Tout a commencé par un signalement anonyme, puis une enquête de plusieurs mois, de novembre 2023 à mars 2024, menant à une conclusion : un appartement de la rue du 11-novembre à Moulins, près du Pont de fer, est un point de deal très fréquenté.
Un Moulinois de 24 ans, qui se fait appeler le "Lion blanc", à la tête du trafic, comparaissait devant le tribunal de Moulins, mardi 16 avril, en visio-conférence de la prison.
230.000 euros en quelques moisPour le procureur, l’enquête policière méticuleuse, menée en lien avec des collègues des Yvelines (*), met au jour un trafic d’envergure, avec des bénéfices estimés à 230.000 euros sur quelques mois seulement. Le magistrat relève, avec ironie, "la qualité des publicités" réalisées par le prévenu sur ses réseaux : "On pouvait même suivre l’écoulement des stocks sur Snap [Snapchat]."
Lors de la perquisition, les policiers ont saisi précisément 3,4 kg de résine de cannabis, 700 g d'herbe, 95 grammes de cocaïne, ainsi que 7.950 € en espèces.
Des écoutes téléphoniques, ainsi qu’une surveillance physique et téléphonique du Moulinois, permettent d‘établir que le trafic serait lié à des réseaux de dimension nationale et internationale. Ce point de deal est en effet approvisionné depuis la région parisienne et l’Espagne. Selon le procureur, le "Lion blanc" a pu développer son marché ces derniers mois, puisque plusieurs trafiquants locaux ont été placés derrière les barreaux, laissant le champ libre pour d'autres "commerçants".
L’un de ses fournisseurs supposés réside en Espagne. Les enquêteurs misent sur un profil bien connu de la juridiction moulinoise.
À l'audience, le "Lion blanc" se rétracte et nie avoir travaillé pour ce dernier, dénonçant uniquement ses liens "avec la région parisienne".
Pourtant, lors de ses auditions, les policiers avaient bien noté le nom de ce fournisseur d’Espagne. Le Moulinois avait même des photos de la carte d’identité du présumé fournisseur sur son téléphone, avance le procureur. Et le prévenu avait été très coopératif avec les agents depuis son arrestation en mars, admettant "avoir joué et maintenant devoir payer".
Amateur ou trafiquant aguerri ?Pour son avocate, Me Boudet, son client n’est pas le "professionnel" décrit par le procureur. "Il n’a pas le profil habituel. Dans ce milieu, on ne parle pas".
De plus, il ne "se cachait pas, comme le font les trafiquants d’envergure : rien de crypté dans son téléphone, une trentaine de clients défilaient à son domicile devant tous les voisins tous les jours, etc."
Le jeune homme en détention provisoire depuis la fin mars, qui admet avoir "commencé à dealer en 2020", aurait simplement été pris dans un "engrenage d’argent facile". Son avocate estime donc qu’il faut le condamner avec plus de clémence que ne le souhaite le procureur, qui a requis cinq ans de prison.
"Il est jeune et doit avoir une visibilité de sortie pour pouvoir préparer une réinsertion réussie". Elle a aussi rappelé que son client était jugé pour trafic pour la première fois.
Quatre ans de prison ferme en toutLe tribunal a condamné Benjamin Nguyen, le "Lion blanc", à cinq ans de prison dont deux avec sursis probatoire de deux ans, en plus d’une amende de 20.000 €. Un sursis qui pesait sur le prévenu, pour des violences conjugales, a également été révoqué, lui ajoutant une année de prison ferme.
(*) Qui n’a "rien à voir avec l’opération de communication du ministère de l’Intérieur”, "Place nette", a relevé le procureur.
Emeric Enaud
