Intéressant constat que celui qu’on peut dresser à la lecture d’un récent article de Courrier International sur un rapport de l’Institut australien de politique stratégique (ASPI) qui semblerait montrer que la suprématie américaine en matière de technologies est en train de céder sa place à la Chine…
L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt et surtout qui parlent chinois ; c’est en tout cas ce qu’on pourrait croire à lire le rapport en question duquel on peut d’ores et déjà tirer quelques enseignements, à commencer par le constat que dans la course intellectuelle et technologique, l’Occident est clairement en train de marquer le pas au profit de la Chine.
Pour l’Institut australien, les démocraties occidentales ne sont plus le berceau des avancées scientifiques et de la recherche, et – pire encore – ne sont plus capables de retenir les ingénieurs et les chercheurs comme ce fut le cas jadis. Selon lui, la Chine serait passée en tête dans 37 des 44 secteurs de technologies de pointe analysés, depuis les batteries électriques aux communications fondées sur les technologies 5G ou 6G en passant par le développement de l’informatique quantique, les vaccins ou les systèmes de lancement spatiaux, ces trois domaines faisant partie des sept domaines seulement où les États-Unis restent en tête pour le moment.
Or, dans l’ensemble des métriques proposées, une question surnage, lancinante et dont la réponse n’est pas très rassurante : où en est l’Europe ?
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Et l’Europe, dans tout ça ?
Coincée dans un entre-deux inconfortable où le Vieux Continent semble tout juste maintenir ses capacités, elle n’apparaît en tête dans aucun domaine technologique sur les 44 choisis par l’Institut. Au passage, en épluchant le rapport, on se rend compte que les pays européens peinent aussi à trouver une place en troisième ou quatrième position. Pire : même si l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni tirent encore leur épingle du jeu dans plusieurs domaines leur permettant de se hisser de temps en temps à une troisième place, la France n’apparaît qu’à deux reprises lorsqu’il s’agit d’énergie nucléaire (et la gestion de ses déchets).
Ce constat impose de s’arrêter une seconde et de bien saisir l’ampleur de ce qui s’est passé en quelques années, une ou deux décennies tout au plus : non seulement la Chine a largement rattrapé le reste du monde et dépassé les États-Unis, mais l’Europe semble maintenant prête à sombrer corps et biens dans le ventre mou des civilisations moyennes, ni complètement tiers-mondisée (pour combien de temps encore ?), ni vraiment apte à développer des technologies de pointe…
En somme, pendant que le monde devient de plus en plus compétitif, que la course technologique devient plus pressante, l’Europe semble avoir fait le choix franchement douteux de devenir de plus en plus « décroissante » : décroissance de sa population actée avec plus ou moins de résignation et pour certains même, une pointe de morgue réjouie, décroissance technologique en faisant une guerre permanente à toute amélioration du niveau de vie sous tous les prétextes possibles, et surtout décroissance par l’énergie avec une politique suicidaire vigoureuse d’arrêt pur et simple de toute forme d’énergie bon marché, et le remplacement assez moyennement subtil des énergies qui marchent par celles qui ne marchent pas et sont autant hors de prix qu’hors de contrôle (moulins à vent, miroirs magiques) ou d’autres comme le charbon voire la biomasse qui nous ramènent, dans une sorte de nostalgie triste, à ce XIXe siècle qui voyait, jadis, l’Europe conquérir le monde.
À ces choix déjà calamiteux visant une disparition aussi pitoyable que possible, on doit ajouter les efforts actuels d’ajouter la faim au froid qui ne manquera pas de saisir les populations en manque d’énergie, avec cette volonté de plus en plus affirmée de dépendre du reste du monde pour s’alimenter : il suffit pour s’en convaincre de voir les quelques agriculteurs encore en activité en Europe défiler pour essayer de réveiller les populations et les politiciens aux problématiques que ces derniers, ânes bâtés de l’écologisme de combat, s’emploient pourtant à leur créer chaque jour qui passe.
Devant ce tableau consternant, peut-on réellement s’étonner de la véritable fuite des cerveaux observée déjà dans différents pays, la France représentant en la matière une sorte de phare indiquant aux autres ce qu’il ne faut surtout pas faire pour conserver son potentiel intellectuel chez soi ? Les articles d’analyse sont peu nombreux, le constat faisant mal, mais ceux qui évoquent la situation à ce sujet sont sans appel : les cerveaux quittent l’Europe et s’installent aux États-Unis et en Chine, et cette fuite coûte de plus en plus cher.
Une situation qui n’est pas une fatalité
Le plus grave est que ceci n’est en rien une fatalité : l’Europe a amplement prouvé qu’elle pouvait être indépendante sur tous les plans. Sur le plan énergétique, elle s’interdit d’exploiter ses sous-sols pourtant riches. Sur le plan alimentaire et sur le plan technologique, il n’y a pas de doute qu’elle a largement de quoi rendre la monnaie de leur pièces aux Chinois et aux Américains.
Les Européens savent faire aussi bien des puces que des satellites, des avions que des fusées, des voitures que des matériaux raffinés de tous types. L’Europe a su former et a formé une élite intellectuelle, militaire, industrielle, celle qui a effectivement et littéralement conquis le monde en différentes vagues pendant des siècles, y compris les Amériques et l’Orient.
Les pays européens et leurs peuples ont amplement prouvé pouvoir éclairer le monde de leur culture et de leur philosophie.
On sait faire.
Mais malgré cela, l’Europe s’enfonce maintenant comme elle ne s’est jamais effondré auparavant. Et pas parce que, subitement, elle ne serait plus capable mais bien parce qu’elle a choisi de ne plus l’être : il s’agit ici d’idéologie, il s’agit de renoncement et rien d’autre.
De l’idéologie, oui, bien connue, marxisante même, celle qui mène inéluctablement à la guerre de tous contre tous au prétexte de protéger des minorités de plus en plus risibles qui n’ont de cesse de monter les uns contre les autres. Diviser pour mieux régner n’a jamais aussi bien marché, tant pour les États-Unis que pour la Chine qui voient maintenant dans l’Europe un véritable champ d’opportunités pour le pillage intellectuel, culturel et économique et ne s’en privent pas.
Il s’agit aussi de renoncement : après des années à distiller l’idée selon laquelle l’individu ne peut rien et l’État peut tout, les citoyens européens, baignés de sociale-démocratie de plus en plus socialiste et de moins en moins démocratique, ont justement fini par le croire, dur comme fer. Renonçant à toute responsabilité et aussi à tout effort pour se détacher de la tétine lénifiante de l’État, les citoyens européens ont petit à petit confié les clés de toute l’Europe à des dirigeants bien plus soucieux de leur propre richesse personnelle que de celle des peuples qui leur ont aveuglément (et de plus en plus idiotement) fait confiance.
On arrive à présent au bout de ce schéma car la facture arrive, et elle est particulièrement salée.