Corse 1995. Alors que Lesia (Ghjuvanna Benedetti) devrait vivre l’un de ces étés riches en découvertes, c’est à une autre première fois que la jeune fille se trouve conviée, un rituel explicitement détaillé dans une séquence d’ouverture où la jeune fille est initiée à la chasse. Il s’agira bien de rejoindre la meute, d’être chasseuse et chassée. Enfant d’un grand nom du banditisme recherché, la jeune femme rejoint bientôt son paternel à l’intérieur d’une villa semblable à une camisole dorée. Seul lien avec le monde extérieur : l’écran d’une télévision qui, chaque jour, fait état des nouveaux mort·es de son clan mafieux.
C’est l’angle que choisit Le Royaume, livré à l’observation démystifiée et distanciée d’un monde et de ses règles que Lesia entrevoit, comme une guetteuse derrière des meurtrières, sans pouvoir, au départ, l’atteindre totalement. Le film se déploie selon un rythme quasi apathique mais toujours captivant, entouré d’un voile de mystère, saisissant avec une vraie force d’incarnation la ronde funèbre de ces vies rompues par le poids d’un héritage des temps anciens. Inéluctable tragédie, Le Royaume se concentre surtout, avec soin, à l’étude d’une relation entre un père et une fille qui ne peuvent véritablement se rencontrer, apprendre à se connaître, rattraper un peu du temps perdu, que sous l’impulsion d’une menace imminente.
Le Royaume de Julien Colonna, avec Ghjuvanna Benedetti, Anthony Morganti (France). Un Certain Regard