On pensait avoir touché le fond avec le programme économique incohérent et dépensier du Rassemblement national. C’était sous-estimer gravement la gauche et son pathétique Nouveau Front populaire - pauvre Léon Blum… -, cette alliance honteuse de sociodémocrates sans convictions, d’écologistes décroissants, de communistes grisonnants et d’anticapitalistes/antisémites. Que des personnalités comme Anne Hidalgo, Carole Delga ou François Hollande soutiennent ce "programme" délirant, pur avatar d’une France insoumise qui a visiblement détruit toute lucidité de gauche, montre à quel point la faiblesse de caractère peut être parfois plus forte que l’intelligence. Quant à Raphaël Glucksmann, il n’aura fallu que quelques heures pour que Manuel Bompard lui vole la vedette, à tel point que le nom de l’insoumis circule comme candidat à Matignon si jamais, pour le malheur du pays, cette alliance l’emportait le 7 juillet.
On ne sait par quel bout attraper ce programme pour en montrer l’indigence, tant la matière abonde en ce domaine. Sur la philosophie générale d’abord. Mettre sur la table un programme qui propose des mesures de relance de la demande par une explosion des déficits publics - incompatible avec notre maintien dans l’Union européenne et donc dans la zone euro -, alors même que notre pays souffre d’un double déficit, commercial et des finances publiques, est un contresens intégral.
Dans le détail, les principales mesures sont ineptes et susceptibles d’affecter en peu de temps notre économie. Prenons l’augmentation du smic mensuel à 1 600 euros nets. Cette hausse de quasiment 15 % générerait une augmentation approximative de 10 % des coûts salariaux, soit un choc de compétitivité négatif qui aurait immédiatement un impact défavorable sur l’emploi. Le rétablissement de l’ISF, la suppression du prélèvement forfaitaire unique et l’exit tax entraîneraient, avant leur mise en place, une fuite de capitaux massive qui affecterait, par définition, l’investissement dans notre économie et le niveau de la base taxable. La timide réindustrialisation en cours serait stoppée tout net.
Les mesures sur le pouvoir d’achat sont tout aussi baroques. Le plafonnement des prix alimentaires provoquerait, comme c’est toujours le cas en pareille circonstance, des pénuries dans le circuit de distribution légal et une explosion du marché noir. La Hongrie de Viktor Orban a tenté de mettre en place cette géniale politique en 2022. Elle a vite été abandonnée. L’instauration d’une taxe kilométrique sur les produits importés frappera les ménages les plus modestes, ceux pour lesquels l’achat d’une garde-robe représente un effort dont les universitaires mélenchonistes parisiens n’ont visiblement pas idée. Mais la mesure la plus antisociale, nichée dans la rubrique "Abolir les privilèges des milliardaires" - plus c’est gros plus ça passe - est sans doute l’instauration d’une CSG progressive, couplée à l’accentuation de la progressivité de l’impôt sur le revenu, machine infernale parfaitement efficace pour empêcher à jamais les classes moyennes de se constituer un patrimoine.
Cette folie atteint son paroxysme dans le domaine des finances publiques. La semaine même où le Conseil d’orientation des retraites souligne que la réforme de 2023 ne permettra pas d’équilibrer le système en raison des concessions réalisées sur les dispositifs des carrières longues, le Nouveau Front populaire propose d’abolir tout simplement cette réforme par décret, avant de revenir tranquillement à un âge légal de départ à la retraite de 60 ans. Cette mesure, qui vient en sus de la gratuité totale de l’école, des cantines, des transports, de l’augmentation de 10 % du point d’indice des fonctionnaires et de nouvelles aides en tous genres, représente une addition au bas mot de 150 milliards d’euros. La Banque centrale européenne nous viendrait-elle en aide, ou faudra-t-il l’intervention du FMI ?
Il est difficile de dire si ce programme est issu d’une perte de sens absolue, d’un ressentiment contre un pays auquel on voudrait du mal ou d’une provocation pour être certain de ne pas gagner, et donc de ne pas gouverner. Ce qui est certain, c’est qu’il est une insulte à l’intelligence des Français.