Les coudées franches sinon rien ? Promis à Matignon en cas de victoire de son camp, Jordan Bardella fait désormais savoir qu'il aura "besoin d'une majorité absolue" pour appliquer son programme.
"Je veux être en situation d'agir", a affirmé sur Cnews/Europe 1 le président du RN, crédité de 33% dans le dernier sondage Ifop lundi et qui "n'envisage pas d'être un collaborateur du président" Emmanuel Macron mais réclame au contraire "le pouvoir pour changer de politique dans notre pays".
Or, "s'il y a une majorité relative, le Premier ministre ne peut pas agir", a ajouté le leader d'extrême droite, qui a justement "tendu la main aux Républicains d'Eric Ciotti" pour "créer les conditions de cette majorité" qu'il appelle de ses voeux.
S'il l'obtient, sa "première mesure" sera de faire voter un budget rectificatif incluant une baisse de la TVA sur l'énergie et les carburants. En revanche, la suppression de la TVA sur les "produits de première nécessité" attendra le budget suivant, "à la rentrée". Lundi, M. Bardella avait aussi dit qu'il abrogerait la réforme des retraites "à partir de l'automne", levant un flou sur ce sujet.
"Il y a les urgences et les réformes", a plaidé mardi celui qui s'apprête à "hériter d'un pays en situation de quasi faillite" et souhaite d'abord effectuer "dès (son) arrivée" un "audit des comptes de l'Etat", s'attendant à "trouver beaucoup de cadavres dans le placard".
"La peste et le choléra"
Manière de préparer les esprits à de possibles renoncements ? "La réalité, c'est qu'au Rassemblement national, tout est approximations ou reniements", a dénoncé Gabriel Attal sur franceinfo.
Visant directement son rival, le Premier ministre a estimé que "s'agissant de Jordan Bardella, il y a de moins en moins de programme et de plus en plus de conditions, ça commence à ressembler à un refus d'obstacle".
Lui-même à la tête d'une majorité relative jusqu'à la dissolution de l'Assemblée nationale la semaine dernière, M. Attal a défendu les propositions "crédibles" de la "troisième voie" qu'il souhaite incarner, entre les "extrêmes" du RN à droite et du Nouveau Front populaire à gauche qui "promettent, dans leurs programmes, un matraquage fiscal à tous les étages pour financer leurs folies budgétaires".
Message relayé par son allié François Bayrou, qui a estimé sur Sud Radio que "ces deux blocs nous menacent", assurant qu'il "combattra de toutes (ses) forces la peste et le choléra".
Pour déjouer les pronostics qui accordent moins de 20% des intentions de vote aux macronistes, la présidente sortante de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a vanté sur RFI la "grande alliance des républicains" et salué les "cadres de LR qui ont pris leurs responsabilités" en désavouant M. Ciotti après son pacte avec le RN.
Mais le chef banni n'a pas rompu les liens. "Ma main est toujours tendue pour le second tour", a-t-il déclaré sur RTL, assurant qu'en cas de victoire de M. Bardella "il y aura des ministres Républicains".
La gauche sans chef
Pendant ce temps, la gauche unie se cherche toujours une tête d'affiche pour faire fructifier ses 28% dans les sondages. Et même la manière de le choisir est source de division.
L'insoumise Mathilde Panot a ainsi affirmé sur France 2 qu'il reviendrait au parti disposant du "plus grand groupe à l'Assemblée nationale" de "proposer aux autres forces le nom d'un Premier ministre".
Ce qui avantage a priori le parti de Jean-Luc Mélenchon, qui a investi 229 candidats, contre 175 pour les socialistes, 92 pour les écologistes et 50 pour les communistes.
Sauf que le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, demande à présent "un vote" des futurs députés du Nouveau Front populaire pour choisir un Premier ministre si la gauche est majoritaire au soir du 7 juillet.
"Je ne peux pas imposer un Premier ministre socialiste. Personne ne peut imposer un Premier ministre insoumis. La seule façon d'y arriver est de voter", a-t-il déclaré sur BFMTV et RMC.
Ce qui a aussitôt déclenché l'ire de ses alliés insoumis, à l'image du député sortant Paul Vannier l'accusant "d'inventer une nouvelle primaire et de renier (sa) propre parole", ou de son collègue Eric Coquerel affirmant sur LCI que "le vote ce sera le suffrage universel des Français".