Depuis une semaine, l’Assemblée nationale se penche sur le projet de loi sur la fin de vie, qui vise à renforcer l’accès aux soins palliatifs et à légaliser l’aide à mourir. Qu’en pensent les députés et sénateurs du Puy-de-Dôme ? Un seul s'y oppose, pour l'heure.
L’aveu est unanime chez les parlementaires puydômois : le sujet est « intime », « sensible » et « ne ressemble à aucun autre débat que nous avons eu ces derniers temps à l’Assemblée ».
Depuis lundi dernier, les députés examinent le projet de loi sur la fin de vie, qui vise à instaurer une « aide à mourir », en plus de renforcer l’accès aux soins palliatifs. Le chemin est encore long, puisque si un vote solennel est annoncé le 11 juin après l’examen de près de 3.000 amendements, le texte doit encore faire la navette avec le Sénat et ne serait donc pas adopté avant 2025.
Mais au Palais Bourbon, les parlementaires puydômois n’ont pas attendu cet examen pour se pencher sur la question. Tous disent s’y intéresser depuis plusieurs mois déjà, voire davantage.
Quatre sur cinq favorablesÀ l’heure actuelle, quatre des cinq députés assurent ainsi être favorables au projet de loi. Passons le renforcement de l’accès aux soins palliatifs : tous s’accordent pour dire qu’il est indispensable, et considèrent même que ce texte ne va pas assez loin en termes de programmation et de budgets.
Le débat, ici, porte davantage sur l’aide à mourir. « On va créer une liberté, un nouveau droit qui n’enlève rien à personne et qui n’oblige personne à aller vers ce droit à mourir », résume Christine Pirès-Beaune (Parti socialiste), qui fut l’une des 71 membres de la commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. « Je voterai évidemment ce texte en espérant que les conditions seront moins restrictives que ce qui est prévu par le gouvernement », ajoute-t-elle. Et d'appuyer :
Deux points ne me conviennent pas aujourd’hui : je ne comprends pas pourquoi les directives anticipées sont totalement absentes?; et je trouve cruel de parler d’abord d’autoadministration, et de ne pouvoir faire appel “qu’exceptionnellement” à un médecin. Si on prend le Canada, sur 13.342 personnes en 2022, il n’y en a que sept en automédication?! Et six sur 3.424 en Belgique.
Un besoin de « garde-fous »À gauche toujours, Marianne Maximi (La France Insoumise) se dit elle aussi favorable : « Je suis pour qu’on légifère et qu’on ouvre de nouveaux droits car il s’agit bien de cela. A chacun ensuite d’user de cette liberté », commente-t-elle, glissant au passage que la proposition est portée par les Insoumis depuis quelques années déjà.
Les deux députés Modem, Delphine Lingemann et Laurence Vichnievsky, sont elles sur la même longueur d’onde : oui à ce projet de loi, « à condition de préserver des garde-fous ». « Je suis vigilante sur la possibilité pour les proches d’administrer la mort, considère Delphine Lingemann. Ça peut être perçu comme un acte d’amour mais cette loi doit les protéger, comme elle protège les patients et les médecins. Je ne suis pas pour faire porter ce poids aux proches. Même si un médecin refuse de le faire, je pense qu’on peut trouver assez d’associations pour prendre le relais. »
Quant à Laurence Vichnievsky, elle souhaite, elle aussi, une prise en compte des directives anticipées et se dit « vigilante sur la notion de consentement libre et son appréciation ».
Chassaigne opposéFinalement, un seul député puydômois s’affirme pour l’heure contre ce projet de loi, à savoir André Chassaigne (Parti communiste). À ses yeux, il ne fallait pas, déjà, mettre les soins palliatifs et l’aide à mourir dans un même panier. « Les soins palliatifs sont la priorité et il fallait une politique offensive à ce sujet, sachant qu’un Français sur deux n’y a pas accès », déplore le député communiste.
Quant à l’aide à mourir, il s’interroge : « Qu’une société inscrive dans la législation que l’on puisse donner la mort, je considère que c’est un basculement éthique qui peut ouvrir vers d’autres basculements. Même si le texte de loi est mesuré, qu’il existe des garde-fous, il y a des risques de dérives. » Il ajoute :
Le fait d’informer sur cette perspective, c’est ouvrir une perspective. C’est diffus, ce n’est pas un encouragement ouvert, mais ça peut marquer les esprits, notamment chez les personnes modestes, isolées, fragiles. Des personnes âgées considèrent qu’elles sont une charge pour la société ou pour leurs enfants. Tout ça peut conduire certaines d’entre elles à accélérer leur mort non pas pour des raisons médicales, mais parce qu’elles culpabilisent. Donc dans l’état actuel, je ne voterai pas ce texte.
Et chez les sénateurs ?S’il est adopté par l’Assemblée nationale, le projet de loi sur la fin de vie est attendu à l’automne au Sénat. Les sénateurs puydômois le voteront-ils ? Deux d’entre ne prennent pour l’heure pas position, à savoir Jean-Marc Boyer (Les Républicains) et Marion Canalès (Parti socialiste) : ils expliquent vouloir prendre encore le temps de la réflexion, du débat et des auditions.
Seul Éric Gold (Rassemblement démocratique et social européen) se dit d’ores et déjà « favorable, avec des garde-fous. C’est une demande sociétale et ça n’enlève aucun droit aux autres, c’est comme le mariage pour tous. J’aurais aimé, toutefois, qu’on commence par améliorer le recours aux soins palliatifs. »
Arthur Cesbron