Difficile de garder la pêche et d’avoir la banane un vendredi matin d’école. Ça tombe bien, à l’école Léonard-de-Vinci à Moulins, certaines classes bénéficient d’un petit-déjeuner hebdomadaire équilibré depuis quelques semaines. Car "réfléchir consomme beaucoup d’énergie", atteste Xavier Cordebois, le directeur.
Au menu ce vendredi matin : des tartines de confiture, du yaourt et des "œufs bizarres poilus", blague le chef d’établissement. Les CP, loin d’être dupes, ont bien reconnu le kiwi. Un fruit qu’Evelina, l’une des élèves, apprécie modérément : "C’est pas que j’ai pas envie de goûter, je connais, et j’aime pas", proteste-t-elle. Elle essayera peut-être après le yaourt, elle a le temps.Un kiwi pour les vitamines.
Car ici, pas question de manger sur le pouce, le petit-déjeuner dure environ 40 minutes. Servi sur leurs bureaux, dans leurs salles de classe habituelle, le repas, différent chaque semaine, est élaboré par la diététicienne de la cuisine centrale d’Yzeure. Et préparé par "les dames de la cantine" dont le temps de travail a été rallongé de trente minutes pour l’occasion.
Ce moment de partage en classe permet aux maîtresses d’enseigner le "bien manger" à leurs élèves, schémas sur tableaux à l’appui : expliquer le calcium pour les os, les vitamines dans les fruits, l’énergie dans les céréales (etc.). Les enfants participent au tableau.Parfois ils découvrent de nouvelles saveurs. La semaine précédence, plusieurs enfants ont par exemple goûté pour la première fois à du jus d’orange, sans sucre ajouté. "Et nombre d’entre eux étaient très surpris, étant plutôt habitués au goût de l’Oasis", suppose le directeur.
"Infléchir certaines mauvaises habitudes alimentaires"Les parents sont prévenus : les vendredis, pas besoin de prévoir de petit-dej pour leurs petits. Eux-mêmes sont d’ailleurs invités à les accompagner en classe, pour aider à l’organisation, mais pas que. L’école souhaite "accompagner à la parentalité", en essayant "d’infléchir certaines mauvaises habitudes alimentaires, parfois prises pendant le Covid". Pour l’équipe pédagogique, chaque parent devrait venir au moins une fois, pour garder les bonnes habitudes à la maison. Plus on les prend tôt, plus elles s’ancrent facilement, c’est pourquoi les plus petites classes sont visées par ce dispositif "Petits-déjeuners", fonctionnant grâce à des fonds versés par la Ville, avec une subvention de l’État. Donc les onze classes de CP et CE1 de l’école Léonard-de-Vinci, classée en zone d’éducation prioritaire, soit 120 à 130 repas.
Le "bien-manger", c’est aussi être sensible à la culture alimentaire ou encore la saisonnalité. "Cette année à l’école, on a planté des arbres fruitiers : bientôt, les enfants mangeront donc leur propre production de fruits frais?!", se réjouit le directeur.
À l’origine des petits-déjeuners du vendredi matin, une demande des professeurs. "Certains élèves, dans les petites classes, s’effondraient vers 10 heures du matin". Car dans certaines familles, par manque de temps, d’habitude ou d’argent, on omet le "repas le plus important de la journée".Un repas qui pourtant "revêt une importance particulière pour le développement et les capacités d’apprentissage des enfants", d’après le Programme national nutrition santé. Certains petits ne mangent donc pas du tout.
Lutter contre l’obésité infantileD’autres d’une mauvaise manière, en apportant une collation inadaptée pour la récré : "Le petit-déjeuner équilibré évite d’avoir besoin d’un pain au chocolat à 10 heures, qui entraîne une perte d’appétit à midi, qui entraîne le besoin d’un autre encas trop nutritif plus tard", explique Sarah Rioux, l’une des maîtresses de CP. Il permet donc de lutter contre l’obésité infantile, qui a quadruplé en trente ans d’après l’Organisation mondiale de la Santé qui s’en est alarmé au début du mois.Bref, il est 9 heures, après les tartines et avant le week-end, les enfants on a du pain sur la planche.
Texte Emeric EnaudPhotos Corentin Garault