Chloé Morin pose, en alternance tous les quinze jours avec Jean-Michel Aphatie, son regard de politologue sur l'actualité, pour les lecteurs de Centre France.
L’escalade des violences qui a marqué ces derniers jours donne l’impression d’un engrenage inéluctable et terrifiant. Gouvernement et opposants à la réforme prennent l’opinion à témoin, chacun renvoyant aux autres la responsabilité des violences qui secouent de nombreuses villes chaque soir. Peu à peu, et sans doute au grand regret des syndicats, le débat se déplace : on parle de moins en moins des retraites, et de plus en plus d’ordre public. Cette configuration tourna à l’avantage du gouvernement au moment où le mouvement des Gilets jaunes bascula dans la violence.
C’est bien pour cela que de nombreux syndicalistes, Laurent Berger en tête, et responsables politiques appellent au calme : comme le dit le secrétaire général de la CFDT, le soutien de l’opinion dépend du pacifisme du mouvement, et doit être préservé à tout prix pour espérer gagner le bras de fer engagé avec le gouvernement.
Face à l’impasse démocratique, nous mesurons la fragilité de nos institutions. Elles ne sont fortes que de la confiance qui leur est accordée, une confiance dont on sait bien qu’elle fait de plus en plus cruellement défaut depuis quelques années.
Si le Président n’exprime aucun regret, le spectateur impuissant de ce tourbillon de colère et de ressentiment ne peut s’empêcher de s’interroger : la principale erreur d’Emmanuel Macron ne fut-elle pas, au fond, de choisir Ciotti contre Berger ? La réforme systémique voulue par la CFDT fut jugée inacceptable parce que les Français la rejetèrent en 2019. Pourtant, l’on peut légitimement penser qu’ils rejetèrent sa complexité, le fait qu’elle mêlait réforme financière et systémique à la fois. Le Président préféra cette fois-ci gérer en premier la contrainte financière, en s’appuyant sur des Républicains qui ont fait de la maîtrise des déficits et du report de l’âge de départ à la retraite un marqueur de leur identité politique.
Las, c’était sans compter que ce parti dit « de gouvernement » se divise toujours plus à mesure que son socle électoral rétrécit, exactement comme le Parti socialiste. L’avenir de la réforme des retraites fut mis dans les mains d’une famille qui ressemble de plus en plus à un groupuscule turbulent. Prenons le pari que l’issue du conflit ne viendra pas de LR, mais de la CFDT.
Chloé Morin