a que soi-même, ça n'existe pas"
Mais comment inverser une dynamique semble-t-il favorable au RN ? Comment déjouer des arythmétiques de victoire qui semblent plus que jamais favorables aux offres politiques du champ des extrêmes ?
La campagne qui débute, côté majorité, se déclinera sur le terrain des enjeux de civilisation, dont le Président veut semble-t-il faire le tampon encreur des échéances du 30 juin et du 7 juillet, renvoyant l’union du Nouveau Front populaire et la coalition d’extrême droite RN-LR à la fonction subalterne d’aspirateur du vote contestataire, aux stratégies politiques discréditées.
"J'ai compris le message"Jordan Bardella ? « Il dit vouloir l'union nationale tout en exigeant la majorité absolue pour être Premier ministre. Un gouvernement d'union nationale où il n'y a que soi-même, ça n'existe pas", flingue le Président, qui amorce également une forme de mea culpa : "J'ai compris le message de la défaite des européennes. Et j'en ai tiré les conséquences. Si les Français nous refont confiance, ça ne pourra plus être comme avant. Nous devrons être encore plus ouverts sur le fond des mesures comme sur la manière de gouverner."
Des réponses sur le régalien, notamment en matière de sécurité (davantage de sanctions contre les récidivistes), sont d'ailleurs esquissées par l'entourage du chef de l'Etat.
Une volonté d'élargissement de l'arc républicain, à gauche comme à droite, après les législatives, est également avancée. À condition que les Français, le 30 juin et le 7 juillet, en laissent le loisir à un Président qui semble avoir mis davantage que l'avenir de la France entre leurs mains. Peut-être son propre destin.
Sébastien Couratin