Ruine après ruine, le hameau de Laval, à Saint-Pal-de-Mons, retrouve progressivement un peu de vie depuis quelques années. Dans un lieu difficile d’accès, mais préservé, les amoureux de pleine nature ont trouvé un cadre d’exception. Et ici, ils peuvent compter sur le soutien de la municipalité pour les accompagner.
Un seul habitant à l’année et plusieurs résidences secondaires occupées en été. Nous sommes à Laval, petit village situé au fond des gorges de la Dunière sur la commune de Saint-Pal-de-Mons. Le lieu est surtout connu des pêcheurs, des promeneurs, des traileurs ou des vététistes. Chaque année, le hameau s’anime avec la présence de nombreux fidèles pour le pèlerinage à la chapelle Saint-Julien-la-Tourette, le lundi de Pentecôte.Rien n’aurait été possible sans l’appui de la municipalité dans les démarches pour obtenir les permis. En photo : Patrick Riffard, maire, et Michel Convers, conseiller.
Mais depuis quelques années, une nouvelle dynamique s’est emparée des lieux. Une première maison en ruine a été rénovée en gîte il y a trois ans (lire ci-dessous). Demain, c’est un ancien moulin qui va reprendre du service (voir par ailleurs). Un autre doit être transformé en habitation. Maison après maison, le village se réveille, grâce à des personnes sensibles à son charme, au caractère préservé des gorges de la Dunière, et avec le soutien de la municipalité.
Dans beaucoup de communes, les mairies refusent bien souvent de délivrer tous les documents nécessaires pour remonter des ruines en des lieux isolés. « Pour nous, c’est un village emblématique. Même la passerelle sur la Dunière va être refaite (comme celle du pont de Raucoules en amont). Nous avons déjà œuvré à la rénovation de la chapelle, avec la réfection des joints et de la toiture. Bientôt, la cloche sera remise à sa place en prévision du pèlerinage », détaille le maire de Saint-Pal, Patrick Riffard. Intarissable sur la beauté des lieux, le premier magistrat en est devenu un ambassadeur. « Ici, la nature est sauvage. On la voit telle qu’elle s’offre à nous », poursuit-il, heureux de « montrer que l’on peut vivre ici ».Laval n’est pas un village facile d’accès, autant se l’avouer. Il faut soit disposer d’un 4x4 (un véhicule léger peut accéder au village quand le chemin est sec) soit aimer la marche?! C’est aussi ce qui fait le charme du lieu, loin de tout au fond des gorges de la Dunière. Des qualités aujourd’hui recherchées, mais paradoxalement, qui ont aussi favorisé l’abandon de nombreuses maisons.
Sécuriser le secteurL’été, lorsque toutes les résidences secondaires sont ouvertes et que le gîte est occupé, Laval reçoit une dizaine de personnes. Depuis quelques années, un arrêté municipal a été pris pour interdire l’accès des abords de la chapelle aux engins motorisés. La cohabitation se passe bien, les chemins ne manquent pas pour les amateurs de quad ou de moto.À Laval, il reste encore plusieurs bâtiments en ruine. En photo : à 150 mètres de la chapelle, une ferme abandonnée depuis 1934 attend son tour. « On aimerait porter un projet associatif pour la restauration », explique le maire. Les marcheurs sont très nombreux aux beaux jours. « Cela pourrait être un lieu de repli. »
Pour la mairie, revoir des habitants dans ce lieu est aussi un argument de sécurité. « En venant s’installer et y vivre, les gens entretiennent et débroussaillent. L’été, on limite le risque incendie dans les gorges car les gens sont plus vigilants en étant présents à l’année. Tout cela c’est précieux », argumente le maire. « Ici, il n’y a pas besoin de caméras de vidéoprotection, ça se fait tout seul?! »
Laval, lorsque toutes les maisons étaient occupées, a connu une intense activité avec plusieurs moulins. « En 1820, le village comptait 11 maisons et 44 habitants, et Saint-Julien-La-Tourette, autour de la chapelle, 7 maisons et 25 habitants », indique la mairie de Saint-Pal sur son site web. En 1886, le recensement fait état de 10 maisons et 41 habitants. En 1936, Laval et Saint-Julien ne comptent plus que 3 maisons habitées pour 22 habitants. Parmi eux, la famille Billard, à Saint-Julien. Jean et sa femme vivent avec leurs six enfants, dont quatre filles employées comme « tisseuse » chez Fayard à Sainte-Sigolène.
Cette ancienne ferme rénovée en gîte, c’est le résultat du travail de Nicolas Januel, enseignant en lycée professionnel. « J’ai grandi à quelques kilomètres d’ici et c’était mon coin de cœur… Un jour en me promenant, j’avais repéré cette ruine », explique-t-il. Le hasard s’est chargé de concrétiser un projet auquel il n’avait même pas osé imaginer. « Un jour, j’ai su que la ruine était à vendre. Une autre fois, j’ai rencontré le maire. Les choses devaient se faire, c’est comme ça », dit-il avec philosophie.
Travaux, démarches… un long parcoursCar de l’ancienne ferme, il ne restait que les murs, sans eau, ni électricité. Après l’acquisition il y a 7 ans, un premier permis est déposé, mais refusé. Un second suivra, accepté en 2015. Dans toutes ses démarches, Nicolas Januel a pu compter sur le soutien de la mairie. « Quand il est venu me voir, j’ai été sincèrement très ému. C’était inouï, une aubaine d’avoir ce projet touristique », avoue aujourd’hui le maire de la commune, Patrick Riffard.
Pourtant, le parcours administratif a été compliqué. « Il a fallu se battre. Montrer que les quatre murs étaient bien là et prouver l’existence d’une habitation à cet endroit?! Pour l’électricité nous avons été suivis par EDF », poursuit le maire. Pour l’eau, les choses ont été plus complexes.
La rénovation débute en 2016. « Le vrai challenge, c’était d’amener les matériaux?! », se souvient Nicolas Januel. « Pour ce genre de chantier, il faut être bien marié?! », confie avec du recul le propriétaire des lieux. Alors quand on lui demande si ses proches l’ont pris pour un fou, il reconnaît « qu’il faut être organisé et avoir un peu de mental. Les copains ont été là aussi pour filer un coup de main?! Notre chance, c’est que la commune faisait rénover la toiture de la chapelle en 2016 et que le charpentier était là. Il a pu me faire la ferme principale ».Nicolas Januel peut accueillir les personnes sur la terrasse de son gîte.
Les travaux sont terminés en 2021 et le gîte de la Bambine est depuis ouvert ponctuellement, avec un accès pédestre sur environ 200 mètres, sans compter la piste accessible en 4x4 jusqu’au « centre » du village. En plus de l’eau potable du réseau, une réserve d’eau pluviale a été aménagée pour les toilettes ou la douche. Mais le véritable atout du lieu, c’est sa situation et son cadre. « Quand je bricole ici, ce sont un peu des heures de méditation pour moi?! », sourit Nicolas en jetant un coup d’œil au panorama depuis la terrasse de son gîte. Aujourd’hui, il lui reste encore quelques aménagements à réaliser sur des annexes, mais l’essentiel est fait. Avec à la clé, la satisfaction d’avoir sauvé une maison en pierre d’une fin certaine et de l’avoir transformée en un gîte unique, dans un cadre qui l’est tout autant.
Contact. www.gitelabambine.com.
Rebâtir le moulin à farine
Au milieu de ce qu’il reste des quatre murs du moulin de Laval, on voit une partie des mécanismes qui faisaient autrefois tourner les meules. Faire de la farine dans un ancien moulin abandonné au fond des gorges de la Dunière. Une idée saugrenue ? Non ! Le projet d’un boulanger. Un permis de construire a été déposé.
Bien que situé en rive gauche de la Dunière, donc sur le territoire de la commune de Raucoules, il était autrefois baptisé « le moulin de Laval », comme le nom du village juste en face et d’un second moulin, un peu en aval. Entre les deux : une passerelle permet de relier les berges, en complément de l’ancien passage à gué en période d’étiage. À Laval, il y avait d’ailleurs plusieurs moulins et tous sont en ruine aujourd’hui.
Le retour d’une activitéDeux d’entre eux font désormais l’objet d’un projet de rénovation. Le moulin de Laval a été acquis par une famille de Saint-Pal. « Leur fils est boulanger-pâtissier et souhaite y moudre sa farine comme autrefois », confie le maire de Saint-Pal, Patrick Riffard. « Il souhaite garder l’esprit et remonter le moulin lui-même ». Sur place, il n’y aura que l’activité de meunerie. Même si le dossier a été déposé sur la commune de Raucoules, il a été soutenu par la mairie de Saint-Pal. La première demande de permis a été refusée. Une seconde a été déposée. « Il faut bien préciser qu’il n’y aura pas d’habitation sur l’ancien moulin, juste une activité artisanale », poursuit le maire, confiant quant à la suite. « Ce sera le retour d’une activité à Laval. Cela va contribuer à redonner vie au village, comme avec le gîte », poursuit Patrick Riffard.Dans une pièce voûtée, la chute d’eau du moulin actionnait une roue dont l’axe est resté en place.
Même la passerelle qui dessert la rive gauche, juste devant l’ancien moulin, doit être restaurée. Mais les engins et les matériaux devront emprunter le passage à gué en été. Le travail est colossal car, en plus des ruines du moulin, il faut remettre en service l’ancien bief, toujours visible, mais partiellement comblé par des décennies passées à l’abandon.
Sur la Dunière, juste en amont du village de Laval, le lieu n’est guère connu que des pêcheurs. De l’ancien moulin, il ne reste, là aussi, que les murs en ruine et l’ancien bief comblé. Même la levée a disparu. Peu importe, ce n’est pas pour refaire un moulin que la famille Théoleyre a choisi cet endroit.
Amener l’eau potable et l’électricité« Nous voulons garder la base des murs en pierre et installer dessus une maison avec une structure en bois », explique Gérald Théoleyre, installateur de menuiseries. « Pour l’électricité, on va installer des panneaux photovoltaïques sur le talus en hauteur, tournés plein sud. Pour l’eau potable, on va utiliser un système de filtration des eaux de la Dunière ».
L’entourage est très motivé pour voir aboutir ce projet ambitieux. « Notre famille nous prend un peu pour des fous?! Mais tous les copains qui sont venus voir sont tombés sous le charme », rassure l’artisan.
Là aussi, l’affaire suit son cours et les démarches vont encore prendre du temps. Il a déjà fallu acquérir jusqu’aux terrains pour l’accès à la propriété isolée. « Nous sommes prêts à accompagner le projet, quitte à modifier le PLU (plan local d’urbanisme) », insiste le maire, Patrick Riffard.
Lionel Ciochetto
