Qu’est-ce qui motive leur participation aux manifestations propalestiniennes ? Comment réagissent-ils aux accusations d’antisémitisme ou de complaisance vis-à-vis du Hamas ? La guerre à Gaza sera-t-elle prépondérante dans leur choix de vote aux européennes ? Nous sommes allés à la rencontre de manifestants à Dreux (Eure-et-Loir), Limoges (Haute-Vienne) et Sens (Yonne).
Des images qui les hantentNawal, une jeune mère de famille participait pour la première fois, samedi dernier à Dreux (Eure-et-Loir), à une manifestation pour la Palestine : "C’est l’image de ce petit garçon décapité que son père tient dans les bras qui me hante. Je n’en dors plus la nuit. Je suis moi-même maman, déjà inquiète quand mes enfants se font agresser à l’école, alors la mort et la souffrance de tous ces enfants sont insupportables. Il n’est pas question ici de religion. Tous les enfants du monde sont des anges et on doit les laisser vivre en paix."Même émotion, vendredi dernier, à Limoges, où près de 200 élèves de différents établissements scolaires étaient rassemblés. "Les vidéos des massacres perpétrés à Rafah ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En tant que jeunes citoyens, on ne peut pas laisser passer ces horreurs et l’hypocrisie de l’État français qui dénonce, mais qui finance ce génocide", s’indigne Mathias, 19 ans, en terminale.
C’est révoltant. Il a fallu les images d’un père, d’un père avec le corps de son enfant sans tête, pour que les gens se révoltent. En France, notre gouvernement ne répond pas.
"Mais nous, nous ne sommes pas d’accord avec ce que fait notre gouvernement. Et même à des milliers de kilomètres, on se doit de réagir face à ce génocide", ajoute Linda, 19 ans. "On nous parle de l’attaque du Hamas du 7-Octobre, mais depuis combien de décennies Israël opprime la Palestine et tue des innocents ?"
Pour Wilfredo, à Dreux, il est "inimaginable de rester insensible face à de telles souffrances. On peut trouver que le mot holocauste est un peu fort mais je n’en vois pas d’autres pour décrire la situation des gens de Gaza.
Je souhaite vraiment que la France reconnaisse la Palestine comme d’autres pays l’ont fait et qu’il y ait un embargo sur les armes en direction d’Israël."
A Sens, le 1er juin. Photo L'Yonne républicaineFace aux accusationsAhmed de Dreux se dit "content de voir que les mobilisations pour les Palestiniens se multiplient et qu’il y a toujours plus de monde. Il n’y a rien d’antisémite dans le fait de défendre la paix et la justice pour les Palestiniens. D’ailleurs, dans les pays d’origine de nos parents, on a toujours vécu en harmonie avec les juifs." À Limoges, Manolo, 19 ans, explique se mobiliser "par solidarité" :
"On taxe tous les soutiens à la Palestine d’antisémites. Mais pas du tout. Notre message aujourd’hui, c’est antisioniste, mais pas du tout antisémite"
Pascal, 68 ans, de Charny-Orée-de-Puisaye (Yonne), rencontré à Sens, samedi dernier, explique « avoir toujours été favorable à la reconnaissance de l’État palestinien. Le comportement colonialiste du gouvernement israélien interroge. On peut se demander d’où vient le Hamas et pourquoi il a attaqué Israël. On peut aussi se demander comment les services de renseignements israéliens, parmi les meilleurs au monde, n’ont rien vu venir. Il y a sans doute des antisémites parmi les soutiens au peuple palestinien, mais ils ne sont pas à nos côtés. Il n’y a que des humains sur terre, peu importent notre origine, notre race".A Dreux. Photo L'Echo républicainChristine, 60 ans, croisée à Sens, tranche : "En France, ceux qui nous accusent d’antisémitisme mentent. La moitié de nos camarades sont juifs. Les militants les plus aguerris contre le gouvernement israélien sont juifs. Le problème entre Israël et la Palestine n’est pas religieux, mais politique. Nous ne sommes pas des antisémites. Nous venons de la gauche française qui a une longue tradition de lutte contre tous les racismes, y compris contre l’antisémitisme. À l’opposé de notre combat, le RN est soutenu par des personnalités révisionnistes, ouvertement antisémites."
Le bilan de la guerre à Gaza s'élève désormais à 36.224 morts, annonce le ministère de la santé du Hamas
A Aurillac. Photo Jérémie Fulleringer
Un enjeu pour les européennes ?Pour Nour, à Dreux, "voter est toujours important, Palestine ou pas. Mais, c’est sûr que pour les élections du 9 juin, la question palestinienne est l’un des enjeux du scrutin, cela fait partie des critères qui orienteront notre choix, mais ce ne sera pas le seul". Wilfredo explique "avoir toujours voté pour des partis qui reconnaissent le droit des Palestiniens", donc dimanche, il fera comme il l’a "toujours fait". Pascal, l’Icaunais, n’a "pas l’impression que Gaza soit un enjeu dans ces élections européennes. C’est plutôt la question de l’immigration qui semble préoccuper une partie des électeurs, ceux qui avalent les propos de la bête immonde qu’est le RN. On sait où conduit la haine de l’autre. J’ai un certain âge, j’ai du recul."
Par Valérie Beaudoin (Dreux), Thibaut Dailler (Limoges) et Olivier Richard (Sens)