Emmanuel Gil et son personnage, Typhus Bronx, déboulent ce samedi 13 janvier, à la Halle aux grains, avec son spectacle qui emmêle les émotions de son public. Entretien avec cet acteur de théâtre.
Les Brivadois vont être gâtés. Emmanuel Gil monte sur la scène de la Halle aux grains avec de nombreuses surprises à distribuer lors de La petite histoire qui va te faire flipper ta race (tellement qu’elle fait peur). Et, l’acteur de théâtre n’a pas oublié d’emmener son clown, Typhus Bronx, de son Sud-ouest natal. Attention, ne vous attendez pas au zouave qui fait rire les enfants en appuyant sur son gros nez rouge. Ce spectacle, déconseillé aux moins de 12 ans, s’inspire des codes des films d’horreur des années 80 et 90 et s’amuse avec l’époque du Grand-Guignol au théâtre.
Pendant 70 minutes, Emmanuel Gil détourne le conte du Génévrier des frères Grimm. Typhus Bronx s’est emparé de ce texte à sa manière. Pour déraper et se marrer. « Mais, il faut peut-être penser à laisser les enfants chez eux », insiste Emmanuel Gil.
Je trouve essentiel de faire vivre la culture en milieu rural
Qui est Typhus Bronx ?
Typhus Bronx, c’est la candeur de l’enfant inadapté. De celui qui ne connaît pas où sont les limites de la morale. Il ne distingue pas ce qui est bien et ce qui est mal. Typhus est un peu perdu dans tout ça mais, il ne fait pas vraiment exprès.Typhus est aussi un clown, un bouffon et il se montre assez caustique finalement. C’est la partie de moi déraisonnable qui se permet de dire les choses que tout le monde tait. J’aime ce personnage qui dit des choses pouvant à la fois déranger, émouvoir et questionner. Laisser s’exprimer cette part de folie qui est en nous et qu’on cherche à taire dans notre société.
Ce qui me plaît, c’est que ce personnage-là, quand il raconte l’histoire, il se fait complètement dépasser par les personnages, par les enjeux et lui-même a des accès de folie qui sont assez touchants. J’aime beaucoup mélanger les couleurs en développant son côté attachant et très dangereux, chaud et froid, des moments de tension et de détente.
Il y a aussi une grande part d’humour…
Exactement, c’est vraiment de l’humour noir. Je m’amuse à taper sur tout le monde et à nous mettre face à notre propre paradoxe. Puisque nous sommes en permanence tiraillés par plein de paradoxes dans cette société, par rapport à nos belles idées et nos ambitions. La réalité finit par nous rattraper.
Comment s’est construit La petite histoire qui va te faire flipper ta race (tellement qu’elle fait peur) ?
Ce spectacle a été conçu de façon très artisanale. À la base, c’était une carte blanche qu’on m’avait confiée et que j’ai écrite en trois jours pour faire des spectacles en appartement. J’ai vu que ça avait très bien fonctionné et je me suis dit “ah tiens tu vas en faire une forme longue” en une quinzaine de jours. Puis, la forme a beaucoup évolué avec le temps et au fil des représentations.
C’est un spectacle assez interactif où je m’amuse avec le public en descendant dans la salle. Ça les empêche de s’endormir !
En dix ans de spectacles, Typhus Bronx a-t-il évolué ?
Oui, il évolue. Le premier spectacle parlait de l’univers psychiatrique où je voulais questionner la norme, la place de la folie. Dans le deuxième, j’ai voulu une forme plus ludique et légère même si ça reste aussi intense. Je suis plus dans un registre bouffon où je m’amuse à provoquer un petit peu en allant titiller et dire certaines vérités.
Les Brivadois doivent donc s’attendre à être titillés…
Ils vont surtout bien se marrer ! C’est un spectacle assez interactif où je m’amuse avec le public en descendant dans la salle. Ça les empêche de s’endormir !
Qu’est-ce que les gens adorent chez Typhus Bronx ?
Ils ont beaucoup d’empathie pour lui. Et, en même temps, ils ont envie de le repousser des deux mains. Ça provoque des sentiments ambivalents. En général, le spectacle est un petit choc. Ils sortent de la salle et ils sont un peu bouleversés, il y en a qui sortent en larmes. Cette représentation secoue pas mal avec des moments électrochocs. J’aime bien réserver des surprises aux gens.
En tout cas votre personnage plaît beaucoup au festival d’Aurillac avec des heures d’attente pour espérer vous voir…
On y va depuis 2014. C’est un peu le festival qui m’a propulsé et le bouche-à-oreille est de plus en plus grand chaque année. Maintenant, on ne communique même plus sur notre venue. On ne met plus d’affiche parce qu’on sait qu’on ne pourra pas accueillir tout le monde. Ça fait 4-5 ans qu’il y a des queues de 2-3 heures pour essayer de rentrer dans les cours où les jauges sont limitées et ça amène pas mal de frustration.
Typhus Bronx au festival de rue d'Aurillac en 2017.Ressentez-vous le même succès en salle de spectacle ?
Dès qu’on a joué dans les environs, les salles se remplissent grâce au réseau local. À Brioude, ça sera peut-être un peu moins le cas. Pour la dernière tournée, toutes les dates étaient complètes donc ça fonctionne.
Pourquoi choisir des villes comme Brioude pour votre tournée ?
Il se trouve qu’on essaie de trouver des tournées un peu cohérentes afin de mutualiser au mieux des dates et de ne pas faire des centaines de kilomètres pour jouer qu’une seule fois. Puis, j’apprécie bien le fait de ne pas jouer uniquement dans les grandes villes. Je trouve essentiel de faire vivre la culture en milieu rural, là où il y a moins d’offres. Proposer des choses dans les endroits où il y a moins de propositions.
Des personnes vous aident sur ce spectacle ?
J’ai tout le temps une technicienne qui tourne avec moi. Et, pendant les répétitions, je travaille avec des regards extérieurs. Ce ne sont pas vraiment des metteurs en scène. J’écris moi-même et au fil des répétitions et des représentations, mon texte évolue en fonction des improvisations. C’est une écriture du vivant même si beaucoup de choses restent les mêmes. Puis, j’ai travaillé, avec des personnes comme Lisa Peyron, qui m’a offert son regard extérieur.
Pratique. Pièce de théâtre programmée à 21 heures, à la Halle aux grains. Spectacle déconseillé aux moins de 12 ans. Billetterie sur place vendredi de 14 heures à 16 h 30. Réservation en ligne et tarif sur le site de la saison culturelle.
Félix Mouraille