Ce scrutin était observé de près pour son impact attendu sur la situation sécuritaire dans la région. Le ministre des Affaires étrangères pro-chinois Jeremiah Manele a été élu, ce jeudi 2 mai, Premier ministre des îles Salomon, l’emportant sur un adversaire qui souhaitait réduire l’influence de Pékin dans ce petit pays du Pacifique Sud.
Jeremiah Manele, diplomate de carrière, a remporté 31 voix sur 50 lors d’un vote à bulletin secret, a annoncé le gouverneur général David Vunagi.
Son rival, le chef de file de l’opposition Matthew Wale, défavorable à Pékin, a obtenu 18 voix en sa faveur. "Le peuple a parlé", a déclaré Jeremiah Manele, en saluant le fait que le scrutin se soit déroulé sans violence, dans un pays où les élections sont souvent mouvementées. "Nous avons montré au monde aujourd’hui que nous valons mieux que cela", a-t-il souligné.
En 2000, le Premier ministre Bart Ulufa’alu avait été contraint à la démission après avoir été enlevé par des hommes armés mécontents. Et en 2006, des forces internationales de maintien de la paix avaient été déployées pour réprimer des violences post-électorales. Les observateurs s’attendent à ce que Jeremiah Manele poursuive la politique amicale de l’archipel à l’égard de la Chine.
Les îles Salomon sont entrées dans l’orbite chinoise en 2019 sous la houlette du Premier ministre sortant Manasseh Sogavare - qui ne s’est pas représenté - en se détournant de Taïwan pour établir des relations diplomatiques avec Pékin.
Jeremiah Manele exerçait à cette date en tant que ministre des Affaires étrangères et avait à ce titre fait le voyage de Pékin pour formaliser l’ouverture de ces liens entre les deux pays.
Le ralliement de Manasseh Sogavare à Pékin avait en partie alimenté une vague d’émeutes antigouvernementales qui avaient ravagé en 2019 le quartier chinois de la capitale Honiara. Manasseh Sogavare avait ensuite signé un pacte de sécurité, tenu secret, avec Pékin en 2022, et permis l’expansion rapide des intérêts chinois dans l’archipel, membre du Commonwealth.
Bien que les détails de l’accord demeurent obscurs, Washington et Canberra craignent qu’il ne pose la première pierre d’une base militaire chinoise permanente dans le Pacifique Sud, qui pourrait changer la donne en matière de sécurité régionale.
Le rival de Jeremiah Manele, Matthew Wale, militant des droits de l’Homme, avait condamné ce pacte de sécurité avec la Chine. "La question se pose de savoir si M. Sogavare cherchera à exercer une influence en coulisses", a déclaré à l’AFP Graeme Smith, un spécialiste du Pacifique à l’Université nationale australienne. "Je ne pense pas qu’il y aura un changement notable de politique", a-t-il dit.
Le Premier ministre élu a promis "un gouvernement d’unité nationale" qui se concentrera sur l’amélioration de l’économie et "le progrès […] vers le rétablissement" après la pandémie de Covid-19. Des projets de loi autour de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou encore de l’établissement d’une zone économique spéciale figurent parmi les priorités annoncées du nouveau gouvernement.
La Chine a financé plusieurs grands projets, notamment un stade d’athlétisme de 10 000 places et un centre médical encore en construction. Mais le pays de quelque 720 000 habitants répartis sur des centaines d’îles volcaniques et d’atolls affiche un indice de développement humain parmi les plus bas au monde selon les Nations unies.
A la veille des élections, qui se sont déroulées le 17 avril, Daniel Suidani, figure de proue de l’opposition et ancien Premier ministre provincial, avait qualifié les actions de la Chine d'"alarmantes". "Au cours des cinq dernières années, la Chine a été impliquée dans de nombreuses affaires. C’est vraiment alarmant en ce moment", avait-il déclaré à l’AFP.
Dans l’archipel, les électeurs ne choisissent pas directement leur Premier ministre. Ils élisent des représentants qui négocient à huis clos pour former une coalition et choisir un dirigeant, un processus qui peut durer des semaines.