Nous, cancérologues, tenons à prendre publiquement position sur la thématique actuellement très médiatisée d’un lien supposé entre la vaccination anti-Covid et une augmentation de cas de cancers. Ainsi, certains ont-ils pu parler de "turbo cancers" (de manière impropre car ce terme n’est pas médical et n’est jamais utilisé) c’est-à-dire de cas de cancers très agressifs ou "fulgurants", survenant juste au décours d’une vaccination. De manière très ferme, nous contestons formellement ces informations qui ne sont basées sur aucune publication, sur aucune donnée épidémiologique française ou internationale, malheureusement relayées sans modération par certains grands médias ou sur les réseaux sociaux, et qui ne correspondent en rien à ce que nous, professionnels de santé en première ligne de la prise en charge des cancers, avons constaté à ce jour dans notre quotidien ni dans nos bilans d'activité au cours des années 2021 et 2022.
Très tôt, l’ensemble des sociétés savantes internationales d’oncologie se sont prononcées en faveur de la vaccination des patients atteints de cancer contre la Covid-19, plus à risque de formes sévères ou de décès en raison de l’immunodépression induite par la maladie ou les traitements. Le très bon profil de tolérance de la vaccination a été rapporté dès avril 2021, avec des effets indésirables graves et inattendus exceptionnellement rapportés. Initialement exclus des programmes d’enregistrement des vaccins à ARNm, les patients atteints de cancers ont présenté malgré tout une moins bonne immunogénicité, c’est-à-dire une réponse immunitaire protectrice plus faible que la population générale. Cela a permis rapidement de recommander des rappels vaccinaux précoces et des suivis sérologiques adaptés à chaque patient d’oncologie en fonction des traitements suivis mais en aucun cas des conseils liés à une quelconque sur-toxicité constatée chez ces patients. Rappelons ici que selon les estimations la vaccination anti Covid-19 a probablement sauvé plus de 14 millions de vies humaines.
Après analyse de la base de déclaration des effets indésirables post vaccination VAERS (Vaccine Adverse Events Database), pourtant controversée en raison de son risque de sur-déclaration, aucune incidence accrue d’effets indésirables significatifs susceptible d’alerter la communauté scientifique en oncologie n’a été rapportée. Après analyse de la littérature scientifique publiée jusqu’au début de mars 2023, soit plusieurs milliers d'articles scientifiques dans les plus grandes revues internationales, nous n’avons pu identifier qu’une dizaine de cas décrivant la survenue exceptionnelle de lymphomes dont une progression clinique rapide d’une forme rare de lymphome au décours d’un rappel vaccinal anti Covid-19.
À l’inverse, des cas exceptionnels de régression spontanée de lymphomes ont également été rapportés après vaccination anti Covid-19. Il faut pouvoir rappeler qu’une corrélation temporelle ne vaut pas causalité, a fortiori quand il s'agit d'évènements absolument rarissimes. Sans pouvoir expliquer à ce jour ces phénomènes exceptionnels, on peut toutefois noter que des stimulations du système lymphatique ont été plus fréquemment rapportées, notamment lors des suivis par imagerie métabolique par tomodensitométrie par émission de positrons (TEP), avec des cas d’adénopathies hypermétaboliques spontanément résolutives en quelques semaines, révélant donc de simples réactions ganglionnaires inflammatoires non cancéreuses et bénignes témoignant juste d'une réponse immunitaire favorable stimulée par la vaccination.
Notons enfin que des cas de lymphomes ont également pu être rapportés de manière exceptionnelle après d’autres vaccinations comme après une vaccination anti grippale, là encore sans causalité, ni explication mécanistique scientifiquement étayée. Aucun cas en revanche de progression rapide de cancers solides après vaccination anti Covid-19 n’a été rapporté, contrairement aux rumeurs propagées.
En conclusion, à ce jour aucun lien d’alerte n’a été publié entre une incidence accrue ou risque de progression rapide de cancer après vaccination anti Covid-19 ou après une autre vaccination. Nous souhaitons donc une nouvelle fois rassurer nos patients.
Non, il n’existe pas de risque d’aggravation de la maladie ou de rechute lié au vaccin.
Non, la vaccination contre la Covid-19 n’expose pas au risque de développer un cancer.
La vaccination contre la Covid-19 a sauvé de nombreuses vies et vous protège !
Rédacteurs :
Dr Jérôme BARRIERE, Polyclinique Saint-Jean, Cagnes-sur-Mer
Pr Jean-Emmanuel KURTZ, ICANS, Strasbourg
Pr Jacques ROBERT, Ancien Président de la Société française du Cancer, Professeur émérite de cancérologie, Université de Bordeaux
Dr Manuel RODRIGUES, Président de la Société française du Cancer, Institut Curie, Paris
Dr Véronique SAADA, Institut Gustave Roussy, Villejuif
Pr Gérard ZALCMAN, Hôpital Bichat-Claude Bernard, APHP, Paris
Signataires :
Pr Jean-Yves BLAY, Directeur Général Centre Léon Bérard, Président UNICANCER, Lyon
Dr Philippe FOLLANA, Centre Antoine Lacassagne, Nice
Dr Ludovic EVESQUE, Centre Antoine Lacassagne, Nice
Dr Benjamin HOCH, Centre Azuréen de Cancérologie, Mougins
Dr Rémy LARGILLIER, Centre Azuréen de Cancérologie, Mougins
Pr Pierre FENAUX, Hôpital Saint Louis, APHP, Paris
Pr Raphaël ITZYKSON, Hôpital Saint Louis, APHP, Paris
Dr Nicolas Duployez, Hôpital Saint Louis, APHP, Paris
Dr Richard SKAF, Clinique Saint-George, Nice
Dr Olivier CASTELNAU, Institut Arnault Tzanck, Saint Laurent du Var
Pr Anthony GONÇALVES, Institut Paoli Calmette, Marseille
Pr Christophe MASSARD, Centre Eugene Marquis, Rennes
Dr Jean-François BERDAH, Centre Hospitalier de Castelluccio, Ajaccio
Dr Daniel RE, Centre Hospitalier d’Antibes, Antibes
Dr Benjamin AUBERGER, Centre Hospitalier Régional Universitaire, Brest
Dr Ophélie CASSUTO, Clinique Saint-George, Nice
Dr Delphine BORCHIELLINI, Centre Antoine Lacassagne, Nice
Dr Patricia PAUTIER, Institut Gustave Roussy, Villejuif
Pr Thomas CLUZEAU, CHU de Nice Archet, Nice
Pr Benoît YOU, Hospices Civils de Lyon et Université Claude Bernard Lyon 1, Lyon
Dr Romain NATALE, Polyclinique Saint-Jean, Cagnes-sur-Mer
Pr Frédéric PEYRADE, Centre Antoine Lacassagne, Nice
Pr Jean-Marc CLASSE, Institut de Cancérologie de l'Ouest, Saint Herblain
Pr Fabrice LECURU, Institut Gustave Roussy, Villejuif
Pr Pierre SAINTIGNY, Université Claude Bernard Lyon 1, Centre Léon Bérard, Lyon
Dr Adrien ROUSSEAU, AP-HP, Paris
Dr Annick HAREL-BELLAN, Directrice de recherche retraitée du CNRS, Paris
Dr Bernard ASSELAIN, ARCAGY GINECO, Paris
Pr Daniel LOUVARD, Institut Curie, Paris
Dr Bruno LIOURE, ICANS, Strasbourg
Dr Thibault de la MOTTE ROUGE, Centre Eugene Marquis, Rennes.
Dr Mickaël BURGY, ICANS, Strasbourg
Dr Frédéric DELOM, Directeur de l'équipe "Reprogrammation de l’activité tumorale et du microenvironnement associé" - Inserm U1312, Université de Bordeaux, Bordeaux
Pr Jacques-Olivier BAY, CHU Clermont-Ferrand
Dr Patricia PAUTIER, Institut Gustave-Roussy, Villejuif
Dr Sophie COTTERET, Institut Gustave Roussy, Villejuif
Dr Suzette DELALOGE, Institut Gustave Roussy, Villejuif
Dr Catherine GENESTIE, Institut Gustave Roussy, Villejuif
Dr Thomas GRINDA, Institut Gustave Roussy, Villejuif
Pr Jean-Jacques KILADJIAN, Hôpital Saint-Louis, Paris
Dr Natacha JOYON, Institut Gustave Roussy, Villejuif
Dr Karinne PRULHIERE-CORVIOLE, Intergroupe de Cancérologie et d’Onco-radiothérapie du Nord-Est, Reims
Dr Michel FABBRO, Institut du cancer de Montpellier, Montpellier
Dr Julie PANNEQUIN, CNRS, Institut de Génomique Fonctionnelle, Montpellier
Dr Marie-Pierre LEDOUX, Hématologue, ICANS, Strasbourg
Dr Antoine ANGELERGUES, Groupe Hospitalier Diaconesses Paris
Dr Lauriane EBERST ICANS, Strasbourg
Pr Etienne GIROUX LEPRIEUR, APHP-Hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt
Les rédacteurs et les signataires ne déclarent aucun lien d’intérêt en rapport avec la vaccination anti COVID 19.