Soupçonnée de tentatives de meurtre dans l'Allier, une septuagénaire est déclarée irresponsable pénalement

Une septuagénaire au profil anodin, cheveux gris, manteau noir, air candide, telle qu’on en croise au marché ou dans les clubs pour aînés. Plus rarement devant la cour d’appel de Riom… La Bourbonnaise est soupçonnée d’avoir tenté de tuer ses voisins de manière particulièrement sauvage. Mise en examen et placée sous contrôle judiciaire, elle est aussi en proie à de graves troubles psychiatriques. Peut-elle, au vu de sa pathologie, être jugée ?

C’est la délicate question que doit trancher la chambre de l’instruction. Le premier fait remonte au 18 juin 2019. Ce jour-là, dans une commune de l’Allier, cette ancienne auxiliaire de puériculture, alors âgée de 68 ans, pénètre dans la propriété de ses voisins, un couple de retraités. Bidon d’essence à la main et allumettes dans la poche, elle se dirige vers un camping-car, où dorment ces derniers.

"Vous allez tous crever !", vocifère-t-elle avant de bloquer la porte du véhicule avec une planche. Le voisin parvient à sortir par la porte côté conducteur. Il est aussitôt aspergé d’essence par l’intruse. Après avoir été maîtrisée, celle-ci est prise en charge par les pompiers et conduite dans une unité psychiatrique. La vieille dame, qui vit seule, souffre de délires paranoïaques. La veille de l’agression, sa sœur avait tenté de la faire hospitaliser, sans succès.

Une information judiciaire pour tentative de meurtre est ouverte. Deux années passent. La retraitée sort de l’hôpital. Quelques jours plus tard, la voilà de nouveau placée en garde à vue et internée. Un autre de ses voisins, 72 ans, a été frappé à coups de marteau sur la tête, chez lui, alors qu’il dormait. "Sa fille l’a découvert dans un bain de sang" , relate Me Claire Barge, son conseil.

Les soupçons s’orientent alors vers la septuagénaire, laquelle accuse la victime de l’avoir violée et chez qui deux marteaux sont retrouvés. "Ce n’est pas moi !", nie-t-elle fermement, reconnaissant, en revanche, l’épisode du camping-car. Pour celui-ci, un psychiatre avait conclu à l’altération du discernement, ouvrant la voie à un possible jugement.

Deux ans après, pour les coups de marteau, il parle cette fois d’abolition, synonyme d’irresponsabilité pénale. "Met-on les deux faits dans le même sac ?", sonde Me Victoria Gesset, avocate des époux, pointant là toute la complexité du dossier. Pour elle, c’est non. La seconde expertise ne doit pas avoir d’effet sur l’affaire de 2019, l’inquiétante voisine doit être punie.

Pour la défense, au contraire, l’abolition doit jouer sur les deux faits. "Sachant que les troubles de ma cliente sont très anciens", précise Me Anne-Charlotte Boudet. Le parquet général est sur la même position. Ils ont été entendus par la chambre de l’instruction, qui conclut à l’irresponsabilité pénale de l’aînée.

Olivier Choruszko