Fabrice Rose est so rti le 23 décembre 200 5– « il y a dix-huit ans et cinq mois » – de la prison de Moulins-Yzeure, après vingt-cinq ans à l’ombre. L’ancien braqueur de banques, que nous surprenons à compter fièrement les jours comme des jetons d’abstinence, n’est plus hors la loi, tel qu’il l’a promis à sa fille. Croix de bois, croix de fer. À 70 ans, le Bourbonnais est même tout juste « retraité ». Lui qui était devenu animateur référent « culture et santé » au sein de l’hôpital Cœur du Bourbonnais, organisant spectacles, résidences d’artistes et sorties, est rattrapé… par la limite d’âge de la fonction publique.
Des évasions… pour le quatrième âge
Un comble pour celui qui, bien loin de faire « petit vieux », se sent « en pleine forme ». Il se serait bien vu continuer à programmer des évasions à Moulins, Vichy ou Cusset, en mode opéra ou théâtre, pour les résidents de l’Ehpad de Saint-Pourçain-sur-Sioule.
Après tout, sa deuxième vie vient tout juste d’atteindre sa majorité ! Avant ses incarcérations, il n’a « rien fait » (d’officiel). Normal que sa pension s’annonce petite. Fabrice Rose assume et en rit :
Les années de la pénitentiaire, ça ne compte pas pour la retraite !
De toute façon, l’homme vit « en mode carpe diem ». Se dit qu’il prendra un job en complément. Avance sans savoir de quoi sera fait demain, et tant pis (ou tant mieux !). Goûte ses moments avec ses enfants et son petit-fils. Se consacre à ses passions. Parmi lesquelles, l’écriture, toujours.
Lui qui ne cesse de raconter qu’il a été « sauvé » par les livres en prison, vient de sortir Pourchassés, le 3e et ultime tome de sa série de thrillers autour d’une équipe de braqueurs. À sa tête, un certain Marc Man. Il a une fille, Alex. La même que celle de Fabrice. Le look, la musique, l’appart’. La même (elle confirme). Qui le conjure « d’arrêter ses conneries ». Telle la vraie Alex au parloir de Moulins-Yzeure en 2000. Dans la vraie vie, Fabrice arrête. Dans les romans, Marc persiste et signe.
Dans le 1er tome, Tel père, telle fille, le personnage s’évade et sauve notamment Alex des griffes d’hommes qui ont embrassé le djihadisme par opportunisme. Non sans dégâts de part et d’autre. Ajoutez (entre autres) un gang de néonazis. C’est violent, très violent. cavale
Dans le deuxième tome, Le Plan, il est question de vengeance. Mais aussi d’un tortureur en série, fils de dictateur africain, capturé par le gang Man. Le violeur et meurtrier est rendu (pas tout à fait entier) aux autorités françaises. Là non plus, pas d’angélisme. L’auteur y met ses tripes. Dans le 3e , Pourchassés, la bande est en cavale. Moins d’hémoglobine, davantage de logistique. Quoique : Marc Man n’arrive pas à se résoudre à faire profil bas.
Il veut finir de se venger, coûte que coûte. Et en plein Covid. « Pendant le confinement, je me suis dit, si j’étais hors-la-loi, comment je ferais ? Je me suis renseigné auprès d’amis à Paris. En fait, il y avait pas mal de circulation, c’était faisable ».
Fabrice Rose, des romans à l’image de notre société, violente
Dans cet ultime opus, Fabrice Rose s’amuse à trouver des astuces pour contourner les règles du confinement. En parallèle, il rend hommage au travail de fourmi des enquêteurs. Même s’ils galèrent, tous ces fins limiers finissent par avancer.
Ils ne lâchent rien. J’ai toujours eu du respect pour eux. J’étais certes d’un côté et eux de l’autre, mais ils n’ont jamais été mes ennemis
Lorsqu’il rencontre des détenus en prison (ces rendez-vous sont réguliers), c’est ce qu’il leur dit : « Avec les moyens techniques d’aujourd’hui de la police et la gendarmerie, vous partez perdants ». Il y a toujours un moment, fatalement, où même les plus aguerris se relâchent. « Et puis, ça n’existe pas, les “super coups” ».
Sans dévoiler le dénouement, Fabrice Rose confie qu’il a séché pendant plusieurs semaines pour écrire cette fin : « Je ne savais pas qui sacrifier. Il faut quelque part une morale dans un roman. Si tu choisis d’être hors la loi, il faut être prêt à en payer le prix ». Ça aussi, il le dit aux détenus :«Vous n’êtes pas ici par hasard ! ».
Pour celui qui refuse de « raconter sa vie dans un roman » (il est régulièrement sollicité), il y a de sacrés bouts de lui tricotés dans cette trilogie. On comprend : c’est juste qu’il ne veut pas, via un bouquin, faire de son parcours « un exemple ». Fabrice Rose préfère s’atteler à l’écriture de l’histoire de son père, héros de la Seconde guerre mondiale, décédé à 97 ans et laissant de belles archives.« Il est parti à 20 ans le 18 juin 1940 rejoindre l’Angleterre. Il est devenu pilote pour la Royal Air Force ». L’auteur aimerait aussi retravailler une vieille histoire, son premier livre, Ghetto taxi. L’histoire d’un mec, à New York, qui rentre dans un cinéma pour voir le film Taxi driver. « Il s’identifie à De Niro. Il ne peut pas regarder la fin et sort de la salle, persuadé que les flics ont tué le gars. Il va le voir 17 fois, mais ne regarde jamais la fin. Il se fait embaucher dans une compagnie de taxi, pète un câble et tue des gens ».
Fabrice Rose envisage de le réécrire entièrement : « Grâce aux éditrices de Robert Laffont, j’ai appris à écrire pour les autres et non plus pour moi. Elles savent me dire quand je me suis fait plaisir, et quand les lecteurs vont décrocher ! J’ai viré 25 pages de Pourchassés comme ça. J’en avais fait une tartine sur les lions. J’adore les lions ». Et puis il y a aussi Nathan Nabot, « un pauvre mec affreux qui travaille dans une morgue », nous avait raconté sa fille qui adore cette histoire : « C’est abominable, de l’humour noir à 1.000 %. Ça m’a fait beaucoup rire ! »
Chez Robert Laffont : Tel père, telle fille ; Le Plan ; Pourchassés.Les rendez-vous et dédicaces.Samedi 11 mai, à 17 heures au château des Granges à Escurolle. Lecture musicale de passages de Pourchassés, par Diane polyaZeitline, ex-directrice de l’opéra de Vichy et une séance de dédicaces.Samedi 18 mai, dédicaces à la librairie A la page de Vichy de 15 à 17 h 30.
