Le printemps a beau être de retour depuis le 20 mars, les bacs de fleurs restent vides. Seuls les résidus des plantations de l’an passé demeurent. « Nos résidents sont très à cheval : pour planter, il faut attendre les saintes glaces », explique Davina Capelle, animatrice à l’Ehpad de Saint-Illide. Ici, comme dans de nombreux établissements du Cantal munis d’un jardin thérapeutique, les plantations de l’année attendront encore quelques semaines.
Fleuri ou non, à l’Ehpad Les Vaysses de Mauriac, le jardin pédagogique et son parcours de santé, installé en avril dernier, attire les résidents. Une dizaine a répondu présent à l’atelier organisé dans le jardin par l’animatrice Marine Delbos et la psychomotricienne, qui intervient une fois toutes les deux semaines, Isabelle Marcos.
Un maintien de l'autonomie et de la marchePendant une heure, elles emmènent un groupe de résidents à l’extérieur. « Dehors, on fait ce dont on a envie, se réjouit Isabelle Marcos. L’atelier n’est pas écrit noir sur blanc. Il faut faire en fonction de ses besoins. » Ce jeudi, le groupe commence par faire les ateliers du parcours de santé. Slalom, poutre d’équilibre, parcours de plaque mobile, passage de petites haies… « Ça fait partie du soin, assure la psychomotricienne. C’est de la rééducation sans en parler. »
Lucienne, 85 ans, passe sans encombre les embûches du parcours d’équilibre. Elle est entraînée : « Quand je viens toute seule, je refais les exercices. Ça fait du bien. Dès qu’il fait beau je sors. Je me balade jusqu’à la glycine, c’est à l’abri du vent. Je prends aussi le chemin qui mène au petit Jésus, ça prolonge ma marche. La première fois je n’ai pas réussi à l’atteindre, c’était trop dur. Mais maintenant, j’y arrive, je me fais violence. »
Un récit qui colle parfaitement à l’objectif visé par Mathieu Fraysse, directeur de l’Ehpad, lors de la création de cette espace jardin thérapeutique et parcours de santé : « C’est une vraie activité et ça permet un maintien de l’autonomie et de la marche. Les kinés font ce qu’ils peuvent, mais ils manquent de temps. Le jardin, c’est du temps de gagner. Les résidents reproduisent le parcours que leur présente la psychomotricienne et ils progressent. »
Mais les bienfaits des jardins thérapeutiques ne se limitent pas à la motricité. À Saint-Iillide, deux jardins sont installés pour les résidents, dont à destination de l’unité protégée, pour les personnes âgées atteintes de la maladie d’alzheimer ou de troubles apparentés.
Stimuler les sens et la mémoireUn projet initié, il y a un an, par les professionnels de santé de l’unité. « C’est bon pour la mémoire, et ça stimule le toucher, le goût, l’odorat… », raconte Sophie Fernier, aide médico-psychologique.
Tous les ans, en mai, les résidents font une sortie pour choisir les plants, les espèces, les graines… Puis, un atelier plantation permet de lancer le jardin dont les résidents s’occupent tout l’été. « Ils se rappellent très bien de comment jardiner, témoigne Davina Capelle. Je m’apprêtais à planter un plant de rhubarbe dans la terre, ils m’ont dit que ce n’était pas comme ça qu’on faisait, qu’il fallait d’abord une couche de cailloux, puis une couche de terre, puis une de cailloux, une de sable et seulement là, la plante. » Résultat, le pied a pris.
À Saint-Illide, les résidents de l'Ehpad profitent d'une superbe vue au moment de jardiner.
Aux Vaysses, Isabelle Marcos joue également sur ses stimulations cognitives. Elle prend le temps de sentir les fleurs avec les résidents, de leur faire toucher. « On a le droit de les ramasser, j’étais surpris quand on me l’a dit, raconte Lucienne. Alors, j’en ramasse et je les mets dans un gobelet, dans ma chambre. »
La psychomotricienne, elle, insiste sur les aménités environnementales, ces bienfaits de la nature sur l’homme : « Sentir un parfum, voir une couleur, toucher une fleur… C’est une stimulation naturelle. On peut le recréer en intérieur, mais, ici, pas besoin : c’est déjà là. »
Un lieu d'échange, de partageLorsqu’elles organisent un atelier en extérieur, l’animatrice Marine Delbos et la psychomotricienne Isabelle Marcos font participer tous les résidents qui le souhaitent. « On amène aussi ceux qui sont en fauteuil roulant. Aller prendre l’air, regarder les bourgeons, discuter… Ce n’est pas qu’une question de motricité le jardin. »
C’est le cas de Bernadette, qui sort en fauteuil roulant deux ou trois fois par semaine, quand ses petites filles viennent la voir. Ce jeudi, Fanny, Audrey et Laurène sont venues toutes les trois pour lui rendre visite et faire le tour du jardin, avec les autres résidents. « Elle a toujours aimé être dehors », raconte Fanny. « Chez moi, je sortais, ici je continue. C’est important pour changer d’air », explique-t-elle.
Aux Vaysses, Bernadette profite de la venue de ses petites-filles pour sortir dans le jardin.
Comme aux Vaysses, la maison de retraite de Coissy, à Aurillac, profite de son jardin thérapeutique pour renforcer le lien social avec les familles des résidents. « C’est une ouverture sur l’extérieur, témoignent le directeur Benjamin Champeil et l’animatrice Virginie Bonnet. Les familles viennent voir les résidents au jardin. On va acheter ensemble les plants en faisant participer les familles. On se retrouve autour du jardin. »
Un lieu d’échanges entre les résidents, avec les familles, mais aussi entre les professionnels de santé et les résidents. « C’est un moment de partage, affirme Sophie Fernier. Après la récolte, on mange ensemble, ce sont de bons moments. »
Pour la directrice de cet Ehpad, Célia Jacquelin, ce jardin rentre dans une vision plus globale de son établissement.
« Un Ehpad, ce n’est pas un hôpital, c’est un lieu de vie. Ce que les gens veulent y trouver, c’est de la vie. Des projets, des spectacles… Un jardin thérapeutique, c’est de la vie. »
Ces propos résonnent à quelques dizaines de kilomètres de là, dans le jardin des Vaysses de Mauriac, où Hélène, 90 ans, « se délecte » du sol printanier et des fleurs qui renaissent : « Ici, c’est la vie qui revient ».
Mathieu Brosseau