Quels vins choisir en ce printemps ? Nos journalistes vous présentent leurs coups de cœur

Voici la dernière sélection de vins qu'ont adoré déguster les journalistes de la rédaction :

Première fois. Et si vous pouviez être là au tout début de l’histoire ? On n’a pas si souvent l’occasion de mettre la main sur la toute première cuvée d’un vigneron. Encore moins de tomber sur un coup d’essai aussi réussi. Mais c’est bien le tour de force qu’est parvenu à réaliser Alexandre Fefeu, en décrochant une médaille d’argent au concours des vins de Chablis cette année.Matières premières. Installé à Yrouerre dans l’Yonne, sur les terres de sa mère, il dispose d’une petite parcelle de moins d’un hectare. Un terroir familial qu’il chouchoute en vendangeant à la main. Son petit chablis Fontaine de Chaule est réalisé sans aucun intrant. Du jus de raisins, pressés par gravité, un peu de soufre pour la conservation, « beaucoup d’amour et de bonne humeur, c’est tout », aime à dire le viticulteur. Il a élevé 20 % de la récolte en fût, pour apporter de la rondeur à son nectar. Et a pris le temps de cacheter lui-même ses 6.600 bouteilles, à la cire.Premières impressions. Très minérale, la jeune cuvée revendique haut et fort ses racines chablisiennes, jusqu’aux notes de craies en finale. Au nez, une touche de bois. En bouche, un bel équilibre. Du fruit autant que de la fleur, de l’élégance autant que de la vivacité. À servir frais avec des huîtres, une viande blanche, un comté ou un beaufort. À découvrir chez les cavistes, pour une vingtaine d’euros.Lucile Preux

Opération sauvetage. Tout a commencé par une histoire d’endives. De « chicons », comme ils disent par là-haut. Avec père et frère, Yannick Moine était monté à Liège. « On voulait se reconvertir ». C’était il y a plus de trente ans. Le maraîcher belge les convainc de récupérer pour « quasiment rien » ses pieds de rhubarbe promis à la destruction. Mais finalement rapatriés dans les Vosges, puis nichés dans une clairière à l’abri, car la délicate rhubarbe n’aime « ni le vent ni le soleil ». De 400 bulbes marcottés, ils sont passés à présent à 25.000 plants. Et ce n’est pas fini. « À l’automne, on va remettre 40.000 plants ». Les affaires marchent, en frais pour les tartes, en gelée, en jus… Mais aussi… en vin !Ainsi est né le crillon des Vosges. Chez les Moine, on n’aime pas gâcher. Un jour, il leur restait sur les bras de la rhubarbe. « Ancestralement, dans le sud des Vosges, les agriculteurs faisaient des vins de fruits : groseilles, mûres, framboises, pissenlits… après que le phylloxéra a dévasté nos vignes ». Ils ont tenté une cuvée avec la « recette de nos grands-mères ». 200 litres vite engloutis. Un succès qui date de 1987 et l’acte de naissance du crillon des Vosges (13,80 €), ce moelleux léger, qui a l’immense avantage (c’est bientôt l’été), au regard des Loupiac, Cadillac ou Monbazillac, de contenir moitié moins de sucres résiduels.Pas du vrai vin ? « Avec un foie gras, l’alchimie est parfaite ». Le crillon des Vosges, que les œnologues comparent à un beaumes de Venise, peut se servir aussi avec un « fromage fort, type bleu, master, roquefort, ou un p’tit dessert chocolaté ! » Ce vin de garde est aussi le bienvenu à l’apéritif. Que répondre aux esthètes qui ne jurent que par le vin de raisin ? « Au tout début, les palaces et restaurants ne voulaient pas nous mettre à la carte des vins ». Et puis, ils ont changé d’avis…Florence Chédotal

Ô Fronton. Aussi noir de robe que son étiquette, celle du millésime 2020, est chatoyante, ce Don Quichotte ne se bat pas contre les moulins à vent. Cela fait déjà plusieurs mois que l’on cherchait à redécouvrir le fronton, qui ne fait pas forcément partie des appellations les plus célébrées. À tort, le « vin des Toulousains » est bien plus qu’un breuvage de proximité destiné aux habitants de la cité des violettes.Un secret bien gardé. La cuvée Don Quichotte (15 euros) est un peu le fer de lance de l’un des domaines les plus dynamiques de l’appellation de Haute-Garonne, le domaine du Roc, de la famille Ribes. Son secret, comme celui du fronton, c’est la négrette, un cépage presque uniquement planté ici, qui fait toute la spécificité de ce terroir. Souvent assemblée à la syrah – c’est le cas du Don Quichotte, avec 60 % pour le cépage local –, la négrette apporte un fruité qui n’est pas toujours la qualité des vins du Sud-Ouest. C’est gourmand, avec des aromes de fruits noirs, une pointe d’épices, des tannins délicats, veloutés. L’assemblage est taillé pour accompagner des viandes et des plats régionaux, cassoulet compris.Le rosé aussi. La négrette fait l’objet de cuvées dédiées, comme la Folle noire d’Ambat (moins de 10 euros) pour le domaine du Roc, qu’on aimerait bien déguster. D’autres vignerons de fronton sont recommandables, mais nous n’avons pas encore eu le bonheur de les goûter personnellement. La négrette est également l’amie de belles cuves de rosé, à prix très léger : on se lève tous pour la négrette !Philippe Cros

Le charme discret du Roannais. Oui, il est possible de dénicher de grands chardonnay à moins de 20 euros. Certes de plus en plus difficilement en Bourgogne, où l’on finira par s’arracher des Puligny au prix d’une Maserati. Mais il faut voyager un peu et filer du côté du Roannais qui, doucement et discrètement, monte en gamme sans affoler le portefeuille. On pense d’abord au domaine Serol, dont les gamay saint-romain sont des pépites joyeuses et précises qui accélèrent le printemps. Et puis il y a le domaine des Pothiers, ses rouges élégants et ce blanc, Fou de chêne, qui ferait pâlir pas mal de voisins.Le secret de la terre. Les Pothiers s’étendent sur une grosse vingtaine d’hectares à Villemontais. Les vignes sont ici entourées de vastes prairies. Les rouges s’enracinent dans un sol sablonneux qui leur va comme un gant alors que l’argile s’invite au coeur de quelques parcelles où poussent les chardonnay. La main du vigneron, Romain Paire, fait le reste. Avec un soin constant apporté à la plante et à l’élevage.Sacrées épaules. Dans le verre, cela donne un vin audacieux qui assume sa structure et ses épaules. Ce Fou de chêne 2022, à la couleur or dont on aimerait savoir comment elle évoluera dans dix ans si seulement on apprenait à attendre, brandit une pointe de beurre et un côté grillé qui sauront enrober un poisson ou une viande blanche. Un vin de classe qui rappelle de beaux pouilly-fuissé. Mais trêve de comparaisons. À ce rythme, on dira bientôt que les grands vins ressemblent à des Roannais... Stéphane Vergeade