L’encours de la finance solidaire s’élevait à 26,3 milliards d’euros fin 2022 d’après l’association FAIR, un chiffre en hausse de 7,4 % sur un an. Ce concept rassemble l’ensemble des placements visant une performance financière mais aussi une rentabilité sociale ou environnementale.
Autrement dit, ils permettent de placer son argent sur des produits classiques comme des livrets, des fonds ou des contrats d’assurance-vie, mais ils sont dotés d’un petit "plus" : ils financent notamment l’accès au logement ou à l’emploi de personnes en difficulté ou encore des activités écologiques.
Autrefois principalement souscrits par des militants associatifs plus intéressés par l’objectif social que par le rendement financier, les placements solidaires sont désormais largement diffusés parmi les épargnants. La porte d’entrée naturelle vers ces produits est représentée par les livrets solidaires. Ceux-ci fonctionnent comme le Livret A, auquel s’ajoute un dispositif permettant de reverser une fraction des intérêts perçus à une association. Un don qui ouvre droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de la somme versée dans la limite de 20 % du revenu imposable ou 75 % dans la limite de 1 000 euros pour les associations d’aide aux personnes en difficulté.
L’épargnant renonce donc à une partie du rendement, comprise entre 25 % et 100 %, mais il préserve son capital puisque seuls les intérêts font l’objet d’un don. Très impliqué dans la finance solidaire, le Crédit coopératif propose notamment le livret Agir dont la moitié des intérêts est reversée à un organisme choisi par le détenteur parmi une liste de 22 noms (Croix Rouge française, Médecins du Monde, SOS Villages d’Enfants, WWF…). Il rapporte 1,20 % brut par an jusqu’à 15 300 euros puis 0,20 %. "Le livret Agir a versé 2,6 millions d’euros à des associations en 2023, après 1,4 million d’euros en 2022", indique Imad Tabet, directeur du marché des particuliers du Crédit coopératif.
Le rendement de l’ensemble des livrets solidaires du marché est en forte hausse depuis dix-huit mois dans un contexte de hausse des taux directeurs par la Banque centrale européenne. Les meilleurs du marché rapportent 3,50 % brut, comme le Livret d’épargne pour les autres (jusqu’à 20 000 euros, puis 0,70 %) du Crédit mutuel Alliance fédérale ou encore le Livret solidaire du Crédit mutuel du Sud-Ouest.
Le Crédit coopératif, la Banque postale, la Maif et la Société générale (SG) proposent par ailleurs une option de partage sur leurs livrets réglementés, portant sur 25 % à 100 % des intérêts. Une solution gagnant-gagnant car le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) sont aujourd’hui les placements sans risque les plus rémunérateurs du marché (3 % exonérés d’impôts et de prélèvements sociaux). La Banque postale et SG ajoutent un don de 10 % des intérêts versés par leurs clients. Veillez à ne pas confondre ce mécanisme avec celui permettant de réaliser un don directement depuis son LDDS (il s’agit là de donner une fraction de son capital, et non pas les intérêts).
Quelques livrets solidaires fonctionnent sans partage des intérêts, mais avec fléchage des sommes collectées. C’est le cas par exemple du livret La Nef ou du livret Rev 3 du Crédit coopératif. "Celui-ci finance des prêts à des structures de la région Hauts-de-France intervenant dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique ou encore l’économie circulaire et la mobilité", précise Imad Tabet.
Au-delà des livrets, il est possible de faire acte de solidarité avec son épargne en investissant à plus long terme via des fonds solidaires, aussi appelés "90-10" en raison de leur mode de fonctionnement. Ils consacrent de 5 % à 10 % de leur encours au financement de l’économie sociale et solidaire (ESS), le solde (90 % à 95 %) étant investi librement en actions, obligations et/ou monétaires. Ces fonds sont largement diffusés dans le cadre de l’épargne salariale, au travers des plans d’épargne entreprise et des plans d’épargne retraite collectifs – il s’agit même d’une obligation.
A la différence des livrets, il n’y a pas ici de don, mais un investissement dans l’ESS sous la forme d’obligations ou de titres de capital. "La poche solidaire de 5 à 10 % n’a pas d’incidence en termes de performance, mais l’épargnant prend un risque en capital, tant sur les 90 % que sur les 10 %, puisque l’investissement est réalisé en actions et/ou en obligations", précise Patrick Sapy, le directeur général de FAIR.
Pionnier du marché puisqu’il fête ses 30 ans cette année, le fonds Insertion Emplois Dynamique de Mirova soutient des structures de l’ESS agissant sur le thème de la création d’emploi à travers un partenariat avec France Active, un mouvement associatif soutenant les entrepreneurs à travers du financement et du conseil. La thématique est aussi déclinée dans la sélection des 90 % d’actions européennes cotées constituant le solde du portefeuille. Le fonds a été labellisé Finansol dès 1997, année de la création de ce label permettant de distinguer les placements solidaires. Il récompense 190 produits au 31 décembre 2023.
Les fonds solidaires 90-10 sont aussi accessibles en direct, dans les banques et les contrats d’assurance-vie, ces derniers ayant d’ailleurs l’obligation de proposer un support solidaire parmi leurs unités de compte. Il existe même quelques contrats d’assurance-vie 100 % solidaires, comme Assurance vie responsable et solidaire de la Maif, proposant 14 unités de compte labellisées, ainsi qu’un fonds en euros solidaire. Un produit rare ! Celui-ci investit au minimum 5 % de son encours dans des entités de l’ESS, soit plus de 200 millions d’euros sur un total de 3,1 milliards d’euros. Il a servi un rendement de 2,5 % en 2023, un niveau comparable aux produits classiques. "La stratégie d’investissement responsable et solidaire, lancée dès 2009, le démontre : il est possible de conjuguer sur le long terme éthique et performance", souligne Loïc Dano, chef de produit épargne à la Maif.
Certains épargnants souhaitent aller plus loin dans leur engagement en investissant directement dans le capital d’un organisme de l’économie sociale et solidaire. Certains grands noms du secteur comme Habitat et Humanisme, Emmaüs ou encore Terre de Liens ouvrent le capital de leur foncière aux particuliers. Les sommes collectées en direct par les entreprises de l’ESS atteignent ainsi 991 millions d’euros fin 2022 d’après FAIR. Les caractéristiques de ce type d’investissement sont propres à chaque organisation. Certaines versent un rendement annuel et/ou revalorisent régulièrement la valeur de la part. D’autres, à l’inverse, ne prévoient aucune forme de rémunération.
Enfin, certaines structures ouvrent droit à un avantage fiscal : l’épargnant peut déduire 25 % de son investissement de son impôt sur le revenu dans la limite d’un versement de 50 000 euros pour une personne seule et 100 000 euros pour un couple. Il convient donc de réfléchir à la cause qui vous motive, d’identifier l’entité que vous souhaitez soutenir et de vérifier sur son site les conditions précises de l’investissement. Le ticket d’entrée se limite généralement à quelques dizaines ou centaines d’euros. Chez Villages vivants, par exemple, les parts sociales de la coopérative ne versent pas de rendement, mais l’épargnant bénéficie d’une forme de rémunération indirecte grâce à l’avantage fiscal. L’argent collecté sert à acheter des locaux dans des territoires ruraux pour y installer des boulangeries, épiceries, cafés, etc.
"Il existe également des plateformes de financement participatif spécialisées sur l’investissement durable comme LITA.co ou MiiMosa, pointe Patrick Sapy. Cela permet aux particuliers de soutenir directement des organismes de l’ESS qu’ils n’auraient pas forcément identifiés par ailleurs." Ces plateformes proposent d’investir sous la forme d’actions ou d’obligations. Nous Epiceries anti-gaspi propose ainsi sur LITA.co de souscrire des obligations rapportant 10,5 % sur quatre ans. Le réseau de magasins proposant des produits voués à être jetés cherche à collecter 2,5 millions d’euros pour ouvrir de nouvelles épiceries.
Attention toutefois. Avec ces montages, c’est vous qui portez le risque en cas de défaut de l’établissement financé. Aussi est-il prudent de vous assurer de la solidité des projets avant d’investir.
Un article du dossier spécial "Placements responsables", paru dans L’Express du 30 mai.
