Le musée des arts d’Afrique et d’Asie revient cette saison en terre asiatique avec une exposition dédiée à la vie de Hàm-Nghi, empereur d’Annam, qui a séjourné à vingt-six reprises à Vichy, où il a beaucoup peint.
L’an passé, le Musée d’Arts vichyssois avait fait la part belle à un tout autre peuple, celui des Dogons. Cette saison, un seul personnage est en vedette, mais il s’agit tout simplement de l’empereur d’Annam, province coincée entre Cochinchine et Tonkin. Soit Hàm-Nghi, plus connu sous le nom de Prince d’Annam et pour ses talents d’artiste que sa courte carrière politique.
« Son souvenir était tu »Pour en savoir plus, son arrière-arrière-petite-fille, Amandine Dabat, a écrit récemment une thèse sur son aïeul : « L’histoire avec un grand H ne fait que peu de cas de lui. Même dans le cercle familial, son souvenir était tu. Il a fallu que j’émette l’idée d’une thèse pour que se révèlent un destin et un talent d’artiste, reconnu en son temps. »
Des œuvres, des objets personnels, des meubles, des confidences conservées par les générations qui lui ont succédé. Répertoriés, rassemblés, mis en lien, ces documents et témoignages ont permis de retracer plus finement la vie de l’ancêtre d’Amandine Dabat.
Mais, pour bien connaître le personnage, il a fallu nécessairement à sa descendance se rendre au Vietnam où Hàm-Nghi est né en 1871.
« Là-bas, c’est un héros national. Adulé tel Vercingétorix. C’est l’empereur qui a su s’opposer à l’impérialisme des Français et qui l’a payé d’un exil de cinquante-cinq longues années sans jamais pouvoir revenir chez lui. »
Mis sur le trône à treize ans, pourchassé pendant trois ans par l’armée française pour s’être révolté sous l’influence de son ministre de la guerre, Hàm-Nghi est finalement arrêté et envoyé en exil en Algérie, où il restera surveillé de très près « comme un dangereux chef de guerre. La France entendait aussi cacher ce témoin de l’expansionnisme français loin de ses frontières. Il est arrivé là-bas à dix-huit ans et malade du paludisme, précise Amandine. Pour le rendre plus acceptable par les Français, il reçoit une pension et se voit dispenser des cours de français, mais aussi de dessin et de peinture où il se montre très vite doué. »
Il trouve dans l’art son espace de liberté. Il subit l’influence de grands artistes vivant de l’autre côté de la Méditerranée. En 1904, et après s’être beaucoup cherché, il découvre l’œuvre de Gauguin. C’est d’ailleurs à travers le vocabulaire de l’impressionnisme qu’il exprime le mieux son goût pour les effets de lumière.
Le paludisme est connu pour attaquer le foie, d’où les séjours nombreux d’Hàm-Ngui à Vichy « dès 1893, à l’hôpital militaire (ex-Régina), à titre d’officier supérieur ». Sur place, il fréquente la grande société de l’époque, elle-même en cure. Il peint beaucoup avec la particularité de ne pratiquement jamais signer ses œuvres.
« L’empereur qui a su s’opposer à l’impérialisme des Français »« L’art n’était pas reconnu dans la sensibilité vietnamienne. On était plus facilement qualifié d’artisan qu’artiste. Sa pension lui permettait aussi de n’être pas dans l’obligation de vendre ses œuvres. Il connaîtra cependant quelques expositions remarquées à Paris, mais à chaque fois, il dut retourner à Alger. Un frein à sa reconnaissance. »
Amandine Dabat est persuadée que certaines de ses œuvres, signées ou non, sont encore accueillies dans quelques salons vichyssois. Peut-être l’opportunité d’étoffer le catalogue…
Pratique. L’Art en exil ou Hàm-Nghi, Prince d’Annam, du samedi 20 avril au dimanche 3 novembre, au musée des arts d’Afrique et d’Asie, 16 avenue thermale. Ouverture du mardi au dimanche de 14 heures à 18 heures. Tarif : 5 €. Visites guidées : les jeudis, à 15 heures, à partir du mois de mai (6 €). Renseignements au 04.70.97.76.40.